J-1 avant l’acte IV des Gilets jaunes, «des dirigeants paniqués, des propos exagérés»

© SputnikGilets jaunes le 1 décembre 2018 à Paris
Gilets jaunes le 1 décembre 2018 à Paris - Sputnik Afrique
S'abonner
Avec un dispositif de sécurité exceptionnel, le gouvernement se prépare à un quatrième samedi de mobilisation des Gilets jaunes, qui pourrait être marqué par une «très grande violence» dans la capitale. Crainte légitime ou tentative de décourager les «Gilets jaunes»? Éléments d’analyse avec le criminologue Xavier Raufer.

65.000 membres des forces de l'ordre mobilisés dans tout le pays, mise en place — selon les informations du Parisien — d'un «pôle judiciaire» capable de traiter entre 600 et 800 interpellations en temps réel, utilisation de véhicules blindés pour dégager les barricades, mesures de sécurité exceptionnelles pour les ministères… face à la grogne persistante des Gilets jaunes et la menace présentée par certains groupes radicaux et de casseurs, l'exécutif craint pour le 8 décembre un samedi «noir», marqué par une «très grande violence» dans la capitale.

Lors de la mainfestation le 1 déce,bre à Paris - Sputnik Afrique
«Policiers, si vous êtes à bout, n’allez pas commettre l’irréparable, retirez-vous»
«Même pendant les attaques islamistes sur Paris, le dispositif n'était pas aussi strict», comme le résume au Figaro «un habitué des lieux» (Matignon, ndlr). Le quotidien a eu connaissance d'une fiche «sécurité renforcée, risque d'attentat» et d'une circulaire, communiquées aux collaborateurs d'Édouard Philippe, présentant notamment la marche à suivre «en cas du forcement des portails d'entrée» de la résidence officielle du Premier ministre.

Témoignage que tous les scénarios sont envisagés par l'exécutif, «on regarde si les Russes ne sont pas derrière certains agissements», comme l'aurait déclaré un membre du gouvernement aux journalistes. «À partir du moment où les choses vous échappent, vous accusez tout le monde,» commente à notre micro le criminologue Xavier Raufer, estimant ces propos à la fois «injurieux et pas sérieux.»

«On sent un gouvernement et des dirigeants paniqués […] ils sont effrayés, il se passe des choses qu'ils ne comprennent pas. Ils vivent dans un tout petit milieu […] et donc ils n'ont pas idée de ce qu'est le peuple français,» ajoute-t-il.

Il faut dire que dans la presse, les perspectives sur les évènements à venir ne semblent guère plus réjouissantes. Dans Valeurs actuelles, un spécialiste de l'ordre public évoque une probabilité d'ouverture de feu de «80 à 100%», rappelant que selon plusieurs sources au sein des services de renseignement (SCRT et DRPP) environ «20.000 gilets jaunes voulant en découdre et tuer» pourraient agir samedi sur l'ensemble du territoire. «Nos sources au sein de l'État sont unanimes: "Samedi sera déterminant pour l'avenir du pays"» insiste l'hebdomadaire, d'autant que du côté des forces de l'ordre au bout du rouleau, appels à la grève ou à exercer leur droit de retrait se multiplient.

«Un noyau dur de plusieurs milliers de personne viendrait à Paris pour casser et pour tuer», une affirmation que n'a pas contredite Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales au micro de Jean-Jacques Bourdin le 6 décembre. Le journaliste avait mis en garde la ministre contre la portée de tels propos, s'ils étaient formulés afin de chercher à «déconsidérer» le mouvement de protestation.

«Attention à ce que vous dites! Vous aussi c'est votre responsabilité, quand vous dites cela. Moi je me demande si vous ne dites pas cela pour déconsidérer —aussi- les Gilets jaunes, je vous pose la question,» avait réagi le journaliste de BFMTV et RMC.

«Il y a des éléments violents qui veulent que la France soit précipitée vers le chaos», avait alors répondu Jacqueline Gourault, dénonçant les dégâts causés par des «factieux» à la Préfecture de la Haute-Loire, au Puy-en-Velay, dont une partie des locaux furent incendiés le 1er décembre lors d'un rassemblement de Gilets jaunes, elle évoque certains propos menaçants entendus par une fonctionnaire.

