Coronavirus: la France adepte de la méthode Coué

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La France est le deuxième pays le plus durement touché en Europe par le Covid-19. Un coronavirus que l’on connaît encore très mal et pour lequel le gouvernement avait jugé inutile d’essayer de l’empêcher d’arriver en France. Un manque d’action et des «discours lénifiants» que dénoncent l’eurodéputé Gilbert Collard.

La vie continue, tel est le mot d’ordre de l’exécutif face à l’épidémie du coronavirus (Covid-19), jugée «inexorable» (sic) par le chef de l’État, alors que la France se rapproche du stade épidémique (stade 3). Celui-ci devrait normalement s’accompagner d’un ensemble de mesures censées éviter au maximum la propagation du virus, telles que la suspension éventuelle de transports en commun et la fermeture d’écoles. Des éventualités toutefois balayées par le gouvernement. Emmanuel Macron, qui a tenu à se montrer rassurant, souhaite en effet ne pas mettre la France sous cloche. «On ne va pas arrêter la France, notre pays est solide, la vie ne s’arrêtera pas», assurait jeudi 5 mars Sibeth Ndiaye sur LCI, précisant qu’elle ne cherchait en rien à minimiser la menace que représente une maladie inconnue et contre laquelle nous n’avons aucun vaccin ni traitement.

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D’ailleurs, depuis 48 h le gouvernement affiche sa mobilisation, frôlant parfois le ridicule, comme lorsque Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, apparaît auprès des douanes dans un aéroport. «Il ne faut pas céder à la panique. Ni affolement, ni légèreté: la vie continue», twitte-t-il avec une vidéo le montrant avec les Douanes françaises contrôlant des bagages de vols «en provenance notamment de Singapour et d’Hanoï». «Le gouvernement est pleinement mobilisé face au coronavirus», insiste-t-il, bien que les douaniers seraient bien en peine de trouver le coronavirus en fouillant des valises à la main.

​Un message qui pourrait être pris au sérieux si le gouvernement avait mis en place des contrôles pour les vols en provenance d’Italie, d’où le virus s’est répandu en Europe et dans le reste du monde. Nous avions contacté Paris Aéroports en début de semaine, afin de savoir si des contrôles prophylactiques avaient été mis en place pour les passagers des vols arrivant notamment de Milan, il nous avait été répondu qu’«il n’y avait pas mesure particulière» mise en place pour les personnes arrivant dans les aéroports parisiens et que seuls des tracts avec la description des symptômes et les numéros de téléphone à contacter si ceux-ci apparaissaient. Une absence de mesures confirmée par de nombreux témoignes de voyageurs. «On laisse faire!», s’emportait l’eurodéputé Gilbert Collard (Identité et Démocratie), avec lequel nous nous étions entretenus dans la foulée:

«On n’y a pas eu recours, parce qu’on a l’impression qu’on vit dans une espèce de monde où les choses ne doivent pas arriver. Maintenant, on en est à la période de réalité et cela devient de plus en plus dramatique, il faut le reconnaître.»

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«Qu’est-ce que cela aurait coûté de le faire?» regrette-t-il, évoquant une «simple solution de sagesse» et le cas de l’Allemagne, qui identifie à ses frontières les personnes arrivant de zones à risques, insistant par ailleurs sur le fait qu’il s’agissait là de la mise en place de contrôles et donc en rien d’une «fermeture» des frontières. Pour lui, «on a eu peur d’avoir peur» face à une épidémie qui –par définition– était appelée à s’étendre, et même des «mesures artisanales, mais efficaces» ont mis du temps à être annoncées par les autorités françaises.

«Cela paraît peu de choses, mais il a fallu beaucoup de temps pour que l’on ait l’intelligence de dire “ne vous serrez pas la main, ne vous embrassez pas”. Il était élémentaire de le dire tout de suite! On est dans une situation consternante! Ce qui compte, ce n’est pas d’affoler les gens pour que cela n’ait pas des conséquences économiques, sur la paix sociale, sur le fonctionnement de tous les jours, jusqu’à enrôler les chaînes d’info qui vendaient leur tisane sans se rendre compte que la situation est objectivement dramatique.»

