Le facteur albanais en Macédoine et dans les Balkans utilisé contre la Russie

© REUTERS / Ognen TeofilovskiLa crise politique en Macédoine
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Le facteur albanais sert depuis longtemps à la réalisation des intérêts occidentaux dans les Balkans : c’était le cas en 1999 lors des frappes en Yougoslavie, c’est le cas aujourd’hui quand il est utilisé pour expliquer à la Macédoine ce qui doit être son choix et qui doit la gouverner.

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La crise politique a éclaté en Macédoine en décembre dernier. Malgré la victoire aux élections législatives extraordinaires du VMRO-DPMNE, parti du Premier ministre Nikola Gruevski, les pays occidentaux ont ouvertement soutenu le leadeur du parti d'opposition SDSM de Zoran Zaev en s'ingérant ainsi dans les affaires intérieures d'un État souverain. Les représentants haut placés de l'UE et de l'Otan exigent que le Président macédonien Gjorge Ivanov confère le mandat de former le gouvernement à Zaev, qui a déjà promis aux partis albanais de mettre en œuvre ce qu'on appelle la « plateforme de Tirana » — un document élaboré, comme son nom l'indique, avec la participation des autorités du pays voisin et qui, selon le président Ivanov, menace l'intégrité territoriale de l'État et sape les fondements constitutionnels de la Macédoine.

Dans une interview à Sputnik, le politologue macédonien Branko Djordjevski fait remarquer que l'Occident tente par tous les moyens de remplacer Gruevski puisqu'il a besoin de dirigeants « dociles ». En faisant pression sur la Macédoine, les pays occidentaux cherchent en outre à éviter la propagation de l'influence russe dans les Balkans, estime le politologue.

Le politologue serbe Dragomir Andjelkovic est du même avis. Tout pays souhaitant développer un dialogue constructif avec la Russie pose un problème à cet Occident conventionnel, dit le politologue. Gruevski est tombé en disgrâce après avoir décidé d'intensifier la coopération entre la Russie et la Macédoine dans le domaine de l'énergie.

« Lorsque Gruevski a compris que le gazoduc russe passant par le territoire de la Macédoine revêtait une importance cruciale pour le développement du pays et que la Macédoine devait participer au projet Turkish Stream ou à la version renouvelée de South Stream, le processus de son renversement a été lancé: il y a eu des affrontements entre les combattants albanais et les forces du ministère de l'Intérieur à Koumanovo, il y a eu d'importants financements qui ont été injectés dans l'opposition, après quoi la cote de popularité de Zaev s'est rapprochée de celle de Gruevski alors qu'il y a peu, ce leadeur d'opposition ne bénéficiait pas d'un large soutien de la part de la population macédonienne. »

Le président du Parti démocrate de Serbie en Macédoine Ivan Stoilkovic explique à Sputnik que l'Occident se sert du facteur albanais pour exercer une influence directe sur ce qui se passe dans le pays:

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« Si l'on prend en compte le fait que l'UE et les restes de l'ancienne administration américaine insistent pour que le SDSM et Zoran Zaev forment un gouvernement qui comprendra presque tous les partis politiques albanais en Macédoine, on comprend qu'on essaye de mettre la politique macédonienne sous la coupe de ces partis albanais, ce qui jette la base de l'éloignement de la Macédoine de la Serbie et avec cela de l'évincement de la Russie, sachant que ces dernières années Moscou est devenu un important partenaire économique de Skopje », estime Stoilkovic, qui préside la commission parlementaire sur la coopération avec la Douma d'État, chambre basse du parlement russe.

Même si Gruevski et Zaev militent tous deux pour l'adhésion à l'UE et à l'Otan, Zaev ne connait pas de limites et ne prend pas en compte les principaux intérêts de la Macédoine, explique Stoilkovic.

« Gruevski et le VMRO-DPMNE ont pu surmonter la pression et n'ont pas adopté de sanctions contre la Russie. Le gouvernement Gruevski n'avait aucun préjugé idéologique lorsqu'il s'agissait de la coopération économique avec la Russie, la Chine ou d'autres partenaires orientaux », confie notre interlocuteur.

