Bandera, génocide et pogroms: l'Ukraine et la Pologne en plein désamour

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Le torchon brûle entre Kiev et Varsovie. Le ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski a déclaré que la Pologne n’admettrait pas l’intégration de l’Ukraine aux structures de l’UE car Kiev «glorifie le leader de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) Stepan Bandera».

«Notre message est très clair: vous n'entrerez pas dans l'Europe avec Bandera», a déclaré le chef de diplomatie. Markian Loubkivski, ex-conseiller du directeur du Service de sécurité d'Ukraine (SBU) et aujourd'hui ambassadeur d'Ukraine, a qualifié les revendications polonaises d'«inopportunes» et d'«inamicales», tout en exigeant des «explications» à l'ambassadeur polonais.

Le consulat assiégé

Les Polonais ont de quoi être indignés: les autorités de Kiev nomment des rues et organisent des festivités en hommage à Stepan Bandera et à Roman Choukhevitch alors même que Varsovie accuse ces derniers du génocide des Polonais pendant la Seconde Guerre mondiale. La chambre haute du parlement polonais a en effet qualifié de tel le massacre de Volhynie — l'extermination par les combattants de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) de la population civile polonaise au printemps-été 1943.

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De plus, l'Ukraine démantèle les monuments aux victimes de la terreur nazie. Par exemple, en janvier 2017, un monument aux Polonais tués par les SS de la division Galicie composée de nationalistes ukrainiens a été détruit dans la région de Lvov.

«Le monument a été endommagé suite à l'explosion d'un objet non identifié», a annoncé la direction générale de la police nationale de la région de Lvov. Plus tard, en mars, des vandales ont défiguré un monument au massacre des professeurs à Lvov. Plusieurs dizaines d'enseignants et de chercheurs avaient été exécutés à cet endroit par la Gestapo en 1941.

Aujourd'hui, le consulat général de Pologne à Lvov est de facto en état de siège: des explosions ont retenti sur le territoire du consulat, on y a jeté des pierres et des murs ont été tagués. Le consulat de Loutsk, centre administratif de la région de Volhynie, a été attaqué ce printemps au lance-roquettes. La Pologne avait alors suspendu pendant plusieurs jours le travail de tous ses consulats en Ukraine.

En janvier, l'Ukraine a refusé de laisser entrer sur son territoire le maire de la ville polonaise de Przemyśl, Robert Choma, qui comptait honorer l'invitation officielle du consulat de Lvov. L'interdiction de séjour de Robert Choma a provoqué un grand scandale, d'autant que pendant près d'une heure le fonctionnaire avait été retenu par les gardes-frontière sans aucune explication.

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Il s'agissait, de facto, d'un kidnapping. Kiev n'a fourni aucune explication sur cet incident.

Il s'agissait en réalité d'une «vengeance» pour le soutien que le maire avait affiché à l'action historique et de la marche en hommage aux volontaires polonais qui avaient combattu en 1918-1919 contre la république populaire d'Ukraine occidentale. Pendant cette manifestation, quelqu'un avait crié «Mort aux Ukrainiens» — et la foule l'avait soutenu.

«La Pologne aux Polonais»

Cette querelle concernant Bandera a coïncidé avec la demande polonaise adressée aux USA d'extrader un émigré ukrainien de 98 ans, considéré par le Parquet polonais comme un membre des troupes ukrainiennes punitives pronazies: Michael Karkoc, également connu comme Mikhaïl Karkots, qui a servi au grade de lieutenant pendant la Seconde Guerre mondiale au sein de la Légion ukrainienne d'autodéfense, a reçu la croix de fer nazie et a illégalement émigré aux USA après la guerre.

L'affaire Karkoc est pour Varsovie un prétexte très commode afin de faire pression sur l'Ukraine. Les USA, eux, joueront le rôle de médiateur. Le 5 juillet, le président américain Donald Trump est justement attendu en Pologne.

En dépit des divergences politiques et historiques, Kiev et Varsovie vont tout de même établir des liens pragmatiques dans l'économie. Récemment, le président du parlement ukrainien Andreï Paroubi a rencontré le maréchal de la Diète (chambre basse du parlement polonais) Marek Kuchciński. Ils ont convenu de la réalisation de plusieurs «projets d'infrastructure» conjoints. Toutefois, pour l'instant, il est plutôt question de bonnes intentions que de plans concrets.

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Pendant ce temps, les Ukrainiens sont les concurrents directs des Polonais sur le marché de la main d'œuvre. Avec l'adoption du régime sans visa pour l'Ukraine, cette tendance ne fera que se renforcer. Et si dans d'autres pays les Ukrainiens ne peuvent pas travailler sans visa, Varsovie a officiellement autorisé leur embauche — cela concerne les citoyens qui partent en Europe pendant une courte période, en particulier pour des travaux saisonniers. En parallèle, il existe également un marché noir où l'enregistrement officiel n'est pas nécessaire.

Les ouvriers ukrainiens sont prêts à travailler pour un salaire moins important et, par conséquent, exercent un dumping bénéfique pour les commerçants mais pas pour les employés polonais qui, au final, perdent leur emploi. De plus en plus souvent, cela entraîne des situations conflictuelles. Très récemment, un groupe de Polonais armés de battes et de barres de fer a attaqué près de Gdansk des travailleurs ukrainiens et leur famille, y compris des femmes et des enfants, en scandant «La Pologne aux Polonais». Dans la rixe plusieurs Ukrainiens ont été blessés, ainsi qu'un Polonais — le propriétaire de la compagnie qui employait des Ukrainiens.

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