Affaire Benalla: perquisition «hallucinante» ou «Mediapart n’est pas au-dessus des lois»?

© AP Photo / Ludovic MarinEmmanuel Macron et Alexandre Benalla
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Suite à l’ouverture d’une enquête pour atteinte à la vie privée, après la publication d’enregistrements gênants d’Alexandre Benalla, deux magistrats ont tenté, lundi 4 février, de perquisitionner les locaux du site d’information Mediapart. Les avocats Régis de Castelnau et Gilles-William Goldnadel livrent leur analyse de cette affaire à Sputnik.

«Atteinte à la vie privée» contre «atteinte à la protection des sources», tel est le dilemme auquel était confronté le parquet de Paris ce lundi 4 février en frappant à la porte de Mediapart. Deux magistrats du parquet et trois policiers se sont ainsi présentés au siège du site d'information, dans le cadre d'une enquête ouverte par le procureur de Paris pour atteinte à la vie privée, après la diffusion d'enregistrements téléphoniques d'Alexandre Benalla. Une tentative de perquisition que Mediapart a refusée, dénonçant un «acte violent» et une atteinte à la protection des sources.

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Gilles-William Goldnadel, avocat au Barreau de Paris, raille la naïveté des magistrats, venus se présenter devant le siège du journal, en demandant une perquisition dans le cadre d'une enquête préliminaire, ce qui a permis aux journalistes de refuser celle-ci:

«Les magistrats qui sont venus n'avaient pas cru devoir demander l'autorisation au juge des libertés de pouvoir justement procéder à une pareille perquisition. Donc dans ce cas de figure, Mediapart était parfaitement en droit de refuser de les voir investiguer, c'est donc faire montre d'une particulière naïveté que dans ce cadre strictement amiable, si j'ose dire, [de croire que, ndlr] Mediapart aurait accepté de bonne grâce de se voir perquisitionner.»

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L'arroseur arrosé? Edwy Plenel, son fondateur, a qualifié «d'acte violent» et d'«atteinte grave à une liberté fondamentale» cette tentative de perquisition, car elle serait nuisible à la protection des sources. Fabrice Arfi a quant à lui parlé de «sanctuaire». L'avocat Régis de Castelnau relativise les rodomontades du directeur de Mediapart, qu'il qualifie d'officine:

«Plenel défend sa boutique […] que Plenel en fasse des tonnes, c'est normal aussi.»

Une perquisition qui rappelle celle qui avait touché en octobre dernier les locaux de La France Insoumise, le domicile de proches de ce parti et celui de son président, Jean-Luc Mélenchon, où ce dernier avait clamé «ma personne est sacrée». Parallèle qu'il n'a pas manqué de faire dans un billet de son blog, Perquisition Médiapart: l'État autoritaire s'affole. Pour Me Goldnadel, le secret des sources ne permet pourtant pas la sanctuarisation de Mediapart:

«Le secret des sources a bon dos. Je ne vois pas en quoi la presse serait totalement en droit de refuser des perquisitions, au même titre d'ailleurs que les partis politiques. Je vous signale qu'à mon avis, à juste titre, on a brocardé M. Mélenchon lorsqu'il a dit, je suis inviolable, je suis un député, etc. De la même manière, Mediapart n'est pas non plus au-dessus des lois.»

Et à Me Goldnadel d'en rajouter une couche:

«Ce n'est pas non plus le Saint des Saints. Il n'y a pas d'endroit en France où un juge n'a pas le droit d'aller. Vous pouvez même aller perquisitionner à l'Élysée si vous voulez, alors même qu'il y a le principe de séparation des pouvoirs […] Il n'y a pas d'endroit en France qui soit inviolable dès l'instant où ça se fait dans le cadre de la loi. Mediapart en particulier et la presse en particulier, ne sont pas non plus au-dessus des lois.»

Mais pourquoi une telle enquête? Le site d'informations révélait jeudi dernier une série d'enregistrements de conversations téléphoniques entre Alexandre Benalla, ancien collaborateur d'Emmanuel Macron, et Vincent Crase, ancien employé de LREM. Une conversation datant du 26 juillet 2018 laissait entendre notamment que Benalla avait le soutien du Président de la République. Sauf que selon Fabrice Arfi, l'un des journalistes, coresponsable du pôle «enquêtes» à Mediapart, il n'y aurait eu aucune plainte déposée à ce jour, pas même d'Alexandre Benalla.

​Évidemment, car l'enregistrement démontre que l'ancien chargé de mission à l'Élysée ne respectait pas le contrôle judiciaire auquel il était assigné, qui lui interdisait d'être en relation avec Vincent Crase. Le procureur de la République aurait donc ouvert une enquête pour «atteinte à la vie privée» sans l'existence préalable de plainte. Une enquête que juge «hallucinante» Régis de Castelnau, entre la rapidité de l'appareil judiciaire qui s'est enclenché en trois jours contre le journal et sa lenteur face aux nombreuses incartades d'Alexandre Benalla, de la violation du contrôle judiciaire au parjure devant le Sénat jusqu'aux destructions de preuves:

«Moi ce qui me scandalise c'est l'attitude de la justice». Une telle perquisition «témoigne d'une panique au sommet de l'État […] L'enjeu pour le pouvoir, c'est de savoir d'où viennent les fuites.»

 

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