Chute dans l’opinion: Macron aurait-il péché par orgueil?

© REUTERS / Stoyan NenovEmmanuel Macron
Emmanuel Macron - Sputnik Afrique
S'abonner
En passant de 64 à 40% d’opinions favorables en seulement deux mois, le nouveau Président «triomphalement» élu bat ainsi tous les records d’impopularité de la Vème République, détrônant François Hollande et Jacques Chirac. Un coup dur pour l’exécutif et ses soutiens, alors que la rentrée s’annonce particulièrement difficile.

La première rentrée d'Emmanuel Macron ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. Après un mois de juillet marqué par une forte baisse de sa cote de popularité dans les sondages, le jeune Président de la République subit un second revers dans l'opinion, avec une baisse de 14 points pour le seul mois d'août d'après une nouvelle enquête de l'IFOP pour le Journal du dimanche (JDD), s'établissant à 40% d'opinions favorables, avec seulement 4% de sondés qui s'estiment «très satisfaits».

Emmanuel Macron, presidente electo de Francia - Sputnik Afrique
Désormais minoritaire: la popularité de Macron s'effondre à 40%
Avec 24 points de recul dans l'opinion en l'espace d'un été, non seulement Emmanuel Macron devient le premier Président de la Vème République à enregistrer un tel effondrement, détrônant Jacques Chirac et sa chute de 20 points sur la même période en 1995, mais il entame également sa rentrée avec le soutien d'une minorité des Français, après être largement passé sous la barre des 50% d'opinions favorables. Une situation particulièrement inconfortable alors même que les ordonnances qui doivent réformer le Code du travail seront rendues publiques ce jeudi.

 

Pour le journaliste Benjamin Masse-Stamberger, membre fondateur du Comité Orwell, cette chute n'est finalement qu'un réajustement, un resserrage autour de l'électorat d'adhésion d'Emmanuel Macron. Il dépeint un «effet d'euphorie» à propos des résultats électoraux d'Emmanuel Macron, alors même que ceux-ci étaient moins bons que ceux de François Hollande et de Nicolas Sarkozy. Une europhorie qui n'aura donc pas résisté longtemps face à la situation du gouvernement et de la France.

«En réalité, le socle d'adhésion d'Emmanuel Macron est beaucoup plus restreint que ce qu'on aurait pu penser à la lumière —simplement- des 66% de voix qu'il a obtenues au second tour de l'élection présidentielle. Il faut se référer davantage à son score de premier tour, qui est un score de 24%.»

En effet, le Président Macron a beau mettre en avant que son programme est celui qui a été plébiscité par les Français au travers les urnes, le tout lors d'une élection présentée comme «triomphale» par la presse, rarement un Président n'aura été élu par un corps électoral si restreint.

En effet, dès le lendemain du second tour, les instituts de sondage relativisaient un score marqué par une abstention record depuis 1969 et un vote de rejet de la principale opposante du candidat élu, Marine Le Pen. Selon les chiffres définitifs du Ministère de l'Intérieur, seuls 44% des inscrits sur les listes ont voté pour le candidat d'En Marche! au second tour.

Le 8 mai, François Kraus, analyste à l'IFOP, soulignait auprès de nos confrères de Libération que «près de six de ses électeurs sur dix ont voté par rejet de son adversaire. C'est mauvais signe pour le nouveau Président.» Un signe dont Emmanuel Macron n'a visiblement pas tenu compte. Un vote de rejet que soulignait également un sondage Ipsos/Sopra Steria, qui relevait par ailleurs que seuls 16% des électeurs ayant glissé un bulletin Macron dans l'urne l'avaient fait pour son programme, 8% pour sa personnalité.

Emmanuel Macron et François Hollande - Sputnik Afrique
Désillusion: Macron bat le record d’impopularité d’Hollande
Un effondrement d'autant plus prononcé que, comme le met en avant Benjamin Masse-Stamberger, la succession d'erreurs politiques de cet été a autant pesé sur la droite que sur la gauche d'Emmanuel Macron, avec des mesures jugées «antisociales» comme l'annonce de la baisse des APL, ou la coupe dans le budget de l'armée accompagnée du départ du général de Villiers qui a «braqué» un électorat de droite «sensible aux questions régaliennes».

Notre intervenant tient également à rappeler qu'un certain nombre d'électeurs avaient préféré le programme d'Emmanuel Macron à celui de François Fillon grâce à des promesses telles que la baisse des cotisations sociales ou la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des Fançais. Des mesures, qui si elles sont toujours annoncées, arriveront bien plus tard que les augmentations de charges qu'elles devaient compenser.

«On a vu que les efforts, c'était tout de suite et en revanche les récompenses ou les mesures pour le pouvoir d'achat […], étaient reportées à plus tard. Donc les gens se sont dit qu'il y avait eu un peu tromperie sur la marchandise et qu'en réalité le programme qu'Emmanuel Macron applique n'est pas celui qu'il avait promis durant la campagne.»

