Mediapart dénonce le harcèlement moral au sein de l’Élysée

© Sputnik . Irina Kalashnikova / Accéder à la base multimédiaLe palais de l'Élysée
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À l’exemple de deux employés de l’Élysée dont les noms ont été changés afin de préserver leur anonymat, Mediapart lève le voile sur les méthodes de harcèlement moral en cours au sein de la présidence.

Dans un document daté du 28 février et que Mediapart s'est procuré, le ministère de l'Intérieur a reconnu que les conditions de travail à l'Élysée étaient responsables de la maladie professionnelle de Marc, 50 ans, qui souffre aujourd'hui d'un «état anxio-dépressif réactionnel d'intensité marqué, de sévérité et de gravité confirmées», selon le rapport d'un médecin expert agréé.

Le document indique que ces troubles «doivent être reconnus comme directement liés à ses conditions de travail».

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Mediapart signale que pendant deux ans, Marc a subi harcèlement et humiliations. Informé de la situation, l'Élysée l'a laissée perdurer et a contribué de facto à l'aggravation de l'état de santé de l'agent. Le procureur de la République de Paris a ouvert en 2018 une enquête préliminaire pour harcèlement moral.

En juin 2007, Marc, un cadre rattaché au ministère de l'Intérieur, avait été mis à disposition de la présidence comme chef de bureau du courrier des particuliers, au service de la correspondance.

«On s'occupe du courrier adressé au Président de la République. Nous sommes près de 80 et, pour ma part, j'ai 30 personnes sous ma direction en charge de répondre aux particuliers. Je répondais à la tristesse des gens qui n'intéressent personne», précise-t-il, en arrêt maladie depuis octobre 2017.

Selon le média, tout a commencé en septembre 2016, à la fin du quinquennat de François Hollande et à l'approche de l'élection présidentielle, la période à laquelle «des guerres s'ouvrent entre agents pour récupérer le poste de l'autre». À l'annonce de la candidature d'Emmanuel Macron, trois des collègues féminines de Marc l'accusent de harcèlement moral et sexuel. Très vite, deux d'entre elles reconnaissent avoir menti et dénoncent une tentative de déstabilisation professionnelle visant leur chef. La troisième, l'instigatrice de ces manipulations, est convoquée par la DRH. Au cours de l'entretien, elle revient à son tour sur ses déclarations.

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Mediapart indique que ces événements ont poussé Marc, sur les conseils de la médecine de prévention, à se soumettre à une première expertise en janvier 2017.

Dans ce rapport, le médecin pointe du doigt «un contexte manifeste de rivalité professionnelle […] qui a des répercussions psychologiques sur son état de santé» et signale «ce qui apparaît comme du harcèlement moral et calomnieux», avec le maintien par la direction des ressources humaines d'une «pression ambiguë» à son encontre.

Bien que toutes les accusations portées contre lui se soient effondrées et qu'il soit décrit dans ses évaluations annuelles comme «loyal, dévoué et compétent», Marc est rétrogradé en janvier 2017 par sa hiérarchie, passant de chef à adjoint au sein de son service.

«Ça a été un nouveau coup difficile à surmonter», affirme Marc, cité par Mediapart.

Sa mise au ban a été précipitée par l'arrivée à l'Élysée d'Emmanuel Macron. En octobre 2017, il est convoqué par le directeur de son service, lequel lui indique avoir reçu deux lettres anonymes qui contiennent de nouvelles accusations portant sur sa vie personnelle et professionnelle. Marc prend connaissance de ces courriers diffamatoires et constate que l'Élysée n'a déclenché aucune procédure interne pour le protéger, pourtant prévue en cas de menace des agents.

En décembre 2017, il sollicite auprès de son employeur une protection fonctionnelle à laquelle a droit un agent public s'il est victime d'une infraction dans le cadre de l'exercice de ses fonctions. Toutefois, en février 2018, l'Élysée l'informe que la présidence met fin à sa mise à disposition et qu'il doit quitter le palais.

«Ça a fini de m'achever. Il n'y a pas de limite dans leur mépris. Je suis encore sous traitement parce que le choc psychologique a été violent. Mais je vais me battre pour retrouver la dignité qu'on a essayé de m'enlever», assure Marc à Mediapart.

En avril 2018, avec le soutien d'un avocat de son choix, il a déposé plainte contre son ancienne collègue au pénal pour dénonciations calomnieuses et pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de protection de la santé au travail contre le chef de son service ainsi que contre Patricia Jannin, ancienne directrice des ressources humaines et des finances de l'Élysée, promue depuis inspectrice générale de l'administration. Une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de la République de Paris.

De source judiciaire, cette enquête est toujours en cours.

Aujourd'hui, Marc conteste la fin de sa mise à disposition et veut que le voile soit levé sur l'Élysée.

Le médecin estime son taux d'incapacité permanente partielle à 25%, ce qui correspond à la reconnaissance d'un stress post-traumatique.

Mediapart signale que le cas de Marc n'est pas isolé. Mathieu, 37 ans, a été licencié après avoir travaillé pendant quinze ans à l'Élysée en tant que cuisinier. En septembre 2018, il a obtenu l'annulation de cette décision par le tribunal administratif de Paris qui «enjoint au Président de la République de réexaminer la situation de M […] dans un délai de deux mois».

«Cela fait plus de deux mois et l'Élysée n'a pas respecté cette décision de justice. C'est accablant de voir que la présidence de la République ne respecte pas une décision de justice», a-t-il déploré dans les colonnes de Mediapart.

La décision de mettre un terme à sa mise à disposition est là encore emblématique des rapports que la présidence entretient avec le droit. Mathieu a été insulté et menacé à plusieurs reprises par son supérieur. Malgré ses alertes, sa hiérarchie n'est pas intervenue.

Pis encore, l'adjointe de la DRH l'a convoqué pour lui dire qu'il allait partir et qu'il devait prendre une feuille et écrire qu'il souhaitait mettre fin à sa mise à disposition.

«J'étais sous le choc. Un tel comportement était à la fois impensable et très violent. J'ai refusé et le soir même j'étais mis en arrêt par mon médecin», a-t-il raconté avant de conclure:

«J'étais toujours en maladie lorsque l'Élysée m'a signifié par courrier la fin de ma mise à disposition. Je crois qu'en matière de mépris, d'irrespect du droit et de la justice, on ne fait pas mieux que la présidence».

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