Attaquer en justice pour des violences policières? Les victimes racontent leur calvaire

© AFP 2023 Thomas SAMSON Un gendarme avec un LBD, image d'illustration
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Dans un contexte de nombre croissant des signalements de violences policières, Mediapart a interrogé des blessés qui ont saisi la justice après avoir subi des tirs des forces de l’ordre ces dernières années et a partagé leur expérience. Les requêtes aboutissant le plus souvent à l’impunité ou à des condamnations clémentes pour les policiers.

Alors que les LBD et grenades utilisés par les forces de l'ordre ont fait une cinquantaine de blessés graves en 15 ans, le site Mediapart s'est penché sur les cas où les victimes de violences policières ont décidé d'alerter la justice.

«Comme un délinquant ordinaire, le policier va nier et mentir. Le préfet peut-être aussi. À leur suite, le ministre de l'Intérieur va contester un tir de lanceur de balle de défense. Le Président de la République va nier la violence d'une charge policière», a écrit l'auteur de l'article en mettant l'accent sur «l'impunité des forces de l'ordre responsables de mutilations, et autres blessures graves, infligées par des lanceurs de balles de défense ou des grenades, ces armes dites "sub-létales"».

Ainsi, les poursuites en justice contre les policiers traînent souvent en longueur. Des batailles judiciaires qui durent des années et aboutissent le plus souvent à des peines avec sursis.

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C'était par exemple le cas de Maud Carretta, blessée à l'œil à Grenoble le 16 mai 2007 par un plot de grenade de désencerclement à qui il a fallu 11 ans pour obtenir gain de cause. Les deux policiers accusés ont été condamnés en décembre dernier à trois et cinq mois de prison avec sursis pour «blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence», sans aucune inscription au casier judiciaire.

Touché à l'œil à Montreuil le 8 juillet 2009 par un tir de LBD, Joachim Gatti n'a obtenu le rétablissement de la justice qu'en juin 2018. Un policier a été condamné à 18 mois avec sursis et 24 mois d'interdiction de port d'arme.

Les poursuites se compliquent en plus car «sans témoins, c'était notre parole contre celle des policiers. Et c'était la parole des policiers qui l'emportait», a commenté un proche de Joachim Gatti.

Cela n'empêche pas cependant que des policiers, conscients de ce constat, l'utiliseraient pour mentir lors des audiences.

Un lycéen de 15 ans, Geoffrey Tidjani, a été atteint par un tir de LBD à Montreuil en 2010. Le policier responsable du tir a alors assuré qu'il avait riposté suite à un jet de projectile. Cependant, une vidéo présentée en tant que preuve a démontré que Geoffrey ne faisait que pousser une poubelle. C'est seulement en mars 2017 que le policier a été condamné en appel à 18 mois de prison avec sursis pour «violences volontaires» et «faux et usage de faux» pour avoir menti sur le procès-verbal.

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Qui plus est, les poursuites en justice contre les policiers sont difficiles puisqu'«on s'attaque au profil de la victime pour minimiser les faits commis par les policiers», a expliqué un blessé en ajoutant que c'est la victime qui doit prouver qu'elle n'était pas «en train de commettre un acte délictueux».

Florent Castineira a été atteint d'un tir de LBD alors qu'il était attablé à une buvette près d'un stade où les policiers interpellaient des supporters, le 21 septembre 2012.

Cinq ans après le début des poursuites judiciaires, des juges ont regardé une vidéo prouvant la culpabilité des policiers. Pourtant, malgré toutes les preuves, le juge d'instruction a rendu un non-lieu.

«La justice a tout fait pour enterrer ce dossier. Nous avons dû relancer les trois juges d'instruction successifs pour qu'enfin, en 2017, les images soient visionnées. Elles montrent que rien ne justifiait de l'emploi de flashball ou de grenade. Les juges ont volontairement nié la vérité», a dit son avocat, Michaël Corbier.

C'est le tribunal administratif où Florent Castineira a ensuite déposé un recours qui a changé le cours des choses. Le 19 mars dernier, il a finalement obtenu la condamnation de l'État qui doit lui verser 47.700 euros.

Un autre blessé touché par un tir de LBD Super-Pro à la fin de la fête de la musique en 2009 à Paris, Clément Alexandre, a lui aussi obtenu gain de cause en passant par le tribunal administratif.

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«Au pénal, les auteurs du tir sont poursuivis, mais cette individualisation ne permet pas de remettre en question l'usage de ces armes ni d'engager la responsabilité de l'État comme c'est le cas au tribunal administratif», a expliqué un avocat cité par Mediapart.

Il existe notamment plusieurs organismes qui se sont engagés à aider les victimes de violences policières pour faire entendre leur raison au niveau judiciaire. Ce sont par exemple les collectifs Désarmons-Les! et Face aux armes de la police.

«On est devant des armes de mutilation massive. Jusqu'à quand va-t-on continuer à utiliser des armes qui mutilent dans ces opérations de maintien de l'ordre?», s'interrogent des militants.

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