L'Ukraine sera la principale victime en cas d'élargissement de l'OTAN à l'Est (Rossiïskaïa gazeta)

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MOSCOU, 8 février - RIA Novosti. Ayant pratiquement épuisé ses ressources en matière d'élargissement, l'OTAN avait enfin décidé de dépasser pour de bon sa zone de responsabilité en s'attelant à stabiliser l'Afghanistan. Différentes voix s'étaient alors élevées au sein de l'Alliance, mettant en garde contre un danger pour l'organisation elle-même en cas d'échec. Et, en effet, l'OTAN a commencé à échouer en Afghanistan. Cela peut expliquer qu'une nouvelle vague d'élargissement soit aujourd'hui d'actualité, lit-on vendredi dans le quotidien Rossiïskaïa gazeta.

La question d'une admission accélérée de l'Ukraine à l'OTAN a été examinée il y a deux ans à Washington, mais ce scénario n'a pas été mis en oeuvre. A présent, il semble qu'on y revienne. Mais l'adhésion de Kiev au Plan d'action pour l'adhésion à l'OTAN (MAP) n'aura probablement pas lieu en avril à Bucarest.

Je ne crois pas que nos pays voisins membres de l'OTAN tentent à nouveau de persuader la Russie, comme précédemment, que l'élargissement est bénéfique et qu'il peut même lui être utile. On ne peut, sans rire amèrement, se souvenir des promesses selon lesquelles le rapprochement de l'OTAN, "zone de stabilité et de démocratie", des frontières de la Russie renforcerait les tendances démocratiques dans notre pays.

L'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine obligera celle-ci à tracer une frontière réelle avec la Russie. La démarcation de la frontière sur le terrain (à la différence de sa délimitation sur la carte) suscitera inévitablement des dizaines de litiges concernant des collines, ravins et forêts historiquement rattachés à l'un ou l'autre côté. Ces conditions sont propices à des conflits militaires. En fait, un "arc conflictuel" s'étendant sur des milliers de kilomètres sera artificiellement créé au centre géographique de l'Europe, et alimentera la tension durant des décennies.

La séparation douloureuse de Moscou et de Kiev renforcera les positions des personnes, aujourd'hui peu nombreuses en Russie, enclines à apporter leur concours à la scission de l'Ukraine et à l'instabilité dans ce pays. Les raisons de soutenir tous les adversaires des Etats-Unis et de l'Occident sur les problèmes les plus douloureux pour eux se renforceront considérablement. Le terrain de la coopération possible et nécessaire se réduira notablement.

C'est l'Ukraine qui en pâtira le plus. Elle pourrait se transformer en "chair à canon" dans le contexte d'une nouvelle crise politique et, peut-être, militaro-politique. Elle sera déchirée, et son économie s'affaiblira.

Ayant à faire face à une nouvelle crise rappelant celle de la Yougoslavie (espérons qu'elle ne sera pas trop sanglante), l'Europe pourra tirer un trait sur ses espoirs de devenir une force mondiale de premier plan dans le futur.

Les Etats-Unis pourront tenter de profiter seuls, dans un premier temps, de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine, en affaiblissant l'Europe et en créant des problèmes pour la Russie. D'ailleurs, ce serait une victoire à la Pyrrhus, car Washington n'aura alors plus d'alliés efficaces dans la lutte contre les défis qui sont effectivement dangereux. Par conséquent, tout le monde y perdra.

Auteur: Sergueï Karaganov, président du présidium du Conseil pour la politique étrangère et militaire.

Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.

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