Aux USA, les pilotes de drones quittent l'armée de l'air en masse

© AP Photo / Kirsty WigglesworthPredator drone
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Les pilotes de drones américains commencent à avoir le sentiment de faire partie d'une "légion de la mort" et quittent leur poste en nombre, écrit la revue analytique Tom Dispatch.

Les "guerres de drones" de Washington au Moyen-Orient et en Afrique n'échouent pas seulement à cause des opérations ratées, mais aussi car ceux qui pilotent ces drones à distance "désertent" en nombre, écrit le site Tom Dispatch.

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La revue commence par rappeler que l'armée de l'air américaine compte près de mille opérateurs de drones, et que 180 personnes terminent chaque année des formations sur les bases américaines au Nouveau-Mexique et au Texas. Les statistiques montrent également qu'en douze mois, près de 240 pilotes formés avaient quitté l'armée de l'air, et ce phénomène reste inexpliqué pour l'instant. Dans le cadre du programme de la CIA pour l'utilisation des drones, ces derniers sont commandés en général par des pilotes d'autres unités de l'armée de l'air à cause du taux extrêmement élevé de "désertion" des opérateurs des programmes en question.

"Le nombre optimal de pilotes formés est d'environ 1 700 hommes. Mais il est rare que ce chiffre arrive à la barre des mille en raison du nombre croissant de militaires qui quittent ce service. L'armée de l'air américaine doit recourir aux réservistes, aux pilotes de lignes régulières et de marchandises. Tout cela pour satisfaire la volonté inépuisable du Pentagone de suivre en permanence le monde entier en temps réel."

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En théorie, selon l'article, le travail des pilotes de drones n'est pas "salissant", surtout par rapport à leurs collègues opérationnels de l'armée de l'air: la vie de ces "techno-guerriers" d'un nouveau genre ressemble à celle des employés de bureau normaux. Ils passent la plupart de leur journée devant un écran avec un levier entre les mains, comme des amateurs de jeux vidéo. Le plus souvent ils "survolent" l'Afghanistan et l'Irak, leur mission consiste à recueillir des renseignements depuis les airs et à appuyer les soldats américains au sol. Les meilleurs opérateurs sont habilités à participer aux "opérations punitives" de la CIA au Pakistan, en Somalie et au Yémen pour éliminer des "cibles de haute importance" depuis les airs. A l'issue de leur journée de travail, les pilotes rentrent à la maison pour passer du temps avec leur famille.

"Le commandement de l'armée de l'air américaine a trouvé la plus simple des explications à ce grand nombre de "déserteurs": le surmenage. Les opérateurs ressentiraient également un sentiment d'infériorité par rapport aux pilotes qui sillonnent le ciel. Beaucoup sont d'avis que les horreurs de la guerre visionnées chaque jour sur leurs écrans provoquent une nouvelle forme de troubles de stress post-traumatique (TSPT)", écrit Tom Dispatch. Il est également possible que ce type complètement nouveau de combat à distance engendre de nouveaux types de traumas psychiques, que les pilotes se sentent également lâches, ressentant le caractère "malsain" de la guerre derrière un écran et en toute sécurité, à très grande distance des victimes potentielles. Quoi qu'il en soit, les conséquences de telles opérations sur la psychologie humaine restent encore un mystère pour les spécialistes.

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"Il est terrible de comprendre à quel point ce processus est simple. Je me suis senti lâche parce que j'étais pratiquement à l'autre bout du monde, et que ces gens (probablement des victimes innocentes parmi la population civile) n'avaient aucune idée que j'étais toujours à proximité. Comme si j'avais été engagé par la légion de la mort", reconnaît un ex-opérateur de drone pour le quotidien britannique The Guardian.

Une chose est sûre, écrit Tom Dispatch, les acteurs des "guerres de drones" ne tuent pas toujours des "méchants": dans le périmètre de l'objectif se trouvent des femmes et des enfants, dont les silhouettes sont à peine perceptibles depuis les airs. Ainsi, le quotidien LA Times a mis la main sur une conversation d'opérateurs révélant qu'une attaque aérienne contre un site où se trouvait supposément un chef taliban avait fait plusieurs morts. Il s'est avéré après la vérification au sol qu'il n'y avait aucun militaire parmi les victimes — uniquement des civils. L'administration Obama affirme, évidemment, que de tels cas sont très rares, mais d'après l'ONG britannique Reprieve, 76 enfants et 29 adultes sont morts après deux attaques contre le leader d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, qui n'ont pas pour autant permis de l'éliminer. De plus, 41 sujets de la liste américaine sont marqués comme "hors d'atteinte", tandis que près de 1 147 personnes ont été tuées lors des attaques aériennes au Pakistan. On se demande alors qui sont ces victimes si les objectifs n'ont pas été atteints.

"Depuis la guerre civile aux USA, chaque opération militaire d'un "nouveau type" engendre des troubles psychologiques et diverses déformations mentales, regroupés sous la dénomination de "syndrome post-traumatique". Il serait étrange que les "guerres de drones" n'engendrent pas elles aussi de nouvelles formes de pathologies. Il est difficile de dire quelles en seront les conséquences, mais sur le "corps" de ce conflit — lissé, mécanisé, dépourvu de tout hasard, dont la Maison blanche et Langley sont si fiers — on perçoit déjà des traces de maladie. Si les pilotes eux-mêmes fuient ces "meurtres de bureau", quelle sera la longévité d'un tel mécanisme de guerre?", conclut Tom Dispatch.

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