Fermeture de mosquées en France: "On se trompe complètement de combat"

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L'attentat de Nice et l'attaque terroriste contre l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray ont fait remonter à la surface le débat sur la nécessité de "réorganiser" l'islam en France.

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Dans une tribune publiée dans Libération, le premier ministre Manuel Valls a déclaré que les Français devaient être plus volontaristes sur l'organisation de l'islam dans leur pays et a proposé d'interdire le financement étranger des mosquées et de former les imams en France. Le jour même, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a rappelé qu'"une vingtaine" de mosquées et salles de prière considérées comme radicales avaient été fermées depuis décembre dernier, promettant qu'"il y en aura d'autres".

Or, comme l'analyse Ouisa Kies, sociologue et chercheuse au CNRS, on se trompe de combat, la radicalisation ne se faisant pas dans les mosquées.

"Je pense que le ministre (de l'Intérieur) lui-même le sait pertinemment, (…) tous les spécialistes le disent: on ne se radicalise plus depuis longtemps dans les mosquées. Je pense qu’on se trompe complètement de combat", a-t-elle déclaré dans un entretien à Sputnik.

Selon elle, la question de fermer des mosquées et de réformer l'islam de France est un faux débat que les hommes politiques mènent, mais qui ne fera pas avancer la lutte contre la radicalisation.

D’ailleurs, ce qui est urgent c’est de lutter contre le passage à l’acte violent. "On voit bien que ce sont quand-même des jeunes généralement qui ont des parcours de violence, qui ont intériorisé une violence depuis longtemps et qui passent à l'acte", a-t-elle déclaré, ajoutant que c'était un leurre de dire que cette radicalisation se forme du jour au lendemain.

Le problème n'est pas l'islam: les personnes qui commettent des actes de violence au nom de la foi n’ont souvent aucune pratique et n'ont aucune connaissance de la religion. En réalité ils mettent leurs frustrations au service du sacré.

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Un autre problème est la focalisation sur la lutte contre le salafisme, cette pratique rigoriste de la religion. Le cibler pour lutter contre la radicalisation a pu être une porte d’entrée pendant longtemps. Or, aujourd’hui ce n'est plus le cas. "Ça fait un an et demi, depuis les attentats de janvier 2015, qu’on ne fait que parler de la radicalisation. C’est bien d'en parler, simplement on permet à Daech d’exister, de recruter plus facilement et des profiles complètement différents et pas forcément les salafs", juge l’experte.

Selon elle, le problème est que l'islam attire de nos jours des individus très différents car il devient une sorte de contre-pouvoir institutionnel. "C’est-à-dire qu'on va afficher une religiosité parce que c'est un moyen d’ennuyer le surveillant. C'est un moyen finalement d’exprimer sa liberté face à une institution qui décide d’ouvrir les cellules, de nous envoyer à tel moment en promenade, etc. L'islam permet de donner une existence à beaucoup de personnes qui n'ont finalement rien à voir avec le côté spirituel que devrait être toute religion".

D'ailleurs, pour apporter une solution aux problèmes et prévenir la radicalisation, il faut les confier aux experts, aux des gens qui connaissent et comprennent bien la situation ou aux musulmans eux-mêmes.

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"Quand j'entends qu'à la Fondation pour l’islam Hollande a nommé Chevènement, c’est très bien, mais est-ce qu'il n'aurait pas par exemple quelqu'un de compétent, spécialiste de l'islam, peut-être musulman, aussi en lien avec le CFCM (Conseil français du culte musulman, ndlr) ou toute autre institution religieuse? Je crois aussi que c’est aux musulmans eux-mêmes, c’est à eux de gérer leur culte, ce n'est pas à l'Etat, ce n’est pas à d’anciens ministres, etc. de gérer ça. Je pense qu’il faut arrêter de leur mettre à chaque fois un tuteur", relate Mme Kies.

Selon elle, l'initiative du CFCM est bonne sauf qu'à chaque foi il n’est pas là pour représenter les musulmans mais plutôt pour répondre aux questionnements des institutions publiques et particulièrement politiques.

"C'est une erreur, et c’est pour cela que même si à la tête du CFCM il y a le nouveau président qui est (…) très actif sur le terrain, malheureusement le CFCM n’est pas encore suffisamment légitime auprès des citoyens français musulmans. Ça, c’est bien dommage", a-t-elle conclu.

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