Est-il possible de rééduquer les «enfants-Mowgli», élevés par des animaux?

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Les enfants qui ont été éduqués par des animaux ou ont été isolés de force du monde des hommes ne savent pas marcher, ne parlent pas et craignent les humains. Les scientifiques supposent qu'en dehors de la société, le cerveau de l'enfant se développe de manière incorrecte.

Voici les histoires les plus connues d'enfants souffrant du syndrome de Mowgli.

Le petit sauvage de l'Aveyron

Le premier «Mowgli» étudié en détail par les chercheurs fut un enfant français retrouvé dans le département de l'Aveyron. Le jeune médecin Jean-Marc Itard, qui avait décidé de lui apprendre à parler, avait appelé ce garçon Victor.

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L'enfant avait été aperçu pour la première fois sans vêtements, sale et avec des cicatrices, en 1794 près de la rivière Aveyron, dans la forêt de Saint-Sernin-sur-Rance. Il a finalement été capturé en 1797. Le garçon devait avoir entre 10 et 12 ans. Il ne savait pas parler mais rugissait, mangeait des légumes crus, des baies et des racines, se déplaçait à quatre pattes — bref, il se comportait comme un animal sauvage.

Selon les observations des scientifiques — sachant que pratiquement tous les grands chercheurs du début du XIXe siècle se sont intéressés à Victor — l'enfant était insensible aux températures basses et élevées, possédait un odorat et une ouïe plus développés que les gens ordinaires, et refusait de porter des vêtements. Victor est décédé à l'âge de 40 ans. A cet âge-là, il n'avait appris à dire que «lait» et «mon Dieu». Certains spécialistes avaient remarqué qu'il comprenait plus ou moins la parole humaine.

Une enfance solitaire

Certains spécialistes contemporains, notamment le médecin français Serge Aroles et le chercheur américain Roger Shattuck, supposent que Victor de l'Aveyron était autiste et n'aurait pas réussi à survivre longtemps dans la nature sauvage. Selon eux, tous ses problèmes psychiques et l'impossibilité de s'intégrer à la société étaient innés et non dus à sa vie en solitaire dans la nature sauvage.

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Néanmoins, l'âge de Victor — or selon les témoignages il a été découvert à la puberté — concorde avec la théorie de la période critique, après laquelle l'homme n'est plus capable d'assimiler la parole. Le chercheur américain Steven Pinker, dans son livre L'instinct du langage, écrit que «la maîtrise normale de la langue est garantie aux enfants jusqu'à l'âge de six ans, et à partir de là elle est de plus en plus difficile jusqu'à la puberté, après quoi elle ne peut être acquise que très rarement».

L'hypothèse de Pinker est confirmée par l'histoire de la fillette Genie, datant de la seconde moitié du XXe siècle. Contrairement à Victor, elle vivait dans une maison ordinaire avec ses parents et son frère aîné. Sauf que dès son plus jeune âge, son père l'isolait dans une chambre à part. La journée, elle restait attachée à une chaise, et la nuit, enveloppée dans une camisole artisanale, elle était placée dans une cage en fer.

Il était interdit à Genie de communiquer avec sa mère et son frère. Son père ne lui parlait pas non plus, il ne faisait qu'aboyer et rugir. Quand la mère a réussi à fuir la maison avec ses enfants, la fillette avait déjà 12 ans. Elle connaissait seulement trois phrases: no more (ça suffit), stop it (arrête) et sorry (pardon). Elle ne savait pas marcher normalement, ne comprenait pas ce qu'on lui disait et avait peur de la lumière vive.

Genie a eu plus de chance que Victor, au moins parce qu'elle vivait au XXe siècle. Les spécialistes qui s'occupaient d'elle ont réussi à lui faire comprendre la parole et à ne plus craindre les êtres humains. Mais elle ne maîtrisait la langue qu'au niveau le plus élémentaire — elle ne comprenait ni les mots compliqués ni la grammaire, et ne pouvait pas lier plusieurs mots pour former des phrases sensées.