Une forme de méthode Coué en somme, à laquelle la France s’adonne depuis avant même que le covid-19 ne mette le pied sur son sol. En effet, si en France, on se cache derrière les recommandations de l’OMS pour justifier la non-mise en place de contrôles dans les aéroports, on semble particulièrement sourd à ses exhortations à en faire davantage contre le Covid-19. Il faut dire que l’épidémie, qui vient de franchir le seuil des 100.000 contaminés dans le monde, est devenue incontrôlable depuis l’apparition d’un second foyer majeur en Italie, après celui de la Chine.

La France a d’ailleurs rapidement été touchée, devenant même le deuxième foyer épidémiologique du coronavirus en Europe. Ces dernières heures, l’épidémie s’est emballée sur le territoire national avec un nombre de cas passant de 10 à 91 en 48 h dans le seul département du Haut-Rhin. Parmi eux, Jean-Luc Reitzer, député Les Républicains (LR) du département, est même en réanimation.

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Pour autant, si on nous expliquait en «phase 1» qu’un virus «ne reconnaît pas les frontières administratives», qu’il ne servait donc à rien de tenter de l’empêcher d’arriver en France et qu’il fallait l’endiguer, la «phase 3» nous dira qu’il ne sert plus à rien de l’endiguer, car il circule déjà. En somme, au lieu de redoubler les mesures d’isolement, c’est l’inverse qui se produirait: on admettra que le Covid-19 est durablement parmi nous et qu’il ne sert donc plus à rien de mettre en place des mesures d’isolement comme des quarantaines. Des quarantaines qui selon certains médecins ne mèneraient qu’à «enfermer les gens qui sont indemnes avec des personnes contagieuses.»

​Il faut dire que la France ne brille pas par ses mesures d’endiguement. Comme le révélait le Canard enchaîné du 4 mars, un exercice de gestion de crise, organisé le 28 février dernier par la Préfecture de police de Paris et prévoyant le confinement du XVIe arrondissement de la capitale (l’un des moins densément peuplés) a lamentablement échoué au bout de 45 min.

«Une épidémie, ça se traite comme une épidémie, en prenant des mesures drastiques et surtout immédiates, parce que c’est une lutte à mort et à force de nous chanter que le coronavirus ne fait pas plus de dégâts que le virus de la grippe, que rien n’est trop grave, on s’achemine jour après jour vers la gravité. C’est le prix de ce discours complètement lénifiant, que je ne comprends pas!»

Comparer le coronavirus à la grippe saisonnière, un classique ces dernières semaines, à vrai dire depuis l’apparition de la maladie en Chine fin 2019. Certains rappellent ainsi que la grippe cause 290.000 à 650.000 décès chaque année à travers le monde, selon les chiffres de l’OMS.

​Une comparaison que n’apprécie pas l’eurodéputé ni le docteur Jérôme Marty, président du syndicat de l’Union française pour une médecine libre (UFML) que nous avions contacté à l’occasion de la pénurie de masques respiratoires pour les médecins généralistes, pourtant appelés à être en première ligne de l’épidémie qui se profile.

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En effet, contrairement à la grippe saisonnière, il n’existe aucun vaccin contre le coronavirus face auquel notre système immunitaire demeure encore «naïf» et même s’il est aux yeux du docteur Marty encore trop tôt pour dresser des comparaisons, il souligne les nombreuses zones d’ombre qui demeurent dans notre appréhension de ce tout nouveau virus. Citons par exemple le fait que certains patients guéris recontractent le coronavirus ou le fait que la majorité des jeunes enfants atteints du virus sont asymptomatiques.

Covid-19: de nombreuses zones d’ombre

Par ailleurs, autre grosse différence avec la grippe, une létalité (mortalité chez les malades) plus de dix fois supérieure. Et si les deux maladies font plus de victimes chez les personnes âgées, qui plus est si elles sont atteintes de maladies chroniques, ces populations sont particulièrement à «haut risque» face au Covid-19. «Les choses vont s’affiner au fur et à mesure que l’infection va progresser», concède le médecin, appelant à «raison garder».

«On voit qu’il y a une part d’irrationnel, car les mêmes personnes qui s’affolent et cherchent des masques partout sont les mêmes personnes qui ne se vaccinent pas et ne portent pas des masques lorsqu’il y a la grippe.»

S’il est encore «beaucoup trop tôt» pour établir la létalité du virus en Europe, comme on nous l’expliquait mardi 3 mars dans une émission du service public dédiée au coronavirus, à laquelle Olivier Véran, le nouveau ministre de la Santé, était invité, relevons toutefois que d’après les chiffres provenant d’Italie, le Coronavirus n’est pas moins mortel qu’en Chine.

