Fête de l’Aïd el-Kébir: «On reçoit de plus en plus de demandes d’abattage»

© REUTERS / Shamil ZhumatovAïd el-Kébir
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Les musulmans de France célèbrent depuis le 21 août et pour trois jours l’Aïd el-Kébir ou «la fête du sacrifice». Dans ce cadre, des dizaines de milliers de moutons seront tués. Certains clandestinement. Pour les associations musulmanes, il faut plus d’abattoirs. Les défenseurs des animaux veulent, eux, que les sacrifices cessent.

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C'est chaque année la même rengaine. Durant les célébrations de l'Aïd el-Kébir, qui marque la fin du pèlerinage à La Mecque, plusieurs milliers de moutons seront sacrifiés. Cette fête, l'une des plus importantes de l'islam, provoque de nombreuses critiques de la part des défenseurs des animaux.

Difficile pourtant d'obtenir des données précises sur le nombre de moutons tués à cette occasion. Brigitte Bardot avance le nombre de 250.000, mais lechiffre de 100.000 est plus communément admis. Outre la centaine d'abattoirs pérennes autorisés à pratiquer les sacrifices rituels, 44 abattoirs temporaires ont été agréés par les autorités. Les abattages «halal», qui voient la mise à mort de l'animal sans étourdissement, sont normalement interdits. Ils bénéficient d'une dérogation au titre de la liberté de culte et sont strictement encadrés par les articles R214-73 à R214-75 du code rural, ainsi que par les modalités pratiques et les directives de la circulaire du 14 juin 2018.

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Mais comme chaque année, se multiplient les circuits d'abattage illégaux. Le 21 août, un abattoir clandestin a été découvert par la police à Sens, dans l'Yonne. Il comptait 24 moutons. Le 20 août, les gendarmes ont découvert 40 ovins détenus clandestinement par un couple alsacien, dont 16 étaient au sous-sol, dans le noir. À Drancy, ce sont 32 bêtes qui ont été découvertes dans une pizzeria. Cette liste, loin d'être exhaustive, représente un véritable problème pour les associations de défense des animaux, comme l'explique à Sputnik France Ghislain Zuccolo, directeur de Welfarm, une association de protection des animaux:

«Les abattages clandestins sont réalisés par des personnes qui ne sont pas du tout formées. On peut assister à des mises à mort mal exécutées avec du matériel non adapté qui causent des souffrances terribles aux animaux.»

Là encore, difficile d'obtenir des chiffres sur le nombre d'abattages clandestins. Contacté par Sputnik France, Anouar Kbibech, ancien président du Conseil français du culte musulman (CFCM), assure que leur nombre «reste limité». En 2016, le recteur de la mosquée de Nice, l'imam Boubekeur Bekri déclarait à nos confrères de La Croix qu'en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, entre 8.000 et 10.000 animaux auraient été abattus. Seul un millier d'entre eux l'auraient été dans le circuit légal.

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«Avec mon association, pendant des années, nous nous sommes rendus sur les sites d'abattage clandestins et nous constations avec déception l'inaction de l'État. Aujourd'hui, il semble un peu plus motivé pour faire respecter la réglementation. Nous avons eu récemment plusieurs sites démantelés et des moutons saisis, dont beaucoup d'ailleurs ont été confiés à la Fondation Brigitte Bardot», explique Ghislain Zuccolo.

L'association a assuré sur son site avoir sauvé cette année 650 moutons qui devaient être mis à mort clandestinement. Anouar Kbibech explique notamment ces abattages par l'inflation galopante qui touche le secteur durant les célébrations de l'Aïd:

«Le coût d'un animal peut-être multiplié par trois lors de l'Aïd. à cela s'ajoute une taxe pour l'abattage de l'ordre de 50 à 80 euros et par-dessus le tout, le prix des services de découpe de la carcasse s'envole et oscille aujourd'hui entre 20 et 30 euros. Il faut que les pouvoirs publics agissent afin qu'une concurrence saine se mette en place et tire les prix vers le bas.»

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«En temps normal, une carcasse de 18 à 20 kg de viande coûte environ 160 euros, mais lors de l'Aïd, cela peut parfois monter jusqu'à 300 ou 350 euros», confiait récemment Boudjema Hammache, président de l'Union des associations musulmanes de Seine-et-Marne à nos confrères du Parisien. En dehors d'une baisse des prix, Anouar Kbibech décline trois pistes pour endiguer le phénomène:

«Premièrement, il est nécessaire d'effectuer un travail de pédagogie auprès des citoyens de confession musulmane. Si dans beaucoup de pays musulmans, l'abattage se fait directement de la main du chef de famille, l'islam ne l'oblige en aucun cas. On peut très bien déléguer. À La Mecque, les deux millions de pèlerins ne sacrifient pas eux-mêmes leurs moutons. Deuxièmement, la capacité d'abattage n'est pas suffisante sur le territoire français. Troisièmement il faut sensibiliser les fidèles sur les peines encourues en cas d'abattage clandestin et qui sont loin d'être légères.»

