«Un beau symbole de l’amitié et du respect franco-russe»: Poutine décore la bienfaitrice Hélène Texier

© Photo Archives familialesHélène Texier avec sa famille
Hélène Texier avec sa famille - Sputnik Afrique
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Présidente de l’association «Pour Kungur» qui œuvre pour les orphelinats de la région de Perm et l'amitié franco-russe, Hélène Richard -Texier est devenue la première Française à recevoir une haute distinction de l’État russe: la décoration «Pour la bienfaisance». Dans un entretien exclusif à Sputnik, elle revient sur ses missions quotidiennes.

Vladimir Poutine a signé le 5 novembre le décret sur l’attribution de la décoration «Pour la bienfaisance», haute distinction de l’État russe, à Hélène Texier, fondatrice et présidente de l’association «Pour Kungur» qui offre un soutien aux orphelinats de la région de Perm, en Russie. Dans une interview exclusive à Sputnik, la bienfaitrice française se souvient de la naissance de l’association, mais aussi de l’adoption de ses enfants.

Création de l’association

En 2006, la famille Texier, qui n'a alors pas d'enfants, commence à penser à l'adoption. Après plusieurs mois de vérifications et d'entretiens avec services sociaux et psychologues français, ils sont approuvés. Hélène et son mari sont désormais officiellement enregistrés comme «candidats à l'adoption» en France et en Russie. En 2007, ils obtiennent le consentement du ministère du Développement social du territoire de Perm où ils sont invités.

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Hélène Texier avec sa famille

«Avec mon mari, Jean-Sébastien, nous avons rencontré nos enfants au Centre pour les enfants sans soins parentaux de Kungur, dans la région de Perm. Nous ne connaissions pas du tout ce pays. Si notre vie a été bouleversée par la rencontre avec Iskane et Nadège, elle le fut aussi profondément par la découverte de la Russie. Nous avons rencontré des gens formidables, notamment les femmes qui travaillent à l’orphelinat.»

Mme Texier confie que son mari et elles sont restés en contact avec «comme si elles faisaient partie de notre famille». Puis, en 2009, ils décident de contacter d'autres familles ayant adopté dans le même orphelinat afin d'envoyer des albums collectifs pour donner des nouvelles des enfants «à ces nounous qui leur donnent tellement».

«Un véritable échange s'est créé. Je pense que cela a donné un sens supplémentaire au travail des dames, et cela permet aux parents adoptifs de montrer à leurs enfants à quel point ils ont été aimés en Russie. En 2012, nous avons officiellement créé l'association "Pour Kungur" afin d’apporter une aide matérielle à l'orphelinat. Puis nous avons étendu nos actions à une dizaine d'orphelinats de la région et à des centres pour enfants malades», poursuit-elle.

Environ 300 familles

Actuellement, l’association réunit quelque 300 familles qui ont adopté leur(s) enfant(s) dans la région de Perm. Elles vivent essentiellement en France, mais aussi en Espagne, en Italie, en Suisse, en Irlande, au Royaume-Uni, en Argentine, aux États-Unis et au Québec. «Nous sommes une grande famille dans le monde!», souligne la bienfaitrice.

© Photo Archives familialesEn Russie
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En Russie

L’association a trois missions principales. Tout d’abord, elle maintient le lien entre les familles adoptives et les orphelinats.

«Nous voulons que les personnels des orphelinats sachent que nous avons bien pris la relève et que nous les remercions infiniment d'avoir pris soin de nos enfants. Parallèlement, nous voulons réconcilier nos enfants adoptés en Russie avec leur pays de naissance. En tant que parents adoptifs, nous ne voulons pas que la Russie symbolise pour eux l'abandon ou la maltraitance. Nous voulons qu'ils grandissent en étant fiers de leurs racines», explique Hélène Texier.

En outre, l'association se consacre à des projets d'aide matérielle aux orphelinats. Enfin, au fur et à mesure des voyages en Russie, Mme Texier organise des échanges entre les enfants nés en Russie puis adoptés dans le monde, les enfants en France et en Russie.

«Nous organisons des correspondances, des expositions conjointes de dessins, des jeux, mais aussi des festivals, pour que les enfants apprennent à se connaître et à découvrir la culture des uns et des autres», insiste la directrice de «Pour Kungur».