Élevée par des chiens

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L'«enfant-Mowgli» ukrainienne Oksana Malaïa a réussi à apprendre la langue, mais parce qu'elle n'avait jamais été entièrement isolée des hommes, bien qu'elle leur ait préféré la compagnie des chiens. Oksana est née en 1983 dans une famille d'alcooliques et, pendant les premières années de sa vie, passait plus souvent la nuit dans la niche du chien que dans la maison de ses parents. Puis elle a été retirée de sa famille et placée dans un orphelinat, où ses véritables amis étaient les chiens errants des environs.

Quand les adultes ont enfin prêté attention à Oksana, elle était déjà un membre à part entière de la meute de chiens. La fillette courait à quatre pattes, grognait et aboyait, mordait, buvait dans une gamelle et n'appréciait pas les gens. Les spécialistes de l'orphelinat d'Odessa pour les enfants déviants, où Oksana a été placée après l'orphelinat, ont réussi à lui apprendre à parler, à écrire et à compter. Elle a acquis les connaissances nécessaires pour être autonome mais, en cas d'excitation émotionnelle, elle pouvait à nouveau se comporter comme un chien — aboyer et même mordre.

Actuellement, Oksana vit dans un internat psycho-neurologique pour adultes, elle y prend soin des animaux et mène une vie plus ou moins normale.

Des enfants-animaux

La fillette russe Natacha Mikhaïlova, de Tchita, a également été élevée par des animaux — des chats et des chiens — pendant les cinq premières années de sa vie. Pendant tout ce temps, elle n'est jamais sortie à l'extérieur. Vivant dans un appartement avec son père, sa grand-mère et son grand-père, la fillette ne parlait pratiquement pas mais comprenait la parole humaine. A cinq ans, Natacha semblait en avoir deux ou trois, ne savait pas tenir une cuillère et mangeait sa nourriture directement dans l'assiette. Elle a accueilli les agents de tutelle venus la retirer à sa famille en 2009 en les attaquant et en aboyant comme un chien.

Vadik Tourbine, 4 ans, découvert en 2009 à Voronej, se comportait de la même manière. Il ne savait pratiquement pas parler et ne prononçait distinctement que quelques gros mots. Par contre, le garçon avait entièrement assimilé le comportement des chiens: il se déplaçait à quatre pattes, montrait les dents, griffait, aboyait et mordait.

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Ces enfants, comme l'Ukrainienne Oksana Malaïa, ont toutes les chances de maîtriser le langage humain. Selon les neurophysiologistes de l'école de médecine de Harvard, en faisant revenir l'enfant dans des conditions normales avant un certain âge, il pourra vivre une vie ordinaire, même si quelques problèmes pourraient survenir. Mais si l'isolement social perdure, le cerveau commence à subir des changements qui risquent d'entraîner des maladies psychiques et neurodégénératives.

Des biologistes ont mené des expériences sur des animaux. Ils ont pris plusieurs souris femelles enceintes, ont attendu la naissance des petits avant de placer ces derniers dans des cages séparées. Deux semaines plus tard, les biologistes ont comparé le cerveau des rongeurs qui avaient grandi à côté de leurs parents et de ceux qui vivaient totalement isolés de leurs proches. La plus grande différence était constatée dans le fonctionnement des cellules auxiliaires sécrétant une substance spéciale, la myéline, nécessaire pour l'isolation mécanique et électrique des neurones, et dont l'insuffisance pourrait entraîner de lourdes conséquences — allant jusqu'aux troubles psychiques graves.

La quantité de myéline dans le cerveau des souris isolées était bien moindre par rapport aux rongeurs normaux. D'après les biologistes, ces anomalies dans la production de myéline étaient permanentes si l'animal se retrouvait isolé entre les 21e et 35e jours de sa vie — période à laquelle se développent les zones du cerveau liées à la vie sociale des rongeurs. Les biologistes ont supposé que des processus identiques étaient à l'œuvre pendant le développement des enfants-Mowgli, qui passent les premières années de leur vie complètement isolés des hommes.

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