Les chiffres de l'immigration 2020 baissent pour cause de Covid-19 mais renforcent le débat public

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Action des sans-papiers à Paris pour la journée internationale des migrants, le 18 décembre 2020 - Sputnik Afrique, 1920, 07.05.2021
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Le ministère de l’Intérieur finalise les statistiques provisoires des flux migratoires de 2020, qui ont baissé pour la toute première fois depuis 2016, en raison des restrictions sanitaires. Or, la thématique ne cesse de préoccuper la société française et, selon Europe 1, risque de semer la discorde au sein de l’exécutif.

Les données en matière d’immigration l’année dernière, publiées par le ministère français de l’Intérieur, sont encore provisoires mais elles confirment une thèse évidente: les restrictions mises en place dans le monde entier pour contrer la pandémie due au coronavirus auraient réduit les flux migratoires.

Chiffres clé 2020 en baisse

Depuis 2016, le nombre de titres de séjour délivrés s’est accru progressivement pour atteindre le pic de 277.405 en 2019. Ce chiffre a connu une baisse de 20,5% en 2020, la quantité de titres économiques diminuant de 31,1% –plus que quatre autres motifs d’admission («familial», «étudiant», «humanitaire» et «divers»). Les immigrés provenant du Maroc, d’Algérie et de Tunisie ont été l’année dernière les plus nombreux à obtenir des titres de séjour en France avec respectivement 35.053, 27.439 et 19.632 délivrances.

© SputnikDynamique de la délivrance des premiers titres de séjour en France
Les chiffres de l'immigration 2020 baissent pour cause de Covid-19 mais renforcent le débat public - Sputnik Afrique, 1920, 07.05.2021
Dynamique de la délivrance des premiers titres de séjour en France

Le système de traitement des requêtes, organisé en guichets uniques de demandes d’asile (Guda) et complété par les données de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ainsi que de la Cour nationale du droit d'asile (Cnda), a enregistré en 2020 une baisse de tous les indicateurs.

Ainsi, 81.669 premières demandes (mineurs compris) et 11.757 renouvellements ont été traités par les Guda, soit -38,2% par rapport à 2019. Quelque 24.118 octrois de statut de protection, contre 36.275 en 2019 (soit une baisse de 33,5%), ont été prononcés par l’Ofpra et la Cnda. Le taux final d'admission au statut de réfugié a été de 34,5% 2020 contre 38,1% en 2019. Les personnes originaires d'Afghanistan, du Bangladesh, du Pakistan, de Guinée et de Turquie ont été les plus nombreuses à déposer de premières demandes d’asile.

La quantité totale des naturalisations en 2020 a diminué de 20% par rapport à 2019, avec 61.371 procédures validées.

S’agissant des mesures d’éloignement du territoire exécutées, le chiffre total en 2020 s’est monté à 12.384 cas, donc 47,8% de moins qu’en 2019.

Le nombre de visas délivrés par la France a chuté de 79,8% l’année dernière (712.311, contre 3.534.999 en 2019). Le Maroc, la Russie et l'Algérie ont dépassé la Chine, qui avant l’arrivée du Covid-19 était le premier pays d'origine des titulaires de visas.

La seule donnée en hausse en 2020 a été la quantité de titres de séjours en cours de validité, qui a atteint 3.454.816, soit +1,2%.

Un dossier toujours sensible

Malgré la baisse plus que probable des chiffres relatifs à l’immigration en 2020, le sujet reste au centre de l’attention de la société et des discussions politiques.

Les statistiques des flux migratoires sont notamment devenues l’un des thèmes majeurs du débat qui a opposé Marine Le Pen à Gérald Darmanin sur France 2 en février dernier. Les calculs présentés par la candidate déclarée du Rassemblement national à la présidentielle 2022 et le membre du gouvernement se sont parfois éloignés, mais les experts ont remarqué que le ministre de l’Intérieur avait pour la première fois mentionné publiquement «600.000 clandestins» présents sur le sol français, ce qui montre l’ampleur du dossier.

L’attaque au couteau à Rambouillet a provoqué une nouvelle ébullition de débats publics, portant notamment sur le lien entre l’émigration et le terrorisme. 

Tandis que le gouvernement a refusé d’établir un parallèle direct entre une forte présence des immigrés dans l’Hexagone et les attentats terroristes qui ont endeuillé le pays, plusieurs acteurs politiques ont relié ces deux phénomènes.

L’Île-de-France étant la première région d’accueil des immigrés en France, sa présidente Valérie Pécresse a appelé à «cesser de nier le lien entre terrorisme et immigration» et à «reprendre le contrôle des flux migratoires». Elle a fustigé certaines approches européennes dont le respect par la France entraîne l’impossibilité par les autorités françaises de mettre à exécution leurs propres décisions d’expulsion d’immigrés du territoire national.

Philippe de Villiers a réitéré ses vives critiques à l’encontre de la politique migratoire de la France. Selon l’ancien haut fonctionnaire, le Président actuel, malgré son engagement à juguler l’immigration, n’a pas réussi à remédier à la situation.

Discorde au sein de l’exécutif

Si, pour l’extrême-droite et une partie de la droite, il est logique d’attaquer le bilan du Président et son gouvernement en matière d’immigration, ce sont les voix discordantes de plusieurs conseillers de l’exécutif qui se font entendre sur ce sujet sensible, assure Europe 1.

Ceux-ci n’hésitent pas à qualifier la politique migratoire mise en place depuis quatre ans d’«échec». Ils évoquent comme causes de la croissance de l’immigration et de l’absence de progrès dans la qualité des services publics offerts aux immigrés, la générosité de la protection sociale française, l’inefficacité des expulsions et la porosité des frontières nationales.

La première raison est susceptible d’être ébranlée par une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de santé (Irdes), selon laquelle seules 51% des personnes sans titre de séjour qui y sont éligibles bénéficient de l'Aide médicale de l’État (AME). Près de la moitié des immigrés en situation irrégulière déclarent souffrir de pathologies nécessitant des soins mais ne sont pas assurés pour la santé. Seuls 10% des immigrés citent le recours à l’AME parmi leurs motifs d’immigration.

La deuxième cause se fonde sur un taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), soit la corrélation entre le nombre de décisions d’éloignement des étrangers en situation irrégulière et celui des sorties réelles.

Au début de la présidence d’Emmanuel Macron, ce problème a été analysé par Libération sur la base des chiffres hérités par le chef de l’État actuel de ses prédécesseurs. La quantité d’OQTF (76.000-87.000) et les statistiques des éloignements forcés (12.000-15.000) étant assez stables entre 2010 et 2016, le taux d’exécution des OQTF a été évalué entre 15 et 20%.

Les statistiques d’Eurostat montrent que le nombre de OQTF françaises est resté autour de 85.000 en 2017 pour augmenter jusqu’à 105.500 en 2018  et atteindre un record de presque 124.000 en 2019.

​La hausse des retours forcés ces dernières années n’a guère eu d’incidence sur l’efficacité de l’exécution des OQTF, toujours égale à 15% et ne dépassant pas 21%, même si l’on prend en compte les éloignements spontanés et aidés.

​Ceci est entre autres dû aux refus des pays maghrébins, dont les ressortissants déposent le plus de demandes de titre de séjour, d’en reconnaître près de la moitié de ceux qui sont soumis aux procédures d’expulsion, relatent les personnalités politiques interviewées par Europe 1. Ce sujet fait souvent partie de l’agenda des pourparlers entre la France et ces trois États d’Afrique du Nord, ce qui a été notamment le cas lors de la visite de Gérald Darmanin en Tunisie en novembre 2020.

Un facteur de plus affectant l’efficacité des retours, selon les sources d’Europe 1, est la hausse du nombre d’étudiants étrangers qui souvent ne veulent pas quitter la France à la fin de leurs études. Si la proportion de cette catégorie d’immigrés s’est stabilisée aux alentours de 30%, les totaux des sésames obtenus pour ce motif ont grimpé de 73.644 en 2016 jusqu’à 90.336 en 2019.

​Pour ce qui est la porosité des frontières nationales, les conseillers qui se sont exprimés au micro d’Europe 1 constatent que, dans cette situation, l’augmentation des effectifs de la police aux frontières (DCPAF) et une impulsion de la France, lors de sa présidence de l’Union européenne en 2022, de durcir encore plus le code frontières Schengen seraient pertinentes et justifiées.

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