«Une grande joie»

300 familles, une dizaine d'orphelinats, une vingtaine de structures en Russie et l'équivalent en France participent régulièrement aux échanges et aux projets que l’association propose. Mais rien de bien compliqué pour Hélène Texier, car «c’est une grande joie». Par contre, cela demande énormément de temps. «D'autre part, nos projets nécessitent de l'argent. Nous devons toujours trouver des idées pour en récolter. Nous ne sommes pas subventionnés et n'avons pas d'amis mécènes!», ponctue-t-elle.

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En Russie

L’un des plus gros projets de «Pour Kungur» est le festival «Amitié - Les enfants du Monde» tenu en juillet 2019. «J'ai créé un spectacle avec 13 adolescents français et proposé de faire une tournée dans la région de Perm pour faire découvrir un peu de la France aux enfants des orphelinats, des familles d'accueil, des centres pour enfants malades. Nous avons travaillé pendant plus d'un an pour rassembler assez d'argent pour réaliser ce projet», se souvient-elle.

Avec les adolescents en France, ils ont vendu des gâteaux, organisé des marchés, des tombolas, des spectacles. «Heureusement, l'association a beaucoup d'amis et de familles qui participent financièrement à ces projets, chacun à sa mesure. Et nous avons finalement réussi!». Selon Hélène Texier, c’était très enrichissant pour les enfants français d'organiser ce projet et «dans la région de Perm, nous avons, comme chaque fois, été accueillis comme la famille».

De plus, la fondatrice de «Pour Kungur» évoque d’autres projets d’importance, comme «Tous pour Perm» qui aide matériellement les orphelinats. «Il est tout aussi important de faire comprendre à tous nos enfants adoptés que leur pays d'origine est formidable. Et tout aussi important de faire échanger les enfants sur leur culture et leur façon de vivre!», juge-t-elle.

© Photo Archives familiales d'Hélène TexierExposition
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Exposition

La pandémie de coronavirus a temporairement gelé les voyages vers la Russie, mais elle «ne nous empêchera pas de réaliser des projets ensemble», assure la bienfaitrice. Le dernier, actuellement en cours, est l'organisation d'expositions conjointes de dessins faits par des enfants adoptés dans le monde, mais aussi faits par des enfants des écoles, en France et en Russie, sur le thème «Mon conte de Noël et du Nouvel an». Les expositions seront présentées dans des écoles et centres pour enfants sans soin parentaux de nos 2 pays, mais cette année elles le seront aussi dans des Ehpad et centres pour personnes malades qui, malheureusement, ne peuvent en ce moment plus recevoir de visites.

«Nous aurons la chance également de voir, une fois encore, les dessins exposés sur les panneaux extérieurs du Centre de Russie pour la science et la culture à Paris. Et, afin que le monde en profite, nous exposerons tous les dessins sur un site internet, et chacun pourra m'envoyer un message pour me dire lequel il préfère. Des diplômes pour tous les enfants sont déjà en préparation! Vous pouvez imaginer la joie des enfants russes (entre autres ceux des orphelinats) quand ils apprennent que leurs dessins sont exposés en France! Chaque enfant du monde qui participe est fier de porter sa culture», détaille Hélène Texier.
Coopération sur place

La présidente explique que l’association est toujours «dans un vrai échange». «Nous ne faisons pas la charité. Nous coopérons avec les gens sur place. Nous travaillons en équipe».

Par exemple, lorsqu’ils ont proposé de réhabiliter l'aire de jeux de l'orphelinat de Kungur en 2015, des bénévoles de la ville sont venus aider. Mme Texier collabore avec des associations sur place comme «Kungur - Territoire de bonté», ou encore l'association pour les familles de substitution de Perm avec laquelle un accord de coopération a été signé.

«À Perm, le commissaire aux droits de l'homme Pavel Mikov, le président du Conseil des Pères Sergueï Bolshakov, mais aussi le parrain de l'association, le psychothérapeute et écrivain Yuri Vaguin, et notre grand ami comédien Viatsheslav Tshuistov, comptent parmi nos grands soutiens.»

À Kungur et dans la région de Perm, nombreux sont ceux à faire suffisamment confiance à l’association pour l’aider sans se demander comment cela sera perçu, juste parce qu'ils ont compris que ces intentions sont bonnes.

