Le fisc n'a pas attendu les réseaux sociaux pour vous avoir à l'œil

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La lutte menée par Bercy contre la fraude fiscale gagne désormais les réseaux sociaux: Gérald Darmanin vient d'annoncer que les photos postées sur certains comptes pourraient dès l'année prochaine être exploitées par le fisc. Si certains dénoncent un «flicage», c'est oublier la masse d'informations dont Bercy dispose déjà à votre sujet.

Finie la frime et les mises en scène sur Instagram ou Facebook? Afin d'aller plus loin dans le recouvrement de l'impôt, l'administration fiscale et le gouvernement innovent, et autant dire que l'année 2019 ne sera pas seulement marquée par une nouvelle hausse de taxes où l'arrivée d'une police fiscale aux ordres de Bercy, mais également par l'expérimentation de nouveaux procédés de contrôle 2.0.

Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, a ainsi déclaré dans une interview accordée à l'émission Capital et diffusée ce dimanche 11 novembre, que les agents du fisc pourront «sans doute» à partir du «début de l'année prochaine» traquer les signes extérieurs de richesse jusque sur les réseaux sociaux.

«Si vous vous faites prendre en photo, manifestement de nombreuses fois, avec une voiture de luxe alors que vous n'avez pas les moyens de le faire, peut-être que c'est votre cousin ou votre copine qui vous l'a prêtée, ou peut-être pas», questionne Gérald Darmanin.

«La loi a été promulguée» précise le ministre, qui tient également à assurer que ces contrôles sur les réseaux sociaux seront effectués en accord avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Objectif de la mesure: s'assurer qu'il n'y ait pas d'inadéquation entre le train de vie d'un contribuable et sa déclaration de revenus, ou encore s'il réside bien à l'étranger.

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Notons que cette mesure ne concerne que les personnes dont les profils sont ouverts au public, et donc accessible à tous.

Les propos du ministre détaillant cette nouvelle mesure ont fait le tour de la toile et des rédactions, nombre de chroniqueurs évoquant dans leur billet — non sans humour — un véritable flicage de Bercy. De l'humour car il ne faut pas être dupes, cette «annonce» de Gérald Darmanin fait plutôt figure de précision.

«Nous allons pouvoir mettre les réseaux sociaux dans la grande base de données que vous avez vue»

Déclare Gérald Darmanin à Julien Courbet, dont l'émission portait sur le panel des moyens de contrôle dont disposent les agents du fisc pour s'assurer de la probité des contribuables.

Et en la matière, l'administration fiscale ne manque pas de ressources, qu'il s'agisse par exemple des déclarations automatiques de salaires (DAS) envoyés par votre employeur, de l'imprimé fiscal unique (IFU) transmis par votre banque, ou encore du nouveau fichier central des contrats d'assurance vie et de capitalisation (Ficovie) remplis chaque année par votre assureur depuis le 1er janvier 2016. Organismes de sécurité sociale et caisses de retraites n'échappent pas non plus à cette règle.

Par ailleurs, avec son droit de communication, Bercy peut également se tourner vers bien d'autres tiers afin d'obtenir les informations nécessaires vous concernant: opérateurs téléphoniques, fournisseurs d'accès internet, compagnies d'électricité, de gaz, tribunaux, compagnies aériennes, ferroviaires, d'autoroute ou encore commerçants et artisans.
Tous sont tenus de répondre aux demandes des autorités fiscales — sous peine d'amende — afin de leur permettre de vérifier la véracité de vos déclarations.

​Autre source de vérification pour les fonctionnaires de Bercy, le terrain. Dans le reportage de Capital, afin de s'assurer de la pertinence d'une revalorisation à la baisse d'une maison effectuée par son propriétaire, une inspectrice des impôts se rend directement sur place afin de se faire un avis personnel. Ne retenant pas l'argument des «nuisances sonores», elle maintiendra l'évaluation du bien basée sur l'estimation de ses services et adressera un redressement fiscal au propriétaire suspecté de vouloir échapper à l'ISF.

Cependant, cette quantité d'informations glanées ici et là ne permettrait toujours pas de nuire à certains fraudeurs, qui continueraient de passer inaperçus dans la masse. C'est notamment le cas de contribuables évoluant entre deux pays, voire deux départements, et jouant sur ces difficultés de recoupement d'informations.

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Mais les temps changent, et Bercy semble résolu à mettre à son avantage la révolution numérique. Fini le temps où un contrôleur mettait la main sur votre dossier suite à une rectification trop grossière de vos revenus, une succession «mal estimée», ou encore parce que vous déclariez un enfant de plus de 25 ans à charge.

Aujourd'hui, le recours à des outils d'analyse massive de données tend à se généraliser au sein de l'administration fiscale, afin de détecter les dossiers «à risques». Grâce à des algorithmes, les ordinateurs de Bercy isolent ainsi les dossiers les plus «atypiques» de la masse des contribuables, avant de les soumettre à ses limiers pour un éventuel approfondissement.

Une méthode de «datamining» que Bercy avait décidé d'expérimenter pour deux ans dans la lutte contre la fraude à la TVA des entreprises. Lancée en 2014, cette procédure fut définitivement adoptée en 2015 dans le cadre du contrôle des entreprises, avant d'être élargie aux particuliers en 2017, à nouveau pour une expérimentation de deux ans.

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C'est dans le cadre de cet approvisionnement des bases de données que des photos récupérées sur des comptes publics sur Facebook, Instagram ou encore Twitter pourront être à leur tour récoltées par Bercy.

Si l'extension aux réseaux sociaux des moyens de contrôle du fisc n'est finalement que le reflet de l'évolution de la société et des moyens offerts par la technique, reste à savoir dans quelle mesure ces photos seront considérées par ses agents. En effet, les comptes Instagram ou Facebook peuvent certes s'avérer être de véritables traceurs, mais rien n'est également plus superficiel, les utilisateurs de telles plateformes ayant tendance à soigneusement mettre en scène une vie plus fantasmagorique que réelle.

À en croire une étude allemande, contempler de tels concentrés de narcissisme aurait une fâcheuse tendance à provoquer des réactions d'aigreur et de jalousie, et renforcerait le sentiment de solitude, de frustration et de colère. Le tout pouvant mener «un désir de nuire à la personne "responsable" de cet état». Pas dit que tout cela joue en votre faveur…

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