Mila écartée de sa nouvelle école: la République a-t-elle encore manqué à sa mission?

© AFP 2023 JOEL SAGETLe Triomphe de la Republique
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L’affaire Mila s’invite une nouvelle fois dans l’actualité. L’adolescente victime de harcèlement et de menaces de mort a été mise à l’écart de l’établissement qu’elle venait d’intégrer. Pour son père, la lâcheté des institutions a triomphé une fois de plus. Selon le ministère des Armées, il s’agit simplement d’assurer la sécurité de la lycéenne.

Troisième acte pour l’affaire Mila. Jeudi soir, le père de l’adolescente menacée de mort en janvier dernier pour sa vidéo polémique sur l’islam adressait une «lettre aux lâches» à destination du proviseur du lycée militaire d’où sa fille vient d’être écartée. Dans un live Instagram, auquel «assistaient une vingtaine de personnes», la jeune fille a maladroitement mentionné l’adresse de l’internat où elle était scolarisée depuis février. Pour des raisons de sécurité, l’exclusion de la jeune fille a été décidée par le colonel en charge de l’établissement. Dans sa lettre, le père de Mila revient en détail sur  «une conduite impossible à tenir» ordonnée par l’établissement qui, en raison du «risque pour les autres élèves» de «la présence de Mila sur le site», souhaitait qu’elle «ne communique plus sur les réseaux sociaux».

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«Pour reprendre l’expression d’une ancienne ministre, Laurence Rossignol, “c’est comme si on demandait à quelqu’un qui s’est fait agresser dans la rue de ne plus jamais sortir”», déplore le père dans sa lettre publiée par Le Point. «Les réseaux sociaux sont pour les jeunes d'aujourd'hui ce que le téléphone était pour nous il y a trente ans, et même bien plus.»

Selon Philippe Forget, auteur de Du citoyen et des religions (éd. Berg International), la décision prise par l’établissement contrevient à l’article 10 du Préambule de la Constitution, qui stipule que la nation assure à l’individu les conditions de son développement. Il y voit aussi une atteinte à l’article 13, selon lequel tous les enfants ont droit à l’instruction. «Ce sont des impératifs constitutionnels», souligne-t-il au micro de Sputnik.

«On ne limite pas l’accueil dans les services d’instruction publique, qui plus est l’armée, rempart de l’indépendance nationale, pour ce genre de considérations sécuritaires. À moins qu’on ait intériorisé la menace de réseaux de meutes fanatiques sur le territoire français. C’est une faute politique, une faute stratégique», martèle le philosophe.

Dans un communiqué, le ministère des Armées dément l’information. Il ne s’agirait pas à proprement parler d’une exclusion, mais d'un placement en enseignement à distance. «Mila n’a pas été exclue. Il a été proposé aux parents de Mila qu’elle poursuive, pour un temps, son enseignement à distance dans un lieu sûr, le temps d’un apaisement de la situation sécuritaire », précise le ministère des Armées ce jeudi dans un communiqué.

On peut y lire aussi que Mila «reste une élève de l’établissement». Une annonce qui sonne pourtant pour le père comme une nouvelle défaite des institutions: la jeune fille sera selon lui «continuellement en danger». Sa fille, assène-t-il, «ne se soumettra jamais, contrairement à vous, colonel, et à tant d’autres».

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Pour Philippe Forget, l’argumentaire sécuritaire avancé par l’établissement est illogique par rapport à la décision initiale de recueillir l’élève. L’essayiste y voit le signe d’une «capitulation morale» qui sera reçue comme telle par ceux qui menacent la lycéenne. Quant à l’argument de la vulgarité des propos employés par Mila, il faudrait y voir selon lui une forme ostentatoire d’opportunisme et la démission de la République. Ce serait soumettre «les principes de l’être-ensemble et de la vie collective du contrat républicain» à des «jugements de sensibilités particulières». À suivre cette logique, ironise Philippe Forget: «Voltaire aurait dû se retenir d’écrire “écrasons l’infâme” à propos du pouvoir clérical!»

Un triste vaudeville en plusieurs actes

Menacée de mort et harcelée sur les réseaux sociaux, l’adolescente de 17 ans avait déjà été déscolarisée de son lycée de Villefontaine en Isère, dans le sillage de la polémique provoquée par la publication de sa vidéo. En cause, sa critique de l’islam: «Le Coran est une religion de haine. L'islam, c'est de la merde, c'est ce que j'en pense, putain!» avait-elle déclaré dans une vidéo qui avait dépassé le million de vues.

Au mois de novembre, la jeune Iséroise publiait une nouvelle vidéo critique à l’adresse de l’islam, qu’elle concluait par la formule suivante: «Et, dernière chose, surveillez votre pote Allah, s'il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du c… j'les ai toujours pas sortis.» Une saillie qui lui avait valu un nouveau torrent d’insultes et de menaces de mort, dont plusieurs évoquant très clairement la décapitation du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty assassiné le 16 octobre à Conflans-Saint-Honorine. «Dit moi (sic) t’habite où j’vais te faire une Samuel Paty», pouvait-on livre parmi les messages reçus et publiés par la jeune fille sur son compte Twitter.

Marlène Schiappa promet de « trouver une solution »

Depuis son «lynchage» sur la toile en novembre dernier, Mila peut compter également, en plus d’une diffusion d’un hashtag #JeSuisMila sur les réseaux sociaux, du soutien de personnalités de la vie politique et intellectuelle du pays. Notamment le philosophe Raphaël Enthoven et la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Cette dernière a déclaré vendredi 11 décembre sur Sud Radio qu’«il ne faut pas laisser tomber» Mila, avant d’ajouter : «Je vais me démener pour lui trouver une solution. On ne peut pas tolérer ces menaces de mort.»

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