Un tir qui «soulève plusieurs questions»: enquête du Monde au sujet d’un Gilet jaune éborgné

© AFP 2023 PHILIPPE LOPEZActe 53 des Gilets jaunes, place d'Italie
Acte 53 des Gilets jaunes, place d'Italie - Sputnik Afrique
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Après qu’un Gilet jaune a reçu un projectile qui lui a fait perdre un œil au cours de la manifestation du 16 novembre à Paris, Le Monde a enquêté. Il vient de présenter les résultats de son analyse du tir, soulignant que «la manière dont il est réalisé soulève plusieurs questions».

Une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Paris après qu’un Gilet jaune a été touché le 16 novembre au visage par une grenade lacrymogène qui lui a fait perdre un œil.

Une enquête vidéo lancée par le Monde a permis de reconstruire la séquence où l’homme, Manuel Coisne, a été grièvement blessé. Elle a été réalisée sur la base de la collecte et de l’analyse de plusieurs heures de vidéos publiées pendant et après la manifestation par des amateurs et des journalistes professionnels.

Ainsi, deux tirs de grenades lacrymogènes ont été enregistrés et, selon l’enquête du Monde, l’un d’eux, effectué avec un angle de 15° et un dispositif de propulsion de 100 mètres, est très probablement celui qui a touché Manuel Coisne qui se trouvait à une distance de 55 mètres.

L’information judiciaire a été ouverte par le parquet de Paris pour «violences volontaires par une personne dépositaire de l’autorité publique suivies de mutilation ou infirmité permanente».

Reconstitution des faits

Arrivé de Valenciennes à Paris avec sa compagne pour participer à une manifestation déclarée et autorisée à l’occasion du premier anniversaire de l’action des Gilets jaunes, Manuel Coisne est blessé à14h41 place d’Italie.

Dans les secondes qui précèdent le drame, des CRS lancent six grenades lacrymogènes dont l’une est tirée en direction de la victime.

«Nous avons rassemblé et analysé plusieurs heures de vidéo et reconstitué seconde par seconde les évènements qui ont précédé la blessure», indique Le Monde, revenant sur le début de la journée.

Quelque 200 actions étaient prévues en France ce jour-là. Sur la place d’Italie, les manifestants se regroupent dès 10h00 pour participer à une marche. Pourtant, une demi-heure plus tard, plusieurs personnes commencent à ériger des barricades et à incendier du mobilier urbain.

«Les forces de l’ordre interviennent aussitôt. Les affrontements commencent et vont gagner en intensité au cours de la journée», rappelle Le Monde.

À la mi-journée, les échauffourées se font plus violentes.

Journaliste blessé au visage pendant l'acte 53 des gilets jaunes, le 16 novembre 2019 - Sputnik Afrique
Moments forts en vidéos de l’acte 53 à Paris en ce jour anniversaire
À 14h23, alors que les quelque 3.000 manifestants s’apprêtent à se mettre en marche, le préfet de police demande l’annulation de la manifestation. L’information se propage, «la place est traversée par des nuages de lacrymogènes».

À 14h40, Manuel Coisne et sa compagne se trouvent toujours sur la place. Ils ont essayé d’en sortir, en vain.

Le drame

C’est à 14h41m17s que le projectile, une grenade lacrymogène MP7, frappe la victime à l’œil. Le Monde arrive rapidement à localiser avec précision la zone d’où il a été lancé et établit que seulement deux des six hommes concernés par l’incident sont armés de lance-grenades Cougar. Les policiers vont utiliser six grenades MP7, quatre tirées au Cougar et les deux autres lancées à la main.

Les auteurs de la vidéo comparent les images et reconstituent le déroulement des faits.

«D’après les images dont nous disposons, ce tir est donc vraisemblablement à l’origine de la blessure du manifestant. Et la manière dont il est réalisé soulève plusieurs questions.»

Ainsi, les grenades MP7 doivent être tirées en cloche. Or, le policier en question tire avec un angle d’à peine 15 degrés par rapport au sol. Contactée par Le Monde, la police indique que ces tirs doivent pourtant être réalisés à 45 degrés. En outre, l’agent utilise un projectile d’une portée de 100 mètres.

Manuel Coisne se trouvait à ce moment précis à 55 mètres.

Son compagnon vient de perdre un œil

Le drame avait été relaté trois jours plus tard par la compagne de Manuel Coisne.

«Je ne comprends pas comment on perd un œil en allant manifester pacifiquement pour espérer vivre mieux», avait-elle indiqué.

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