Bernard-Henri Lévy - Sputnik Afrique
BHL assimile les Gilets jaunes au nazisme et appelle à soutenir Macron
Pour sa part, Xavier Raufer estime «très mince» la probabilité d'ouverture du feu, d'un côté ou de l'autre. D'après le criminologue, «la panique de ce gouvernement se traduit par des propos exagérés». Cependant, une telle probabilité n'est selon lui «hélas, plus à exclure» notamment en cas de «réaction disproportionnée» des forces de l'ordre et si un tel drame devait avoir lieu,

«à ce moment-là les choses pourraient effectivement très mal se passer et on pourrait avoir des gestes dommageables commis sur les dirigeants actuels sur lesquels les insurgés —car à partir de ce moment-là il faudra parler d'insurgés- pourraient mettre la main.»

Xavier Raufer pointe du doigt le comportement des membres du gouvernement depuis le début de la grogne, évoquant notamment les propos de Gerald Darmanin, ministre des Comptes publics au lendemain de la journée de mobilisation du 25 novembre.

«Vous vous rendez compte qu'un petit marquis a traité ces gens-là de "peste brune"? Des gens qui ne savent pas comment boucler leurs fins de mois. Il y a dans les réactions du gouvernement de Monsieur Macron beaucoup d'arrogance et beaucoup d'ignorance de la nature profonde de ce qu'est le peuple français, à un moment donné on paie l'addition et c'est maintenant.»

«Ce ne sont pas des Gilets jaunes qui ont manifesté, c'est la peste brune qui a manifesté», affirmait en effet le ministre, le 26 novembre, sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Figaro —LCI.
Bien qu'il insiste sur le fait que les «casseurs professionnels», à l'origine des violences sur les Champs Élysées, n'aient «rien à voir» avec les Gilets jaunes, le message politique fut désastreux, notamment à cause de la manière dont les médias français relayèrent ses propos.

​Mais les faux pas de l'exécutif en matière de communication ne datent pas de la grogne des Gilets jaunes. Le criminologue rappelle ainsi certaines sorties du Président de la République, telles «je traverse la rue, je vous trouve» du travail, «le meilleur moyen de se payer un costard, c'est de travailler», sans oublier les fameux «Gaulois réfractaires» ou encore la rocambolesque affaire Benalla dans son ensemble. «Les gens n'ont pas élu quelqu'un pour se faire insulter!» se désole Xavier Raufer.

À cela s'ajoutent des idées «contre-productives» estime le criminologue, qui évoque la prime annoncée aux seuls CRS présents sur les Champs-Élysées le 1er décembre. Alors même que les heures supplémentaires impayées s'accumulent pour les forces de l'ordre depuis les attentats islamistes de 2015, c'est selon notre intervenant, le meilleur moyen de se mettre à dos «toute la Police et la Gendarmerie».

«Comment peut-on ignorer à ce point, lorsqu'on gouverne un pays, la nature de son propre peuple?», insiste le criminologue.

Xavier Raufer dépeint d'ailleurs une classe politico-médiatique vivant hors sol, une «société de cour» et regrette une «méconnaissance» du pouvoir à l'égard de la population. Il souligne d'ailleurs que personne n'a vu la crise actuelle venir, avant de rappeler la nature «régicide» du peuple français.

GWGoldnadel - Sputnik Afrique
Gilets jaunes: «plus un cri qu’un discours» selon G.W. Goldnadel
Un peuple «dur et léger»- dixit voltaire- les Français sont résilients, mais dont la colère est difficile à éteindre une fois qu'elle a éclaté. «Il y a trois peuples de cette nature dans le monde, qu'on appelle les peuples régicides, l'Angleterre avec Charles Ier, la Russie avec la famille du Tsar Nicolas II et bien sûr la France avec Louis XVI» développe-t-il.

«Ces pays-là ne sont pas à prendre à la légère, il faut bien considérer avant de les énerver et de les exciter qu'il peut y avoir des réactions graves. Ces réactions sont connues […] ils subissent, ils paient, ils crachent au bassinet, ils se laissent injurier, puis un jour ils renversent la table.»

Reste à savoir quelle tournure prendront les évènements, sachant que les Gilets jaunes et les forcent de l'ordre risquent de ne pas être les seuls dans les rues parisiennes: comme le souligne Valeurs actuelles, la mobilisation se prépare dans les banlieues et chez les groupes extrémistes, de gauche comme de droite. Des violences, notamment des affrontements entre ces groupes sont à craindre. Pour Xavier Raufer, «s'ils se rencontrent c'est qu'on a laissé faire», rappelant que les forces de l'ordre en France sont «rodées depuis deux siècles» au maintien de l'ordre républicain, à partir du moment où elles ont des ordres clairs.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала