Un professeur sur deux s’autocensure: face au séparatisme islamiste, les enseignants apeurés

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Selon l’IFOP, 49% des enseignants se censureraient lorsqu’ils abordent la question religieuse. Plus de la moitié déclare avoir observé une contestation de la laïcité. Menaces, agressions, mutations de profs accompagnent souvent ces phénomènes. Retour sur une tendance inquiétante.

C’est une enquête de l’Ifop qui reflète le mal-être des enseignants. Commandée par la fondation Jean-Jaurès et publiée par Charlie Hebdo, elle dévoile un système scolaire en bien mauvaise forme. 

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Près de la moitié des enseignants affirment s’être déjà autocensurés sur la laïcité, selon un sondage
Réalisé pour mieux appréhender «les contestations de la laïcité et les formes de séparatisme religieux à l'école», ce sondage illustre davantage ce que le corps enseignant vit depuis plusieurs années et que les actualités récentes ont tristement mis en lumière: le principe d’école laïque et républicaine est plus que jamais menacé. Si l’ignoble assassinat de Samuel Paty a permis de lever le voile sur le mal profond qui agite les écoles et les universités, les incidents inquiétants continuent pourtant de se multiplier.

Des chiffres et des faits divers

«Quand un enseignant fait tout simplement son travail –ce qui était le cas de Samuel Paty–, il y a une chance sur deux pour que ça se passe mal avec certains élèves», indique l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo pour illustrer les résultats de l’enquête qu’il publie cinq ans après avoir été la cible d’un attentat qui a fait onze morts. Le journal ajoute: «Et s’il lui prend l’idée folle d’en informer le rectorat, il y a également une chance sur deux pour qu’on l’envoie balader.»
Climat malsain et manque de soutien sont donc le lot quotidien des professeurs qui tentent d’aborder la question religieuse dans leurs cours… ou même s’y heurtent malgré eux. Ainsi les professeurs de sport doivent-ils composer avec près de la moitié (49%) des contestations ou tentatives de soustraction aux activités, qui interviennent donc lors des cours d'éducation physique et sportive.

Sonia enseigne l’histoire-géographie à Longjumeau dans la banlieue parisienne. Pour elle, le malaise avec la question religieuse est réel.

«[L’islam] est traité en classe de cinquième dans le chapitre sur l'empire musulman (les élèves étudient l'arrivée d'un nouveau monothéisme et son expansion territoriale) et en éducation morale et civique dans le cadre de la laïcité et de la liberté d'expression», rappelle l’enseignante. «C’est une question délicate», résume-t-elle, décrivant l’islam comme un «vecteur d’identité» pour les jeunes élèves.

Outre le fait que, de manière générale, ces contestations sont plus fréquentes dans les établissements du réseau d’éducation prioritaire (REP) et dans les banlieues populaires, les actes d’autocensure sont en nette augmentation, indique l’étude de l’IFOP (+13% depuis 2018). Une recrudescence alimentée par la terreur des représailles parentales et la crainte des réprimandes d’une hiérarchie qui se serait montrée complice à plusieurs reprises. L’Éducation nationale refuserait, selon Charlie Hebdo, «d’affronter le problème, quand elle ne vous en rend pas carrément responsable».

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Un professeur victime d’agression verbale contraint de changer d’établissement, ses collègues se mettent en grève
Le dernier fait médiatique en date remonte à quelques jours. La presse a révélé le changement d’établissement d’un enseignant lyonnais, agressé verbalement par un parent d’élève pour un cours sur la laïcité pris en mauvaise part. «Nous attendions une réponse forte de l’institution qui n’est pas venue. La gestion des incidents ayant conduit au départ de notre collègue nous révolte et ne nous permet pas d’exercer notre mission dans des conditions sereines», se sont indignés ses collègues grévistes.

Un rejet catégorique du principe de laïcité

Autre fait récent: la mésaventure d’une femme professeur de droit de l’université d’Aix-Marseille, menacée de mort sur Internet et poursuivie en justice par la Ligue des droits de l’homme après avoir affirmé de l’islam qu’il était une «religion sexuellement transmissible».

Les remises en cause de la laïcité se produisent de manière systématique, indique l’étude de l’Ifop. Comme si ce principe républicain était désormais devenu une notion obsolète, voire illégitime. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, dans l’élaboration de la charte républicaine pour les imams demandée par Emmanuel Macron au CFCM (Conseil français du culte musulman), certaines fédérations ont refusé de souscrire au point portant sur la laïcité en milieu scolaire.
«En séparant l'Église de l'école, nous avons créé un tabou autour de la question religieuse. La laïcité est évidemment primordiale dans le cadre scolaire, mais cela ne veut pas dire que le fait religieux n'existe pas», estime pour sa part l’enseignante Sonia. Selon elle, le séparatisme en milieu scolaire est surtout le fruit d'une ignorance majeure des réalités religieuses.

«Avec mes élèves, nous étudions les articulations, les similitudes ainsi que les ruptures entre les trois religions monothéistes. De nombreux élèves de confession musulmane, par exemple, n'étaient pas au courant que certaines sourates mentionnent Jésus-Christ. Je pense que le séparatisme en milieu scolaire est surtout le fruit d'une ignorance majeure concernant la question religieuse», affirme Sonia.

Réalisée en ligne du 10 au 17 décembre 2020 auprès d'un échantillon de 801 enseignants des premier et second degrés, le sondage met néanmoins en évidence un refus généralisé de la laïcité, lequel se manifeste également sur les questions alimentaires à la cantine. Les contestations de la laïcité ont ainsi augmenté de 12 points en un an. Il apparaît de surcroît  dans l’enquête que près d’un quart des enseignants ne soutiennent pas ouvertement le geste de Samuel Paty qui lui a valu d’être assassiné.

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La Grande Mosquée de Paris claque la porte aux «islamistes». Une vaste mascarade?
«Cet événement demeure un réel choc pour tous les enseignants. Je n’ai rarement, voire jamais, croisé de collègues qui n'aiment pas leur travail ou qui cherchent dans leur cours à blesser certaines croyances. Pourtant, après ce drame, il est clair que la peur a pris le dessus», confie l’enseignante dans le secondaire. Et le malaise semble parti pour s’accentuer.

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