«Aucune raison de dire Vive la France tant qu’elle n’aura pas renoncé au colonialisme»

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Quelles leçons tirer des polémiques Zemmour et Obono ? Le Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) a critiqué une tribune de l’un de nos chroniqueurs. Un échange d’opinions vif mais stimulant.

A la suite de la polémique autour de Danièle Obono, Députée de la France insoumise, Edouard Chanot a publié un billet, « Affaires Zemmour/Obono, les contradictions ultimes de l'idéologie antiraciste ». Il soulignait la condamnation du Polémiste Eric Zemmour pour incitation à la haine, et le soutien de Danièle Obono au groupe Z.E.P. pour sa chanson « Nique la France ».

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Deux cas fondamentalement différents?

Réagissant à ce croisement des affaires, Joanes Louis, Vice-Président du CRAN, entend soulever deux problèmes. D'abord, « Il paraît discutable de renvoyer dos à dos un délinquant récidiviste, qui s'oppose aux droits fondamentaux, et une personne qui les défend ». Condamné pour incitation à la haine raciale, Zemmour ne saurait donc être assimilé à Danièle Obono, défenseuse de la liberté d'expression des artistes, en l'occurrence du groupe Z.E.P.

Joanes Louis affirme ainsi qu'« il est un peu malhonnête de reproduire la citation tronquée. Les artistes ne disent pas juste: «Nique la France». Ils disent en fait: «Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes». La France qui est visée, c'est la France colonialiste et raciste ». Ainsi entend-il poursuivre la lutte anti-coloniale: « cette France sombre et obscure, qui n'est pas toute l'histoire de France, mais qui a existé objectivement, qui existe encore à bien des égards, et à laquelle on ne peut que s'opposer en effet ».

Un examen de citoyenneté?

Joanes Louis estime donc qu'en « ne remettant pas la phrase dans son contexte, M. Chanot a créé une confusion qui conduirait à penser que la députée l'aurait tenue, ce qui est faux. »

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Zemmour, apologiste du terrorisme ?
Ainsi s'insurge-t-il: « pourquoi un examen de citoyenneté française? ». Danièle Obono aurait-elle été une cible? « Lors d'une émission grand public, un chroniqueur lui a même demandé de dire ‘vive la France' C'est peut-être la première fois dans l'histoire contemporaine de la Vème République que l'on formule cette injonction à une députée! Mais de quel droit? Ce journaliste est-il chargé de la police des Noirs? Celle-ci exista à partir de 1716, mais elle n'existe plus, il faut le lui rappeler. »

« On ne peut que soutenir la députée de la France Insoumise, Danièle Obono », ajoute-t-il. « On [lui] demande (parce qu'elle est noire) de dire ‘Vive la France'. Mais en réalité, il n'y a aucune raison de dire ‘Vive la France', tant que celle-ci n'aura pas renoncé au colonialisme, tant qu'elle n'aura pas reconnu et réparé tous les crimes qu'elle a commis, et qu'elle continue encore à commettre dans le cadre de la Françafrique ».

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Un climat délétère?

Edouard Chanot ne l'entend pas de cette oreille. Pour celui-ci, le fond du problème n'est pas celui de la liberté d'expression: « comme je l'évoquais dans mon billet, le fond du problème est l'idéologie anti-raciste. Les arguments invoqués par Maître Louis le confirment: ils en reflètent les travers ». Et de poursuivre: « légitime en théorie, l'antiracisme s'est en pratique mué en idéologie, par nature manichéenne et soupçonneuse. Trop souvent depuis une trentaine d'années, ses promoteurs censurent la pensée et le langage dans les médias et les prétoires ».

On ne pourrait donc raisonner par les seules lois selon Edouard Chanot: « Ainsi Eric Zemmour se voit-il réduit à un « délinquant récidiviste » de la haine, argument commode, car fondé sur les normes mêmes que ces mouvements antiracistes ont fait promulguer. C'est se faire juge et partie ». Et de redéfinir la liberté d'expression: « c'est faire peu de cas d'une autre conception de la liberté d'expression, étrangère au délit d'opinion. S'en tenir aux normes et décisions juridiques empêche d'interroger les conséquences de trente années d'idéologie antiraciste ».

Parmi celles-ci, l'exclusion des adversaires selon Edouard Chanot: « ‘on ne peut que soutenir [Danièle Obono]', assène mon contradicteur. Les tournures normatives sont propres à la pensée unique. Pensée qui, par définition, rejette le moindre sens des pluralités et chasse —comme je le disais dans le billet- ses adversaires hors du cercle de la raison. »

« Le CRAN m'accuse de malhonnêteté, d'avoir tronqué les paroles ‘nique la France et son passé colonialiste' » tient-il à préciser. « Mais de qui se moque-t-on? Le titre de la chanson est bel est bien ‘Nique la France' et le reste de ce ‘chef-d'œuvre' laisse peu de place à l'équivoque. Et je n'ai dit nulle part que Madame Obono en avait prononcé l'un des vers fabuleux. Elle a seulement l'air d'en aimer la mélodie », ironise-t-il.

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Edouard Chanot pousse sa critique: « sans exiger la censure de telles ‘chansons' — laissons ces mécanismes à d'autres — nous ne pouvons les résumer à la seule expression artistique. Celle-ci peut justifier toutes les actions militantes, d'un combat culturel subversif, intensément politique ». Ainsi voudrait-il « écarter toute naïveté, et exiger le droit de critiquer de telles productions, sans se voir accuser d'un racisme fantasmé ». Et d'ajouter: « Les idéologues ont, par leur rhétorique, constamment élargi la définition du racisme. Toute critique devient du racisme, ce qui est totalement absurde et conduit à racialiser perpétuellement le débat, au lieu de juger les arguments eux-mêmes ».

Une pensée unique?

Edouard Chanot regrette: « conditionner l'amour de la France relève du chantage. Aucune Nation n'est exempte d'erreurs, car la perfection n'est pas humaine ». Et de conclure: « l'instrumentalisation du passé, en vue de culpabiliser en permanence la France et les Français, rend de facto impossible toute vie commune, ce ‘vivre-ensemble' que les professionnels de l'antiracisme industrialisé érigent pourtant en concept-totem ».

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