Un recul généralisé que l'on retrouve dans le résultat de l'étude, toutes tranches d'âge et catégories socio-professionnelles confondues. L'écart entre les sondés satisfaits de juillet et d'août étant en effet aussi prononcé (-14 points) chez les jeunes de 18-24 ans que chez les 65 ans et plus ou que chez les cadres supérieures et les ouvriers (respectivement —15 et —18 points). On notera toutefois, côté sensibilité politique, une chute de la satisfaction plus marquée chez les sympathisants centristes (-22 points à UDI et —18 points au Modem) ainsi que de gauche (-24 points chez les socialistes et —22 points pour les écologistes) que chez les sympathisants du Front national (-16 points), les Républicains (-15 points) ou de la France insoumise (-9 points).

Quant aux partisans de LREM, avec une baisse de 3 points et un score quasi-soviétique de 92% de satisfaits, ils sont sans grande surprise ceux qui résistent le mieux à cette tendance baissière.

Emmanuel Macron - Sputnik Afrique
En deux mois de sa présidence, Macron accuse déjà un déficit de 10 pts de popularité
Ajoutons à cela que le sondage a été effectué entre le 25 et 26 août, autant dire que les révélations du Point sur la facture de maquillage du Président a dû produire son effet. Mais au-delà de ces erreurs imputables à un certain manque de savoir-faire en matière politique de la part d'un Président fraîchement élu, on ne peut que remarquer un autre point attenant, cette fois-ci, à son savoir-être et qui explique également la descente d'Emmanuel Macron dans l'opinion publique.

En effet, le Président jupitérien n'aime pas être contredit… et n'hésite pas à le faire savoir. Il faut dire que les journalistes ne l'ont pas vraiment habitué à l'exercice durant sa campagne et depuis son élection il n'a pas vraiment brillé par sa magnanimité, ne manquant pas à plusieurs occasions d'humilier publiquement ceux qui ne partageaient pas ses vues.

Parmi ceux qui en ont fait les frais figure son ancien chef de gouvernement, Manuel Valls, éconduit sans vergogne alors qu'il tentait de rejoindre les rangs de LREM pour les législatives. La veille du 14 Juillet, depuis l'hôtel de Brienne, le Président recadrait son chef d'état-major, sans le nommer. Le général Pierre de Villiers, s'était en effet ému au cours d'une audition à l'Assemblée quelques jours auparavant du rétropédalage budgétaire du gouvernement envers les Armées. Même à l'étranger, il se distingue par son attitude condescendante, comme récemment à l'encontre de la Pologne, sur fond de déplacements infructueux en vue de durcir la directive européenne sur le travail détaché. Sans oublier, pour finir, les journalistes, alors même que ces derniers l'avaient particulièrement soigné durant sa campagne. Une attitude du Président sur laquelle revient Benjamin Masse-Stamberger, qui évoque ainsi, au-delà du manque d'adéquation entre les mesures annoncées et celles mises en place, une «confusion de registre» qui pèse sur sa popularité. En effet, si Emmanuel Macron semble lors de ses rencontres avec ses homologues américains et russes comprendre l'attente des Français de voir la fonction présidentielle réhabilitée, celui-ci semble s'être écarté de cette ligne de conduite:

«Il a un peu confondu à la fois le registre de l'incarnation et le registre de ce qui est l'autoritarisme, c'est-à-dire "c'est moi le chef" et de faire preuve d'une forme d'autoritarisme un peu puéril. Et donc là, il y a une confusion des registres où les gens ont bien perçu qu'il ne s'agissait pas de la fonction, mais de revaloriser la personne d'Emmanuel Macron et de lui donner quasiment une sorte de droit de vie ou de mort sur des gens qui travaillent avec lui et ce n'est pas ce que les Français attendent.»

Une confusion à laquelle s'ajoute une autre, entre «l'incarnation et la communication», selon notre expert, qui rappelle les différentes situations dans lesquelles Emmanuel Macron s'est mis en scène depuis son arrivée au pouvoir:
«Il y a une manière de communiquer d'Emmanuel Macron, qui va dans un sous-marin, qui se déguise en tennisman, en pompier, qui donne aussi l'impression aux Français qu'il les prend un petit peu pour des idiots: les Français sont dans l'attente d'incarnation, ils ne sont pas dans l'attente d'une sorte de super-héros à l'Élysée. […]Ces deux erreurs, ces deux confusions de registre, qui alimentent l'impression un peu aussi d'un enfant-roi, qui a l'ego totalement surdimensionné et qui a un petit peu perdu les pédales, ont beaucoup joué à mon sens dans sa perte de popularité.»

Reste donc à savoir de quelle manière le Président fraîchement élu décidera de tenir compte de ces sondages. Quelle que soit sa décision, ces chiffres ne sont pas anodins au vu du calendrier politique particulièrement chargé de cette rentrée ainsi que de la situation économique que traverse le pays.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала