Explosion des addictions en période de confinement, signe du désespoir grandissant de la population?

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Un homme triste - Sputnik Afrique, 1920, 19.03.2021
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Le Covid-19 continue de faire des dégâts. Après la situation économique et sanitaire, l’épidémie a accentué les problèmes de surconsommation d’alcool et de cannabis chez une partie des Français. SOS Addictions fait le point pour Sputnik sur les conséquences des mesures gouvernementales un an après le premier confinement.

«Il y a beaucoup de gens en plein désespoir», alerte d’emblée Jean-Charles Dupuy, vice-président de SOS Addictions. Après un an de crise sanitaire, celui-ci n’a aucun doute: il y a bien une aggravation en matière d’accoutumance. Alors que le gouvernement a annoncé de nouvelles restrictions qui concerneront des millions de Français, les preuves s’accumulent: ces dispositifs ont un effet délétère sur les personnes souffrant de dépendance.

«Quand les personnes sont plutôt fragiles, seules, qu’elles habitent un petit appartement, qu’elles ont une appréhension face au quotidien de l’existence, imaginez si elles n’ont pas de travail. La solution de facilité, c’est de boire quelque chose pour se calmer, trouver quelque chose pour apaiser ses souffrances», explique Jean-Charles Dupuy.

Comme il le précise, «les gens ont augmenté leur consommation d’alcool et de cannabis». Ainsi, l’enquête «Cannabis online 2020», menée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), indiquait que sur la période du 17 mars au 11 mai dernier, soit la durée du premier confinement, plus d’un usager sur quatre dit avoir augmenté (27%) sa consommation.

«Trouver quelque chose pour apaiser ses souffrances»

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Dans le cas de l’alcool, le docteur Bernard Basset, président de l’ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie), soulignait dans une interview donnée à France Assos Santé que l’«on estime qu’un quart de la population a augmenté sa consommation». «Il s’agirait de personnes qui buvaient déjà de façon importante avant la crise sanitaire», a-t-il précisé.

Or de telles habitudes peuvent entraîner des conflits intrafamiliaux:

«Cela engendre beaucoup de tensions dans la sphère familiale: des situations de violence, des problèmes pour la famille, dont les enfants qui sont autour», souligne le vice-président de SOS Addictions.

Sans compter que le confinement en lui-même a provoqué une hausse des violences conjugales. Selon une enquête de l’IFOP pour la Fédération nationale solidarité femmes, 30% des victimes de ce type d’agressions ont déploré des actes qui ont eu lieu pour la première fois pendant cette période.

​Jean-Charles Dupuy explique par ailleurs que si l’alcool et le cannabis constituent les dépendances les plus courantes, l’épidémie de Covid-19 en a accentué d’autres. C’est le cas des troubles du comportement alimentaire.

De nouvelles dépendances émergent

Une problématique qui existait auparavant, mais celle-ci a «fortement progressé». En témoignent la hausse du nombre de prises de contact reçu par SOS Addictions :

«On a constaté un phénomène important de ce côté-là au niveau des appels et des mails. Les gens se ruent sur la nourriture et ils s’aperçoivent au fil du temps qu’ils entrent dans une dépendance assez forte puisqu’ils en viennent à consulter rapidement.»

En outre, Jean-Charles Dupuy signale une augmentation des prescriptions de médicaments, notamment les benzodiazépines (Xanax, Valium, Tranxène) qui ont un pouvoir addictif très fort. Alors qu’ils devraient être pris sur de courtes périodes, «certaines personnes ne veulent pas l’arrêter», constate le vice-président de SOS Addictions.

Une prise en charge des dépendants plus compliquée

Au-delà de l’aggravation des dépendances, Jean-Charles Dupuy s’inquiète que la prise en charge des malades soit de plus en plus compliquée à cause du Covid-19. Des difficultés qui se traduisent par un allongement des délais pour obtenir une date de consultation, qui ont quasiment doublé.

«Auparavant, on était sur des bases de quinze jours à trois semaines, là on arrive à presque un mois et demi, voire deux mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), avec les consultations jeunes consommateurs (CJC)», affirme-t-il. 

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Les cabinets privés dans les grandes villes ne sont pas en reste, confie Jean-Charles Dupuy. Sur la hotline de SOS Addictions, des personnes se désolent de devoir parfois attendre deux mois pour obtenir une consultation.

Une saturation qui pourrait empirer si les restrictions sanitaires perduraient dans le temps. Seulement, pour les malades, le mal est fait: «Ce sera de toute façon des suivis au long cours pour retrouver un quotidien à peu près stabilisé», estime-t-il.

«On avait déjà ces problématiques de dépendance avant le Covid-19, mais la pandémie a accéléré le processus de mal-être», conclut Jean-Charles Dupuy. 
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