Mistral: la rupture du contrat ne nuirait qu'à la France (expert)

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La France a menacé de suspendre la livraison du BPC Mistral à la Russie, ce qui pourrait lui coûter sa réputation de partenaire militaro-industriel fiable et lui valoir une immense pénalité. De plus, des centaines d'employés dans cette industrie seraient touchés. Tout en sachant que cette décision n'aura aucune incidence sur la capacité défensive de la Russie selon les experts militaires.

La France a de nouveau menacé mercredi de suspendre la livraison des bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral à la Russie sur fond de crise ukrainienne – la partie française affirme que des Russes y sont impliqués.

Plus tard, un porte-parole de l'Elysée a expliqué à RIA Novosti que la livraison du BPC n'avait pas été juridiquement suspendue: le président français a uniquement fait connaître sa position politique, selon laquelle il n'approuvait pas la livraison du navire en novembre si la situation en Ukraine ne s'améliorait pas.

La porte-parole adjointe du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a réagi sur sa page Facebook: "La réputation de la France en tant que partenaire fiable a été jetée dans le feu des ambitions politiques américaines". Les experts militaires russes estiment que cette décision n'aura pas de répercussions sur les capacités défensives de la marine russe et pourrait coûter à la France entre 3 et 10 milliards d'euros.

Des perspectives "réjouissantes"

"La déclaration de François Hollande sur une éventuelle suspension ou un refus de remplir le contrat pour la livraison à la Russie du premier porte-hélicoptères Mistral est une grave atteinte à l'industrie du pays et pourrait saper le crédit de confiance à l'égard du complexe militaro-industriel français", estime l'expert en macroéconomie et en géopolitique Jacques Sapir, directeur de recherche à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et président du Centre d'Etudes des Modes d'Industrialisation (CEMI).

D'après lui, un refus de remplir le contrat dans les délais serait une catastrophe pour l'industrie nationale. "Qui ferait confiance à la France après cela? Sachant qu'elle devrait alors rembourser les millions d'euros versés par la Russie après la rupture du contrat, sans compter les pénalités. Par ses actes irréfléchis, François Hollande fait énormément de tort à l'industrie française. Les employés de l'industrie navale s'en rappelleront", a déclaré Jacques Sapir à RIA Novosti.

Hormis ce coup à la confiance des alliés envers la France, ces démarches pourraient nuire aux centaines d'employés qui travaillent sur le chantier, cite jeudi Le Point Jean-Marc Perez, secrétaire adjoint du syndicat Force ouvrière des chantiers STX de Saint-Nazaire.

"Il s'agit d'une décision consternante et scandaleuse. Si elle était mise en œuvre, des centaines d'employés se retrouveraient confrontés à des difficultés aussi bien avec STX directement qu'avec les sous-traitants. C'est inadmissible et intolérable", estime Jean-Marc Perez.

La réaction russe

Le ministère russe des Affaires étrangères ne s'empresse pas de réagir. Mais immédiatement après les déclarations françaises la porte-parole adjointe de la diplomatie russe Maria Zakharova a exprimé son point de vue sur Facebook.

"La réputation de la France en tant que partenaire fiable et remplissant ses obligations contractuelles a été jetée dans le feu des ambitions politiques américaines. Où est passée l'époque où Paris ne cédait pas à la pression des USA, par exemple sur l'Irak?", écrit-elle.

L'avis des experts militaires

Les analystes militaires russes estiment que le refus de la France de livrer les Mistrals à la Russie n'aurait pas d'impact sur les capacités défensives de la marine russe. Tout en sachant que la pénalité à verser en cas de rupture du contrat pourrait s'élever jusqu'à 10 milliards d'euros.

Cette somme a été énoncée par le capitaine de vaisseau Mikhaïl Nenachev, président du Mouvement russe de soutien à la flotte. "Le montant de la pénalité est inscrit dans le contrat et sera déterminé en fonction des circonstances. Le chiffre varie entre 3 et 10 milliards d'euros", a déclaré Mikhaïl Nenachev à RIA Novosti.

Pour sa part, le chef de la commission pour la défense à la Douma (chambre basse du parlement russe) Vladimir Komoïedov, ex-commandant de la flotte de la mer Noire, estime que la capacité défensive de la Marine russe ne serait pas affectée par un refus de la France de livrer les BPC, qu'il compare à des "boîtes de conserve" sur l'eau.

"Cela n'impacterait pas notre capacité opérationnelle car la familiarisation avec cette boîte de conserve demandera beaucoup de temps. Elle ne disposera certainement pas de système de contrôle et en principe, nous n'avons pas besoin de bâtiment embarquant des hélicoptères", a-t-il déclaré à RIA Novosti.

Le directeur du Centre d'analyse du commerce mondial des armes Igor Korottchenko perçoit dans cette décision de la France non pas une question de principe, mais uniquement une absence d'autonomie.

"La France a montré qu'elle était incapable de mener sa politique comme un pays européen indépendant, membre du club nucléaire et ayant du poids politique. Cette décision française est forcée, elle met en évidence l'incapacité de Paris à prendre des décisions militaires et politiques cruciales", a-t-il déclaré à RIA Novosti.

Le contrat pour la fourniture de deux BPC a été signé entre la société française DCNS et l'agence russe d'exportation d'armements Rosoboronexport en 2011 pour 1,2 milliard d'euros. Le premier BPC Vladivostok devrait entrer en service au sein de la marine russe en 2014. Le second – Sébastopol – en 2015.

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