Soutien en France

En France, l’association est chaleureusement soutenue par Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France jusqu'en 2018, puis par son successeur Alexeï Meshkov et «par les gens formidables de l'ambassade et du consulat», ainsi que par Konstantin Volkov, l'extraordinaire directeur du Centre de Russie pour la science et la culture à Paris.

«Je pourrais parler aussi des habitants de notre village, Gargilesse-Dampierre, de nos amis, de nos familles, des associations franco-russes en France. Finalement, chacun participe d'une façon ou d'une autre à nos projets!»

© Photo Archives familialesEn Russie
«Un beau symbole de l’amitié et du respect franco-russe»: Poutine décore la bienfaitrice Hélène Texier - Sputnik Afrique
En Russie

Soulignant que «tout ne s'est pas fait du jour au lendemain», Hélène Texier admet que  les enfants sans soins parentaux et l'adoption internationale sont des sujets sensibles en Russie. «Il aura fallu quelques années pour que nous soyons acceptés sans méfiance. Je dois dire que les journalistes ont joué un grand rôle dans notre histoire. Ils ont pris le temps, en France comme en Russie, pour comprendre ce que nous faisions. Ils se sont donné la peine d'expliquer, par leurs articles et leurs reportages télévisés, ce qu'est l'adoption internationale, ce que nous faisions là et pourquoi.»

Iskane et Nadège, «fiers d'être Russes et Français»

Outre les activités de l’association, Mme Texier se confie sur ses enfants adoptés en Russie: Iskane (Iskander, 17 ans) et Nadège (Nadiejda, 15 ans). Ils ont la même mère biologique que la famille Texier ne connait pas. Iskane et Nadège avaient respectivement 4 ans et 2 ans et demi quand Hélène et son mari les ont rencontrés. «Maintenant, ils sont très fiers d'être Russes et Français.»

Leurs deux enfants sont retournés en Russie pour la première fois lorsque l’association a réalisé son premier projet: ils ont offert un minibus à la maison d'enfants de Kungur, en 2014.

«C'est lors de ce voyage que nous avons retrouvé leurs deux sœurs. Nous avons retissé des liens avec elles, et même si elles habitent en Russie, elles font maintenant partie de notre famille. Nous avons fait baptiser les quatre enfants ensemble en 2016 à Kungur. Iskane et Nadège sont très investis dans l'association et fiers d'être les "ambassadeurs" de leur région de naissance, dans la région où ils vivent (l’Indre). Et ambassadeurs de France dans la région de Perm!»

Première Française à recevoir la médaille

Hélène Texier est devenue la première Française à recevoir la décoration «Pour le bienfait». Elle avoue que «sa surprise a été très grande».

«C'est un tel honneur que me font la Russie et son Président Vladimir Poutine que de reconnaître nos actions et leurs bienfaits. Cela fait plus de 10 ans qu'avec l'association "Pour Kungur" nous œuvrons pour les enfants en Russie et l'amitié franco-russe. Nous sommes des gens de terrain. Nous sommes plus souvent dans les villages du fin fond de l'Oural que dans les administrations des grandes villes. Jamais je n'aurais imaginé recevoir une reconnaissance si élevée et venant de si haut, celle du Président!»

Elle précise que la représentation de cette distinction est un pélican qui nourrit ses enfants avec son sang. «En tant que mère adoptive, je suis évidemment particulièrement émue par cette image. En tant que personne qui a dédié sa vie aux enfants, je ne peux qu'être touchée par cette reconnaissance.»

Relations franco-russes

Les relations entre la Russie et la France sont également analysées par Mme Texier qui constate que les Français connaissent assez peu la Russie et en ont ainsi parfois seulement l'image que donnent certains médias.

«La Russie est un pays gigantesque, avec un peuple fort et fier. Je suppose que cela peut parfois effrayer. Et comme le dit un de mes amis russes "On ne soigne pas un éléphant comme on soigne une souris." Mais fondamentalement, je pense qu'il y a une grande amitié entre les peuples russe et français. Nous avons une histoire, une culture commune. Nous espérons, à notre petite échelle, contribuer à perpétuer cette amitié. Selon moi, la médaille que Vladimir Poutine me décerne aujourd'hui est et restera un beau symbole de cette amitié et du respect franco-russe. Le symbole d'une magnifique coopération entre nos deux pays.»

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