Métro parisien: le côté obscur de la Ville lumière

CC0 / dnovac / Métro de Paris (image d'illustration)
Métro de Paris (image d'illustration) - Sputnik Afrique
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Toujours en retard, sale, bondé, voire dangereux. Le métro parisien est ouvertement critiqué par ceux qui l’empruntent au quotidien, il est pourtant le transport le plus utilisé par les Franciliens. La RATP affirme que les services s’améliorent, mais dans les faits, c’est une autre histoire. Sputnik a mené l’enquête.

93% des 12 millions d’habitants d’Ile-de-France –sans parler des touristes– utilisent quotidiennement le métro parisien. Le plus souvent faute d’alternative, tant les conditions de transport sont déplorables et se dégradent. Le manque de propreté et de savoir-vivre, les retards dus aux problèmes de signalisation ou à la présence de personnes sur les voies, l’accès limité aux personnes handicapées, les rames surchargées ou encore la délinquance qui augmente… Le service va-t-il s’améliorer un jour?

Prévention de la RATP, bien loin de la réalité

Par le biais de dessins et d’animaux en tout genre, la RATP montre l’exemple à suivre: se mettre à droite des escalators, laisser descendre les passagers de la rame avant de monter, ne pas bloquer les portes, ne pas mettre la musique trop fort ou encore le fameux Serge le Lapin qui conseille de faire attention à nos petites mains à la fermeture des portes. Des conseils qui ne reflètent pas les réels problèmes.

Tout d’abord la propreté. Récemment, la mairie de Paris a déployé un plan «pas de pipi dans Paris», avec une campagne, mais surtout un clip surprenant qui lui a valu de nombreuses critiques. Mais sous Paris, le métro est devenu un urinoir géant, rendant l’air irrespirable à peine rentré dans certaines stations. Entre l’urine et les déchets, la propreté est l’un des premiers facteurs que critiquent les usagers. Pourtant, la RATP emploie près de 1.000 agents et 85 millions d’euros lui sont consacrés pour améliorer le confort et le ressenti des voyageurs. Un ressenti qui ne s’améliore pas avec le temps et à chaque ligne son problème. Si l’effort est mis sur la ligne 1, privilégiée des touristes, les autres sont parfois vécues comme un enfer. Trop chaud, trop en retard ou trop bondée.

​La ligne 13 est sûrement la plus connue, elle figure d’ailleurs dans le top 10 des lignes les plus bondées du monde établi par Google, à la 5e place derrière des lignes d’Amérique du Sud. En décembre 2018, le collectif Omerta Project a voulu dénoncer les conditions de transports en déposant des bottes de foin dans les wagons, comparant ainsi la ligne à un enclos à bétail.

Accès limité

Autre problème, le métro parisien prend mal en compte les personnes à mobilité réduite ou les poussettes. Si les bus sont plutôt bien équipés depuis une dizaine d’années, le métro compte pour sa part seulement 9 stations, sur les 303 du réseau RATP, accessibles pour les personnes handicapées moteur et seulement sur la ligne 14, ce qui représente 3% du réseau. En comparaison, à Londres, 18% du réseau est accessible pour les personnes à mobilité réduite, 88% à Tokyo ou encore 82% à Barcelone, selon APF France Handicap.

​La délinquance en hausse

Sous terre, entre la foule compacte et les couloirs exigus, le combo est parfait pour les voleurs et autres agresseurs. Depuis janvier 2019, les vols sont en hausse de 33% dans les transports en commun, notamment le métro, constate la préfecture de Paris. Dans les rames desservant les sites touristiques les plus fréquentés par les voyageurs, le message «faites attention aux pickpockets» tourne en boucle dans les wagons. Dans les guides touristiques de Paris, des pages entières sont dédiées à ces voleurs à la tire. Souvent très organisés, mineurs et en bande, ils sont connus des agents de la RATP et des forces de l’ordre en civil. Malheureusement, c’est seulement pris la main dans le sac qu’ils peuvent être arrêtés et quand bien même, se disant sans papier d’identité et sans domicile fixe, ils se voient rarement inquiétés et récidivent. Outre les vols, le nombre d’agressions explose. Les agressions gratuites d’abord, pour un regard de travers, un mot plus haut que l’autre ou encore une remarque. Comme cet homme de 36 ans qui s’est fait poignarder pour avoir sermonné un jeune qui bloquait les portes.

Les agressions sexuelles et autres harcèlements sont elles aussi en hausse. Depuis #Metoo, la parole se libère et les signalements augmentent. Par rapport à 2017, les signalements d’agressions sexuelles ont augmenté de 30%, selon un rapport de la préfecture de police dont le JDD a pris connaissance. Cependant, seulement 10% des victimes osent porter plainte. Le peu de confiance, une longue procédure ou encore parce qu’elles estiment qu’une main aux fesses ne vaut pas le coup de porter plainte. Toutefois, les réseaux sociaux sont devenus un véritable exutoire pour ces femmes, sous le hashtag #Balancetonmétro. Certaines racontent leurs mésaventures avec les agresseurs, frotteurs et autres prédateurs. D’autres vont jusqu’à les filmer pour dénoncer ce qu’elles subissent au quotidien.

​Inaction

La RATP affirme avoir formé des agents pour prendre en charge les victimes de violences et d’agressions sexuelles et a mis en place une campagne de prévention, avec le 3117, un numéro d’urgence joignable 24 h/24 et 7jours/7. Mais encore une fois, la réalité est tout autre, toujours sur les réseaux sociaux, des femmes dénoncent l’inaction de la RATP. Comme le relate Anaïs Leleux du collectif féministe «Nous Toutes» sur BFMTV,

«Entre ceux qui vous culpabilisent, ceux qui vous disent qu’ils ne peuvent rien faire et qu’ils reçoivent des centaines de témoignages du genre ou ceux qui sont désolés, mais ne peuvent rien faire, cela montre bien qu’il reste encore à faire.»

Le collectif Nous Toutes qui, au mois d’avril, a décidé de lancer sa propre campagne. En détournant certains noms des stations de métro comme "Balance ton Porc royal", "Marcel Sembat les couilles», il peut me harceler sans se faire condamner" ou encore "Ta main sur mon cul? Mon genou dans tes Bourses." Une campagne beaucoup plus punchy que celle de la RATP. Pourtant, même si elle se veut engagée, elle reste encore bien loin de la réalité.

Le harceleur à la couronne illustre cette inaction. Depuis bientôt quatre ans, des messages d’avertissement de jeunes femmes font le tour des réseaux. «Attention, le gars à la couronne est à Saint-Lazare», «Le mec chelou avec une couronne BK et un panneau free hugs est à Opéra». Il se postait à des endroits stratégiques, avec une pancarte proposant donner des câlins gratuits (free hugs) et en profitait pour embrasser les femmes de force. Après de longues années de dénonciation sur les réseaux, cet homme a enfin été reconnu et est sous le coup d’une enquête depuis janvier, mais ce n’est pas grâce aux 50.000 caméras de la RATP. Selon Libération, c’est une Parisienne qui fin janvier a appelé la mairie: elle a cru reconnaître l’homme qui s’occupe de ses enfants à l’école. Et elle a vu juste, le harceleur à la couronne était en fait un animateur vacataire pour mairie des Ve et XIIIe arrondissements de Paris.

Les campagnes de prévention ne suffisent plus. Entre l’urine, les déchets, les vols, les viols, les frotteurs, les harceleurs, les agressions gratuites, ceux qui se droguent et ceux qui se masturbent, à quand une véritable action de la RATP ?

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