Le fait que la Macédoine a augmenté ses exportations vers la Russie de 39,5 % l'année dernière (par rapport à l'année 2015), selon les données de la Chambre macédo-russe de commerce et d'industrie, est très révélateur.

Le politologue serbe Aleksandar Pavic considère à son tour que le facteur albanais est utilisé en Macédoine pour faire échec à la mise en œuvre des projets communs avec la Russie mais aussi avec d'autres adversaires géopolitiques des États-Unis. S'est ainsi retrouvé dans le collimateur le projet de la Chine de construire une ligne ferroviaire express entre Thessalonique et Budapest.

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« L'instabilité en Macédoine passe l'éponge sur ces deux projets. L'Otan veut qu'en Macédoine soit formé au plus vite un gouvernement anti-macédonien et ce sont les Albanais qui garantissent la mise en œuvre des intérêts de ce Washington globaliste qui veut, tant qu'il n'est pas trop tard, mettre la nouvelle administration devant un fait accompli dans toutes les régions où cela est possible », explique Pavic.

Le spécialiste russe des Balkans Alexandre Safonov dit que les Albanais sont traditionnellement loyaux à l'égard de l'Otan: premièrement à cause de l'aide de l'Alliance lors de la création de la « république du Kosovo », autoproclamée, dont l'existence aurait été impossible sans les bombardements de l'Otan; deuxièmement pour une raison très simple, à savoir l'appartenance de l'Albanie à l'Otan. Il est donc logique de se servir de cet instrument pour élargir la zone d'influence de l'Alliance atlantique.

« C'est au Monténégro que cela est le plus visible. Là-bas c'est la minorité albanaise qui est devenue l'allié le plus important de Dukanovic dans le rapprochement du pays de l'Otan. C'est que pour les Albanais l'intégration à l'Alliance est une possibilité d'effacer d'une nouvelle façon les frontières entre les États où ils vivent », explique Safonov.

Quant au Kosovo autoproclamé, le mot « russe » est depuis longtemps devenu synonyme du mot « négatif » dans le discours des hommes politiques kosovars. Les autorités de la république accusent Moscou d'élaborer un projet d'éclatement du Kosovo à l'instar de la Crimée et d'armer la Serbie en compromettant la sécurité de la région. Bref, on connaît la chanson: « C'est la Russie qui est derrière tout ça ». Du reste, Pristina pousse parfois le bouchon trop loin en se ridiculisant.

L'idée de l'intégration économique et de la mise en place du marché commun à l'ouest des Balkans, explicitée récemment par le Premier ministre serbe Vucic et soutenue par le commissaire européen Johannes Hahn, a suscité une réaction négative de la part des dirigeants du Kosovo. Le ministre kosovar des Affaires étrangères Enver Hoxhaj a même qualifié cette idée de « pro-russe et allant à l'encontre des idées européennes » bien que Hahn ait justement parlé de l'importance de l'intégration économique des pays de la région en vue de leur adhésion à l'UE.

En commentant cette déclaration du chef de la diplomatie de Pristina, le politologue kosovar Nexhmedin Spahiu explique à Sputnik que les hommes politiques du Kosovo ont organisé un concours de génuflexion devant l'Occident.

« Ils essayent de faire plaisir à l'Occident en "s'indignant" contre la Russie, mais ce n'est pas intelligent. L'idée du Premier ministre Vucic peut plaire aux uns et ne pas plaire aux autres, mais elle suit l'esprit des intégrations européennes. Les hommes politiques kosovars ont plus tendance à prendre des poses patriotiques qu'à réaliser des choses patriotiques en promouvant par exemple une politique de bon voisinage », confie notre interlocuteur. Et d'ajouter que ses propos ne devaient pas être compris comme une expression de sympathie ou d'antipathie envers la Russie et qu'il ne faisait que tirer des conclusions en s'appuyant sur des faits existants.

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