Le FPÖ autrichien à la croisée des pouvoirs

© AFP 2023 Hans Punz / ApaLe Parti de la liberté d'Autriche
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Union des droites ou pas? Si la question est largement rhétorique en France, elle est devenue centrale en Autriche avec la percée du FPÖ aux législatives, pressenti pour entrer dans une coalition avec les libéraux-conservateurs de l’ÖVP. Une hypothèse qui indigne ceux qui voient dans le FPÖ un parti d’extrême droite. À tort?

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Le FPÖ, un parti d'extrême droite? Non, n'en déplaise aux médias qui ont abondamment titré sur «L'extrême droite aux portes du pouvoir en Autriche!» depuis les résultats des législatives. Alors que la majorité des commentateurs ne fait aucune distinction entre droite souverainiste, populiste et extrémiste, mettant des partis comme le FPÖ et le FN dans le même sac «extrémiste», Patrick Moreau, chercheur au CNRS de Strasbourg et spécialiste des pays germaniques, tord le cou à cette idée reçue et trop souvent acceptée par l'opinion publique:

«Ce sont des partis nationaux-populistes. C'est une famille politique qui joue un rôle de plus en plus important dans les systèmes politiques, mais les différences typologiques avec l'extrême droite sont très fortes.»

Patrick Moreau distingue quelques «marqueurs» forts de l'extrême droite afin de démontrer de manière précise ces différences avec la droite nationale-populiste. Citons notamment la volonté de ces formations extrêmes d'utiliser la violence, de détruire le système démocratique en place, de recourir à un chef véritable à la tête du pouvoir et enfin d'établir une doctrine de la race dans leur système de valeur. Or, ni le FN ni le FPÖ ne répondent à ces critères, explique le chercheur.

Cependant, en France Les Républicains et le Front national refusent jusqu'à présent une union des droites, à l'instar de celle qui pourrait à nouveau survenir en Autriche. Une position qui s'explique par les histoires respectives du FN et du FPÖ et dans la manière dont la population les perçoit.

En effet, contrairement au FN, le FPÖ est «complètement dédiabolisé en Autriche, c'est un parti d'une normalité complète, 80% des Autrichiens pensent que le FPÖ est un parti complètement normal.»

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Aucun obstacle du côté de l'opinion publique, donc, à une potentielle coalition entre les deux vainqueurs des législatives anticipées du15 octobre en Autriche. Un scénario largement brassé dans les médias, mais qui laisse sceptique Patrick Moreau, parce que les dirigeants de l'ÖVP (libéral) et du FPÖ (, «Kurz et Strache se détestent» et que pour ce dernier «l'ÖVP, c'est les conservateurs, c'est l'ennemi». Le chercheur souligne de plus que la position eurosceptique du FPÖ reste une ligne rouge à Vienne:

«Le président de la République en Autriche a dit qu'il n'accepterait pas un gouvernement qui aurait une orientation anti-européenne, et cela ne pourrait pas marcher avec Kurz, (…), qui reste fondamentalement un pro-européen».

Cependant, au vu de l'échec de la dernière coalition entre l'ÖVP et le SPÖ (socio-démocrate) et de la fermeté du candidat Kurz sur l'immigration zéro, une alliance entre conservateurs et national-populistes reste envisageable. Et ceci d'autant plus qu'ils se rejoignent sur la critique de l'Union européenne quant à sa politique migratoire.

Si cette coalition se formait, la nouvelle Autriche de Sebastian Kurz pourrait aisément se rapprocher du groupe de Visegràd (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie). En effet, les deux entités souhaitent infléchir les politiques migratoires de l'Union en fermant, pour un temps plus ou moins long, les frontières nationales. Une position sur laquelle campe par ailleurs le Danemark depuis le début de l'année.
Cependant, Patrick Moreau ajoute que l'Autriche ne prendra pas comme modèle la Hongrie de Victor Orban:

«Kurz sait parfaitement que, je dirais, une démocratie autoritaire à la hongroise n'est absolument pas réalisable en Autriche et pas du tout souhaitable.»

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Enfin, l'autre conséquence majeure de cette coalition serait le rapprochement inéluctable du nouveau gouvernement autrichien avec la Russie. En effet, alors même que d'indéniables liens unissent déjà le FPÖ et le parti Russie-Unie, le ministre des Affaires étrangères Kurz (très probable futur chancelier!) émet depuis plusieurs années le souhait de lever progressivement les sanctions économiques imposées à Moscou. Néanmoins, Kurz «attend de la Russie (…) une gestion positive de la question ukrainienne», afin qu'il ne s'agisse pas d'«un deal à sens unique».

Finalement, les commentateurs ont raison sur un point: les idées défendues par la mouvance national-populiste, et majoritairement souverainiste, se rapprochent du pouvoir. Que les partis qui les portent y accèdent ou non, elles sont d'ores et déjà reprises par les partis plus traditionnels, comme on a pu l'observer en Autriche. Elles sont amenées à peser de plus en plus sur les politiques de leurs pays respectifs et, par ricochet, de l'UE.

Ceci est particulièrement vrai au centre et à l'est de l'Europe, avec comme pivot l'Autriche. Les prochaines élections législatives organisées le 20 octobre en République tchèque pourraient renforcer davantage cette tendance.

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