Radicalisation islamique : les mineurs de plus en plus concernés

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En un an, le nombre de mineurs mis en examen dans des dossiers de terrorisme en France a presque été multiplié par quatre, passant de 13 à 51. Parmi eux, 20 feraient partie des 693 Français identifiés comme combattant dans les rangs de « Daech ». Comment expliquer cette recrudescence des cas de radicalisation chez les jeunes ?

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Les mineurs seraient-ils de plus en plus concernés par le phénomène de radicalisation islamique en France? C'est l'une des conclusions que l'on peut tirer des chiffres communiqués lundi 23 janvier par le procureur de la République de Paris, François Molins. Des chiffres qui interpellent. Près de 51 mineurs auraient ainsi été mis en examen dans des dossiers de terrorisme en France en 2016, c'est presque quatre fois plus qu'en 2015 où on en dénombrait « que » 13.

Des chiffres loin d'être anecdotiques. Pour une dizaine d'entre eux, ces nouveaux inculpés présentent une similitude inquiétante: être en contact avec Rachid Kassim, un djihadiste français d'origines algéro-yéménite qui — via la messagerie cryptée Telegram — incitait ces adolescents à passer à l'acte sur le territoire national. Ce fut notamment le cas, lorsqu'en septembre dernier, trois mineurs avaient été interpellés en moins d'une semaine, soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat en France.

Des chiffres d'autant moins anecdotiques qu'on parle bien ici de « mineurs », c'est-à-dire d'individus jugés pas assez mûrs pour voter ou même pour répondre pleinement de leurs actes devant la Justice, mais qui pourtant présentent toutes les caractéristiques du djihadiste en herbe et même en puissance: sur ces 51 mineurs inculpés, pas moins de 20 combattent actuellement dans les rangs de « Daech ». 20 adolescents, parmi les 693 Français aujourd'hui identifiés comme combattants dans les rangs de l'organisation terroriste entre l'Irak et la Syrie.

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« Des chiffres qui nous mettent en alerte » contre un mal « structurel » estime le sociologue Jean Claude Felix-Tchicaya — chercheur à l'Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) — qui pour répondre aux problématiques de l'embrigadement des jeunes par des recruteurs et de la radicalisation islamique en général, préconise une meilleure formation des adultes amenés à être en contact avec cette frange de la population dont il est ici question: « tous ceux qui peu ou prou peuvent déceler ou non cette radicalisation qui devient structurelle dans notre société, sans vouloir faire peur. »

Il appelle les autorités à prendre la « juste proportion de ce phénomène » sans tomber dans les déclarations contre-productives. Dans une société qui se sur équipe, dans une optique uniquement sécuritaire, il appelle à donner plus de moyens à la société civile, afin qu'elle fasse plus attention à elle-même et qu'elle puisse « mieux appréhender ce type de difficultés. »

Si l'amélioration des moyens de détection, tant techniques qu'humains, explique en partie cette augmentation des mises en examen, pour Jean-Claude Felix-Tchicaya, cette augmentation est également symptomatique du « raidissement structurel » de notre société, d'« une tension qui ne dit pas son nom ». Il évoque « une vision du monde qui est en train muter et de se durcir parce que nous sommes dans un monde qui se durcit ». Pour comprendre ce phénomène, il ne faut pas selon lui se contenter de revenir aux années 2000, même si le phénomène a pris de la vitesse depuis l'avènement des « générations 2.0 ».​

« Il y a bien deux décennies que j'assiste avec d'autres à un raidissement de notre société et notamment aux idées extrémistes, en tout cas qui se radicalisent depuis le début des années 90 en France et ailleurs, mais si on reste que dans notre géographie nationale cela n'a fait que monter et se multiplier… »

À l'occasion de l'audience de rentrée du tribunal de grande instance de Paris, le procureur a tenu à distinguer deux profils parmi ces jeunes radicalisés: ceux partis faire le djihad et ceux qui n'ont pas pu s'envoler pour la Syrie ou l'Irak et qui auraient « des projets d'action violente sur le territoire national ».

« Attention aussi, jeunes et moins jeunes, ne sont pas seulement des victimes de ce phénomène. Ils sont aussi des agents, des acteurs, des auteurs, des coproducteurs malheureusement de ce phénomène et adhèrent à cette idée. »

Les autorités françaises n'ont-elles pas trop tardé à prendre la pleine mesure de la menace djihadiste, aussi bien à l'étranger que sur le sol national? Cela ne fait pas de doute pour Jean Claude Felix-Tchicaya:

« Bien sûr, sur le plan de la géopolitique intérieure et extérieure, sur ce phénomène, il faut savoir qu'il y a eu un retard à l'allumage. Maintenant, il ne s'agit pas de revenir sur le passé, on ne peut pas le changer, mais il va falloir qu'on accélère en tout cas et qu'on se passe de mots et qu'on soit vraiment à travailler, aussi bien à l'intérieur de notre géographie nationale et supranationale — je parle de l'Europe —, qu'à l'extérieure. »

Au-delà de cette mauvaise appréhension, certaines prises de positions des gouvernements successifs sur des dossiers de politique étrangère n'ont-elles pas été également préjudiciables?

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Que penser de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, qui déclarait en décembre 2012, non loin de la frontière turco-syrienne « Le Front Al-Nosra fait du bon boulot ». Des déclarations à « l'emporte-pièce » serait tenté de juger Jean-Claude Felix-Tchicaya, mais pour lui la situation est trop grave. Il regrette que de telles paroles aient pu être proférées par un homme d'État.

« Sur le plan diplomatique et politique, c'étaient des déclarations lourdes de conséquences, où on voulait minorer — on n'avait pas analysé avec assez de précision, ou parfois les agendas politiques voulaient faire la démonstration que chacun des gouvernements successifs avait une certaine maîtrise de cette problématique intérieure et extérieure. Force est de constater que ce n'était pas le cas. »

Parmi les 51 mineurs mis en examen, 20 font partie des 693 Français actuellement en Syrie ou en Irak aux côtés de Daech. Et comme le souligne le procureur Molins, si Daech est affaibli, « le jour viendra où nous devrons faire face au retour des survivants ».

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