Faut-il dissoudre Génération identitaire? «Ce n’est pas la solution»

© AFP 2023 PHILIPPE LOPEZGénération identitaire
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Après l’attaque du 29 octobre 2020 à Avignon menée par Fabien Badaroux, durant laquelle l’assaillant portait un blouson de Génération identitaire, le mouvement d’extrême droite serait dans le viseur du gouvernement en vue d’une dissolution. Mais selon plusieurs experts, son démantèlement est une fausse bonne idée.

«Il faut dissoudre ce groupe fasciste», réclame Éric Coquerel, député insoumis, tandis que le gouvernement réfléchit toujours à la possibilité de dissoudre Génération identitaire.

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Le groupe d’extrême droite est dans le collimateur après l’attaque de policiers par Fabien Badaroux, le 29 octobre 2020 à Avignon. Bien qu’il portait un blouson de Génération identitaire lors de son attaque avec une arme à feu, laquelle a conduit à sa mort, une éventuelle dissolution de GI s’annonce pour le moins complexe.

Des tergiversations qui laissent les premiers intéressés de marbre: «ça ne nous fait ni chaud ni froid», rétorque au micro de Sputnik Thaïs d’Escufon, jeune militante et actuelle figure de proue du mouvement Génération identitaire (GI).

«Faut-il aussi réclamer la dissolution du Parti communiste?»

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Éric Coquerel et La France Insoumise s’attaquent au mouvement identitaire. Le parlementaire ne manque jamais de les accuser après chacune de leurs actions, qu’il s’agisse du blocage «anti-migrants» au col de l’Échelle, dans les Alpes, ou du déploiement d’une banderole Place de la République, lors d’une manifestation contre les violences policières.

«Ce qui nous est reproché vient à cause de ce drame à Avignon, mais le dossier est vide», s’insurge Thaïs d’Escufon, avant de préciser:

«L’innocence de GI est prouvée. Fabien Badaroux n’a jamais été militant chez nous. Son seul militantisme connu et reconnu, c’est au sein du Parti communiste français pendant 10 ans. Faut-il aussi réclamer la dissolution du Parti communiste? C’est absurde», plaide Thaïs d’Escufon.

Et la militante de citer les articles de presse, qui évoquent une personne psychologiquement instable, avec de «très lourds antécédents médicaux».

«L’arme de Fabien Badaroux n’était pas chargée. Ça rassemble plus à un suicide qu’à un véritable attentat. L’affaire n’a d’ailleurs pas été traitée par une unité antiterroriste», se défend la militante.

Le mouvement n’a pas laissé les choses s’envenimer. Ses cadres ont «pris l’initiative de se rapprocher des autorités compétentes, notamment de la DGSI.» «Le seul lien qui puisse exister entre nous et cet individu, c’est qu’il a probablement acheté une veste sur notre site, qui était à un moment donné en vente libre», précise Thaïs d’Escufon.

«Les mesures d’interdiction sont avant tout politiques»

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Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite au sein de l’Observatoire des radicalités politiques, rappelle qu’«en France, le gouvernement peut parfaitement, par un décret du Conseil des ministres, dissoudre n’importe quel mouvement si les critères contenus dans l’ancienne Loi de 1936 sur les milices privées sont remplis.» Autrement dit, le mouvement peut être dissout «s’il appelle au renversement par la force de la République, ou s’il prône des idées racistes et antisémites.» Or, nous ne sommes plus dans les années 30:

«Je suis très sceptique sur des mesures d’interdiction [à l’encontre de GI, ndlr] et sur le fait que ça soit accepté par un juge administratif. En France, les mesures d’interdiction sont, avant tout, politiques. Elles sont prises pour des raisons d’opportunité», commente pour Sputnik Jean-Yves Camus.

Pour l’expert, «quand le gouvernement interdit un groupe, il a en tête que les militants vont se décourager, les moins convaincus vont s’éloigner et le groupe va mourir de sa belle mort.» Une fausse bonne idée, donc?

«Par ailleurs, les dissolutions, ce n’est pas vraiment la solution: quand vous interdisez le groupe, il se reconstitue sous un autre nom, avec d’autres dirigeants», souligne Jean-Yves Camus.

Et, d’après le politologue, «les chefs des groupes, prudents, passent le flambeau à quelqu’un d’autre» pour éviter des poursuites suite à «un délit de reconstitution d’un groupe dissous» par le gouvernement. Pire encore, la dissolution serait même contre-productive pour les forces de l’ordre:

«Les policiers disent toujours que la dissolution d’un groupe ne les arrange pas. Quand un mouvement est actif, quand il manifeste dans la rue, qu’il va à des réunions, qu’il publie des bulletins, on peut le suivre et savoir ce qu’il fait. Quand on le dissout, les éléments les plus radicaux choisissent une voie quasi-clandestine, plus difficile à surveiller», détaille Jean-Yves Camus.

Et la solution n’est toujours pas trouvée, malgré des efforts constants de chercheurs de tous horizons, déployés au niveau international, qui s’attachent à repenser la lutte contre les radicalisations. Le concept s’applique-t-il d’ailleurs à Génération identitaire?

Dissolution, un «effet d’annonce» dangereux

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Plusieurs experts tombent d’accord sur l’appréciation de la nature des actions du mouvement GI. «Les jeunes identitaires se contentent de faire des coups d’éclat médiatiques, de l’ordre d’une vieille tradition d’une certaine droite française», souligne au micro de Sputnik Christophe Bourseiller, journaliste et écrivain.

«Je ne pense pas qu’il soit possible de dissoudre GI, simplement parce qu’à ma connaissance, GI n’a jamais été impliqué dans les actes de nature terroriste. À mes yeux, leur dangerosité reste à démontrer», détaille Christophe Bourseiller.

Pour celui-ci aussi, la dissolution «ne changerait rien» et pourrait même nuire à l’effet recherché:

«C’est un effet d’annonce pour montrer à l’opinion publique que l’on agit contre l’extrémisme. Mais cet effet d’annonce est dangereux dans la mesure où on n’obtient aucun résultat en organisant une dissolution d’un mouvement extrémiste», poursuit Christophe Bourseiller.

Fort de son expérience, l’expert confirme l’«inutilité» et même la «dangerosité» d’une dissolution, suite à laquelle «les militants passent sous les radars». Et ce danger concerne également tous les groupes radicaux, y compris islamistes, qui «deviennent beaucoup plus difficiles à surveiller

Le 4 novembre dernier, le gouvernement a dissous le mouvement ultra-nationaliste turc des Loups gris, même si celui-ci n’était qu’un groupement de fait. Idem pour le mouvement radical islamique Cheikh Yassine, dont «les militants peuvent remonter une association avec des statuts légèrement différents sous un autre nom.»

Dans le cas du Collectif de lutte contre l’islamophobie en France (CCIF) –«qui n’a d’ailleurs pas été dissout»–, le groupe a affirmé vouloir «étendre [ses] activités à l’international», bref, s’expatrier pour se protéger des foudres du gouvernement. Quant à l’ONG BarakaCity, Idriss Sihamedi, son dirigeant a annoncé après sa dissolution avoir demandé pour son équipe et lui-même l’asile politique en Turquie.

«La meilleure façon de lutter contre le terrorisme c’est d’arrêter des terroristes et de surveiller les organisations qui les entourent, en les infiltrant», conclut Christophe Bourseiller.
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