Un an de Gilets jaunes: «les frustrations demeurent», estime François-Bernard Huyghe

© SputnikLes Gilets jaunes continuent à manifester à Paris après les élections européennes, le 1er juin 2019
Les Gilets jaunes continuent à manifester à Paris après les élections européennes, le 1er juin 2019 - Sputnik Afrique
S'abonner
Ce week-end marque le premier anniversaire du mouvement des Gilets jaunes. L’occasion de dresser un premier bilan d’un an de mobilisation avec le politologue et essayiste François-Bernard Huyghe, coauteur de Dans la tête des gilets jaunes.

Né de la contestation de la hausse de la fiscalité sur les hydrocarbures, 53 «actes» plus tard– ces samedis marqués par des mobilisations à travers toute la France–, le mouvement des Gilets jaunes fête ces 16 et 17 novembre son premier anniversaire. François-Bernard Huyghe, politologue et essayiste, notamment coauteur avec Damien Liccia de l’ouvrage Dans la tête des gilets jaunes (VA Press, 2019), dresse au micro de Sputnik un premier bilan de cette mobilisation singulière dans l’histoire de la Ve république.

Sputnik: Le mouvement des Gilets jaunes souffle ce week-end sa première bougie. Un an de mobilisation pour quel résultat?

French President Emmanuel Macron reacts as he delivers a speech during the Global forum on Artificial Intelligence (AI) for Humanity (GFAIH) at the Institut de France on October 30, 2019, in Paris. - Sputnik Afrique
Gilets jaunes, appels à la grève, pompiers en colère, le gouvernement craint «la coagulation»
François-Bernard Huyghe: «Il faut le voir sur un triple plan. C’était un mouvement social et économique avec des revendications sur le prix du carburant, le niveau de vie, qui a eu des résultats assez partiels, même s’il a provoqué un mouvement de panique et le lâcher de 16 milliards d’euros.

Mais derrière tout cela, il y a eu une demande politique, qui était une demande de démocratie directe, une manifestation de méfiance à l’égard de toute représentation, de toute autorité, que ce soit le Président de la République ou les représentants élus et, de ce côté-là, évidemment la frustration des Gilets jaunes demeure. Je crois aussi que cela a été un combat entre ceux d’en bas et ceux d’en haut, avec une grande violence symbolique et physique. De ce côté-là, je dirais que les éléments de frustration demeurent toujours et qu’on a bien senti à quel point la France était fracturée à ce moment-là.»

Sputnik: Les Français soutiennent-ils toujours autant les Gilets jaunes? Selon un sondage BVA, réalisé pour la Tribune auprès de 1.000 personnes entre les 5 et 6 septembre, 52% des interrogés souhaiteraient que le mouvement s’arrête.

François-Bernard Huyghe: «Il y a des sondages intéressants, puisqu’on voit que le mouvement des Gilets jaunes qui a commencé triomphalement –avec un soutien à plus de 70%– reste quand même majoritairement soutenu, même si paradoxalement les Français ne veulent peut être pas que cela continue par des manifestations, avec les risques de violences des Black blocs ou autres. Donc, on sent qu’il y a un mouvement qui a toujours une sympathie, parce qu’il correspond à une France périphérique, de classes moyennes en voie de déclassement […] Cette France est toujours frustrée, il y a toujours des gens qui les soutiennent, mais beaucoup d’entre eux pensent que le monde d’action, par les manifestations avec la violence qu’elles entraînaient des deux côtés, est peut-être un peu périmé.» 

Sputnik: On parle beaucoup d’une mutation des Gilets jaunes: d’un mouvement à l’origine constitué de personnes issues de la France périphérique, on semble être allé vers un mouvement plus constitué de militants.

Протестная акция желтых жилетов в Париже - Sputnik Afrique
«L’Élysée tombait», «c’est la guerre» le 1er décembre 2018: un CRS témoigne sur l’acte 3 des Gilets jaunes
François-Bernard Huyghe: «Le mouvement a évolué, il s’est gauchi d’une certaine façon. On le voit par les engagements politiques que prennent ses premiers leaders, il n’y en a aucun qui soit engagé, disons, du côté du Rassemblement national ou des Républicains.

Ils sont dans des médias et des engagements politiques assez à gauche, on l’a vu avec l’évolution des slogans. D’une certaine façon, des idées de gauche, parfois proches de la France insoumise, ont rempli le vide de propositions idéologiques et le manque de leader.

Par ailleurs, il y a eu évidement cette question de la violence, la violence des premiers jours et puis la violence des black blocs qui s’est déchaînée ensuite et qui a servi objectivement le discours de la peur à l’égard des Gilets jaunes, qui a permis de créer un parti de l’ordre, qui s’est regroupé derrière le macronisme au moment des élections européennes.»

Sputnik: Emmanuel Macron, l’exécutif au sens large, est-il parvenu à décrédibiliser le mouvement? On pense notamment à certaines initiatives, comme le Grand débat national.

François-Bernard Huyghe: «Le Grand débat national n’a honnêtement pas abouti à grand-chose, sinon à faire une opération de communication du pouvoir auprès des classes profitant de la mondialisation, urbaines, qui le soutenaient. Donc ç’a été une opération de confirmation, je ne crois pas que cela ait découragé beaucoup de Gilets jaunes, mais il reste que la tension existe et qu’elle peut se manifester sur d’autres fronts sociaux.»

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала