Dans une interview à Sputnik, le politologue macédonien Branko Djordjevski fait remarquer que l'Occident tente par tous les moyens de remplacer Gruevski puisqu'il a besoin de dirigeants « dociles ». En faisant pression sur la Macédoine, les pays occidentaux cherchent en outre à éviter la propagation de l'influence russe dans les Balkans, estime le politologue.
Le politologue serbe Dragomir Andjelkovic est du même avis. Tout pays souhaitant développer un dialogue constructif avec la Russie pose un problème à cet Occident conventionnel, dit le politologue. Gruevski est tombé en disgrâce après avoir décidé d'intensifier la coopération entre la Russie et la Macédoine dans le domaine de l'énergie.
« Lorsque Gruevski a compris que le gazoduc russe passant par le territoire de la Macédoine revêtait une importance cruciale pour le développement du pays et que la Macédoine devait participer au projet Turkish Stream ou à la version renouvelée de South Stream, le processus de son renversement a été lancé: il y a eu des affrontements entre les combattants albanais et les forces du ministère de l'Intérieur à Koumanovo, il y a eu d'importants financements qui ont été injectés dans l'opposition, après quoi la cote de popularité de Zaev s'est rapprochée de celle de Gruevski alors qu'il y a peu, ce leadeur d'opposition ne bénéficiait pas d'un large soutien de la part de la population macédonienne. »
Le président du Parti démocrate de Serbie en Macédoine Ivan Stoilkovic explique à Sputnik que l'Occident se sert du facteur albanais pour exercer une influence directe sur ce qui se passe dans le pays:
Même si Gruevski et Zaev militent tous deux pour l'adhésion à l'UE et à l'Otan, Zaev ne connait pas de limites et ne prend pas en compte les principaux intérêts de la Macédoine, explique Stoilkovic.
« Gruevski et le VMRO-DPMNE ont pu surmonter la pression et n'ont pas adopté de sanctions contre la Russie. Le gouvernement Gruevski n'avait aucun préjugé idéologique lorsqu'il s'agissait de la coopération économique avec la Russie, la Chine ou d'autres partenaires orientaux », confie notre interlocuteur.
Le fait que la Macédoine a augmenté ses exportations vers la Russie de 39,5 % l'année dernière (par rapport à l'année 2015), selon les données de la Chambre macédo-russe de commerce et d'industrie, est très révélateur.
Le politologue serbe Aleksandar Pavic considère à son tour que le facteur albanais est utilisé en Macédoine pour faire échec à la mise en œuvre des projets communs avec la Russie mais aussi avec d'autres adversaires géopolitiques des États-Unis. S'est ainsi retrouvé dans le collimateur le projet de la Chine de construire une ligne ferroviaire express entre Thessalonique et Budapest.
Le spécialiste russe des Balkans Alexandre Safonov dit que les Albanais sont traditionnellement loyaux à l'égard de l'Otan: premièrement à cause de l'aide de l'Alliance lors de la création de la « république du Kosovo », autoproclamée, dont l'existence aurait été impossible sans les bombardements de l'Otan; deuxièmement pour une raison très simple, à savoir l'appartenance de l'Albanie à l'Otan. Il est donc logique de se servir de cet instrument pour élargir la zone d'influence de l'Alliance atlantique.
« C'est au Monténégro que cela est le plus visible. Là-bas c'est la minorité albanaise qui est devenue l'allié le plus important de Dukanovic dans le rapprochement du pays de l'Otan. C'est que pour les Albanais l'intégration à l'Alliance est une possibilité d'effacer d'une nouvelle façon les frontières entre les États où ils vivent », explique Safonov.
Quant au Kosovo autoproclamé, le mot « russe » est depuis longtemps devenu synonyme du mot « négatif » dans le discours des hommes politiques kosovars. Les autorités de la république accusent Moscou d'élaborer un projet d'éclatement du Kosovo à l'instar de la Crimée et d'armer la Serbie en compromettant la sécurité de la région. Bref, on connaît la chanson: « C'est la Russie qui est derrière tout ça ». Du reste, Pristina pousse parfois le bouchon trop loin en se ridiculisant.
L'idée de l'intégration économique et de la mise en place du marché commun à l'ouest des Balkans, explicitée récemment par le Premier ministre serbe Vucic et soutenue par le commissaire européen Johannes Hahn, a suscité une réaction négative de la part des dirigeants du Kosovo. Le ministre kosovar des Affaires étrangères Enver Hoxhaj a même qualifié cette idée de « pro-russe et allant à l'encontre des idées européennes » bien que Hahn ait justement parlé de l'importance de l'intégration économique des pays de la région en vue de leur adhésion à l'UE.
En commentant cette déclaration du chef de la diplomatie de Pristina, le politologue kosovar Nexhmedin Spahiu explique à Sputnik que les hommes politiques du Kosovo ont organisé un concours de génuflexion devant l'Occident.
« Ils essayent de faire plaisir à l'Occident en "s'indignant" contre la Russie, mais ce n'est pas intelligent. L'idée du Premier ministre Vucic peut plaire aux uns et ne pas plaire aux autres, mais elle suit l'esprit des intégrations européennes. Les hommes politiques kosovars ont plus tendance à prendre des poses patriotiques qu'à réaliser des choses patriotiques en promouvant par exemple une politique de bon voisinage », confie notre interlocuteur. Et d'ajouter que ses propos ne devaient pas être compris comme une expression de sympathie ou d'antipathie envers la Russie et qu'il ne faisait que tirer des conclusions en s'appuyant sur des faits existants.