Covid-19: «Un certain nombre des médecins ont minimisé la situation, même au sein d'Air France»

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Après des mois passés à restructurer son activité face à la pandémie de coronavirus, Air France continue à effectuer 10% de ses vols intérieurs, au nom de la continuité territoriale. Olivier Lavielle, porte-parole du Syndicat des Navigants du Groupe, revient sur les actions entreprises par les équipages pour répondre aux ordres de l’État.

Bruno Le Maire déclare que Bercy prévoit «déjà des dispositions» pour aider Air France, en difficulté, et fait appel au patriotisme économique. En réponse, Olivier Lavielle, porte-parole du Syndicat des Navigants du Groupe Air France (SNGAF), assure à Spuntik France que la diminution progressive de l’activité d’Air France, avec ses 50.000 salariés, est «bien gérée» par les divers services de la compagnie. Il n’est toutefois pas exempt de reproches:

«On savait bien avant tout le monde que la situation allait se dégrader, précise Olivier Lavielle. Notre syndicat a demandé l’arrêt des lignes sur la Chine parce qu’il fallait protéger l’Europe de cette contamination. Nous étions les témoins directs de ce qui se passait.»

La compagnie entretient des liens «privilégiés» avec Wuhan, où de nombreux Français sont présents à cause des chaînes de production de PSA.

Les premiers signes de l’épidémie ont réveillé le spectre de l’inconscience

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Le syndicaliste déplore que «le jour où la demande d’arrêter les lignes a été formulée publiquement à la télévision, madame Buzyn, ministre de la Santé de l’époque, avait prétendu que la destination ne présentait pas de danger». Des regrets qui n’ont pas empêché les représentants du personnel de mettre en place des protocoles de sécurité maison:

«À partir d’informations de différentes sources, l’OMS notamment, nous avons mis en place un système qui permettait de protéger les équipages et de freiner la propagation du virus, en prévision du confinement», assure Olivier Lavielle au micro de Sputnik France.

La demande de renforcement de la sécurité sanitaire des équipages ne s’est pas passée sans encombre: «on s’est un peu engueulés [sur les mesures à prendre, ndlr]», précise Olivier Lavielle, qui prend à cœur le «rôle du syndicat, d’aller vers la protection de la personne avant celle des biens». En fin de négociations, «la famille Air France» a réussi à trouver un accord: les avions sont quasiment à l’arrêt et n’assurent que 10% de vols intérieurs, «qui correspondent à une exigence citoyenne de continuité territoriale

«Malheureusement, le gouvernement français prend des décisions à emporte-pièce, qui nous mettent dans des situations difficiles. On ne sait toujours pas quelles seront les exigences de l’État pour la continuité territoriale», nuance Olivier Lavielle.

La compagnie a une solide expérience «des évacuations en Afrique, au Liban», assurées par «des équipages courageux». M. Lavielle souligne leur détermination à aller chercher les Français «coincés» à travers le monde, «à condition que l’État français nous y autorise, nous facilite la tâche et négocie convenablement avec les États étrangers qui ont fermé leurs frontières.»

Le casse-tête de la «distance sociale» à bord des avions

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Il est évident que pour le rapatriement dans des avions où les distances de sécurité ne peuvent pas être respectées, le recours massif aux masques de type FFP2 et FFP3 a été envisagé. «On regrette une certaine légèreté de l’État autour de cette situation», signale le porte-parole du SNGAF. Avec de nombreuses liaisons vers les pays asiatiques, où le port du masque de protection est banal et plus encore en ces temps d’épidémie, les équipages d’Air France souhaitaient suivre leur exemple. 

«Il y aurait eu des choses à prendre en considération dès le début de cette épidémie. Quand Air France s’est résolue à acheter des masques, l’État s’est rendu compte qu’il n’en avait pas assez et nous les a repris», déplore Olivier Lavielle.

Cette semaine, le syndicat a demandé à l’État de prendre ses responsabilités et «d’équiper ses équipages correctement». Le SNGAF demande de prendre exemple sur les compagnies asiatiques et de fournir à chaque membre d’équipage «une combinaison, une visière, un masque FFP2 minimum (ou FFP3), des gants, de cesser l’activité commerciale à bord des avions, de livrer un repas à l’embarquement, de limiter les interactions entre l’équipage et les passagers, ainsi qu’entre les passagers.»

«On fait cette demande pour signifier à ceux qui décident de faire tourner les équipages sans protection que s’il y a un problème avec eux, on saura trouver les coupables. Mon devoir de syndicaliste est de prévenir et de protéger les gens», avertit Olivier Lavielle.

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Le syndicaliste, représentant un personnel «courageux et responsable», qui fait son «travail à la demande et reste également en première ligne», souligne qu’il «n’a pas espoir que ça se règle en une demi-heure, mais cela nous permet de sensibiliser sur le fait».

«Tout le monde a droit au droit de retrait, mais tous les gens qui volent sont volontaires. Ils utilisent des protections en fonction de ce que nous a laissé le gouvernement, détaille Olivier Lavielle. Toute la difficulté actuelle vient du fait qu’un certain nombre des médecins ont minimisé la situation, même au sein d’Air France.»

«On aurait dû regarder la Chine», regrette le porte-parole. Pour lui, «si un pays aussi industrialisé, dont toute l’économie repose sur la main-d’œuvre laborieuse, décide de confiner ses gens et de mettre son économie à rude épreuve, il y a un véritable problème

«Tout le monde l’a vu, sauf notre gouvernement, qui a commencé par nier le problème», tacle Olivier Lavielle.

Alors que Bruno Le Maire réfléchit aux «mesures qui doivent être apportées» pour venir en aide au groupe Air France, Olivier Lavielle affirme qu’«il va falloir renationaliser», et sans attendre.

«La nationalisation d’Air France et d’autres entreprises stratégiques, il faut y penser!»

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Pour lui, la compagnie n’aurait pas dû accepter la privatisation, «qui signifie la vente du pouvoir de travail des salariés à des intérêts privés».

«La nationalisation d’Air France et/ou d’autres entreprises stratégiques, il faut y penser! clame Olivier Lavielle. Je serai fier de travailler pour que mon argent aille à une consolidation d’un modèle social qui est en train de se révéler indispensable.»

Pour conclure, le syndicaliste propose un programme plus ambitieux à mettre en place «lors de la reprise». Il veut croire que «les Français vont pouvoir participer à la consolidation du système social» et financer en priorité les hôpitaux, les écoles, le système d’enseignement par correspondance qui vient d’être mis en place et il enfonce le clou:

«Renationaliser Air France, oui, mais il faut renationaliser également un certain système hospitalier, les autoroutes. Renationaliser ce qui rapporte de l’argent de telle manière que la France continue à être solide et continue à fonctionner en cas de crise majeure comme celle-là.»
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