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Ce qui est plutôt une mauvaise nouvelle. En effet, il fut escompté au début de l’épidémie en Chine que la qualité des systèmes de santé européens atténuerait les effets de la maladie si celle-ci venait à frapper nos contrées. Force est de constater que le système de santé italien ne fait pour l’heure pas mieux que son homologue chinois, bien au contraire. «La mortalité du virus en Italie est de 2,6%. Elle monte à 3,9% dans les zones où les hôpitaux ont été saturés», détaille le Docteur Philippe Devos dans les colonnes de confrères belges de LaLibre.be, tenant à rappeler que les moyens hospitaliers pourraient s’avérer fort limités face au potentiel afflux de patient en cas d’épidémie. Des moyens hospitaliers et de santé qui, aujourd’hui dans le nord de l’Italie, se voient amputés de 10% de leurs effectifs, ceux-ci ayant été contrôlés positifs au coronavirus.

Malgré un taux de morbidité avoisinant celui de la grippe espagnole, fléau importé en Europe par les troupes américaines et qui avait occasionné plus de 50 millions de morts dans le monde entre 1918 et 1919, touchant entre 30% et 50% de la population, Jérôme Marty se refuse catégoriquement à tout parallèle avec cette dernière.

«Non! Alors là c’est une bombe! Les gens s’affoleraient complètement, je crois qu’il faut raison garder. Les connaissances que l’on peut avoir, tant par les travaux des Chinois, des Coréens, etc., montrent quand même que chez la population active, il y a globalement peu de risques. Il y a des cas sévères, qui sont hospitalisés, mais 98% des gens guérissent.»

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Pour autant, les chiffres n’en sont-ils pas moins inquiétants? Pour Gilbert Collard, il aurait fallu agir plus tôt «On se rend compte qu’en dehors des discours lénifiants rien n’a été fait! […]  On est en face d’un gouvernement qui vraiment n’a pas pris la dimension– et ça paraît incroyable– périlleuse de cette épidémie». Celui-ci évoque notamment les réactions politico-médiatiques au moment où la question d’un renforcement des contrôles à la frontière italienne, voir sa fermeture, s’était posée au moment où Rome avait découvert un foyer d’infection dans le nord du pays: «dès que l’on prononce le mot frontière, on provoque des réactions incontrôlées, délirantes […] c’est effrayant vu les conséquences.» La non-fermeture des frontières avec l’Italie, décidée par les ministres de la Santé des pays limitrophes de l’Italie réunis à Rome fut présentée le soir même comme une nouvelle «rassurante» par le service publique français.

«Dès l’instant où se pose la question de contrôler une frontière ou de la fermer, on déclenche un processus idéologique quasiment obscurcissant de l’intelligence», insiste Gilbert Collard.

«Vous êtes dans votre délire protectionniste de fermeture des frontières!» lâchait récemment encore Valérie Gomez-Bassac, députée du Var et porte-parole de La République en Marche (LREM) à Jean Messiha, membre du bureau national du Rassemblement national (RN) sur le plateau de CNews.

​Peu de temps auparavant, l’un de nos confrères de Télérama, qui d’ailleurs évoquait une récente intervention sur LCI de Gilbert Collard, titrait que les chaînes d’infos avaient été «contaminées par l’extrême droite.»

«Vouloir appliquer le principe de précaution, vouloir établir ce qui se fait en Allemagne et ailleurs, des contrôles pour identifier les personnes provenant de zones à risque, c’est de l’extrême droite! Comme s’il y avait des virus d’extrême gauche, des virus d’extrême droite, ce qui est sûr c’est qu’il y a des extrêmes cons!», s’emporte l’eurodéputé.

Mi-février, alors que le Covid-19 franchissait la barre des 1.000 victimes, Tedros Adhanom Ghebreyes, directeur général de l’OMS, estimait que même si 99% des cas étaient en Chine, le virus constituait une «très grave menace» pour le monde. Au même moment, l’épidémiologiste hongkongais Gabriel Leung, spécialiste du Coronavirus, considérait que celui-ci pourrait toucher 60% de la population mondiale. Deux semaines plus tard, l’épidémiologiste Marc Lipsitch, de l’université américaine de Harvard, évaluait que 40 à 70% de la population mondiale pourrait être infectée par le Covid-19.

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