En effet, les sanctions peuvent aller jusqu'à six mois de prison et 15.000 euros d'amende.

Des demandes d'abattages croissantes

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Mais ces solutions ne contentent pas Ghislain Zuccolo. Au-delà de la problématique des mises à mort hors circuit, ce sont les abattages rituels qui concernent juifs et musulmans et qui ont lieu tout au long de l'année qui posent problème:

«C'est la mise à mort d'un animal sans étourdissement. Cela signifie que les bêtes se vident tout doucement de leur sang dans de grandes souffrances. Dans le cas des moutons, ils peuvent mettre de trente secondes à une minute pour mourir. Je suis donc plutôt en accord avec les propos de Brigitte Bardot sur le sujet.»

​L'ex-égérie du cinéma français a publié un communiqué le 20 août, évoquant un «jour de deuil, de peine, de révolte et de larmes». Elle a notamment dénoncé «l'extermination» de «250.000 moutons dans des souffrances inhumaines au XXIe siècle dans un pays laïc».

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Pour l'ancien patron du CFCM, il s'agit ni plus ni moins d'une attaque contre l'islam:

«Il y a une instrumentalisation de cette fête afin de stigmatiser une religion en particulier. Il y a deux ans, lorsque j'étais à la tête du Conseil français du culte musulman, Brigitte Bardot m'avait envoyé une lettre au sujet de l'Aïd. Nous étions juste après l'attentat de Nice. Elle m'avait demandé d'"arrêter l'effusion de sang". J'avais trouvé cela profondément choquant de comparer une cérémonie religieuse à ce terrible événement. De plus, tous les sacrificateurs doivent suivre une formation pour la sauvegarde et le respect du bien-être animal. Ils sont sensibilisés afin d'alléger leur souffrance.»

Ghislain Zuccolo se défend de toute volonté de stigmatisation. Il insiste sur le fait que le sacrifice relève de la tradition. L'Aïd commémore la soumission d'Abraham (Ibrahim pour les musulmans) à Dieu.
Cet événement, qui est à la fois relaté dans le Coran et l'Ancien Testament, raconte que le principal patriarche des religions monothéistes était sur le point d'égorger son fils afin de prouver sa foi. L'ange Gabriel (Djibril dans l'islam) est alors intervenu afin de remplacer l'adolescent par un animal. C'est pour cette raison que beaucoup de musulmans sacrifient une bête lors des célébrations. Mais cet acte n'est en aucun cas une exigence religieuse et Ghislain Zuccolo milite pour que les musulmans mettent en place des alternatives au sacrifice d'animaux:

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«Il y a clairement à travail à faire auprès des populations musulmanes afin de les sensibiliser au bien-être animal. Cela étant dit, je ne veux faire aucun procès à la communauté. Je pense qu'il faut notamment agir auprès de la jeune génération afin de les inciter à abandonner les abattages. Je rappelle qu'il s'agit d'une tradition et non d'une exigence religieuse dans l'islam. Nous souhaitons que cette tradition évolue vers plus de dons à des œuvres caritatives plutôt que vers plus d'abattages», explique Ghislain Zuccolo.

​Mais à en croire les dires d'Anouar Kbibech, ce n'est pas ce vers quoi on se dirige:

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«Au Conseil français du culte musulman, nous avons constaté ces dernières années une demande croissante concernant la capacité d'abattage. Notamment par la mise en place d'abattoirs privés, le tout dans une volonté de revenir à cette tradition liée à Ibrahim et qui existe depuis la nuit des temps. Vous avez d'ailleurs la grande distribution qui s'y met et un nombre croissant de boucheries musulmanes qui proposent des services de sacrifice et de livraison des animaux durant l'Aïd.»

D'après l'ancien chef du CFCM, des alternatives ont été choisies de tout temps, mais elles n'ont pas le vent en poupe:

«Il a toujours existé des alternatives, comme l'envoi d'argent dans un pays musulman, souvent le pays d'origine, afin que l'abattage soit réalisé là-bas. Ou, effectivement, la contribution à des œuvres caritatives. Mais on ne constate absolument pas de recrudescence de ces actes-là.»

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