«En réalité, il faut bien déceler les buts de la manœuvre, il s'agit pour le gouvernement turc de mettre les Européens face à leurs principes, au cœur de la capitale européenne. Le gouvernement turc joue en fait sur une double corde: la culpabilisation et la victimisation. La culpabilisation, c'est de dire aux Européens: comment vous qui êtes si sourcilleux en matière des droits de l'homme, avez-vous pu être si réservés dans vos condamnations lors du putsch de 15 juillet 2016? Et la victimisation, c'est grâce à ce boniment, de porter au pinacle, les 200 victimes civiles tuées lors de cette tentative de coup d'État et de relayer, le discours officiel qui tend à donner à l'Occident, à travers les États-Unis, une responsabilité dans la préparation de ce putsch.»
«Pour l'AKP, il s'agit de souder cette diaspora de plusieurs millions d'individus autour de l'idée de la notion de loyauté envers la mère patrie […] Le message est très simple: être fidèle à la Turquie, c'est être fidèle à Erdogan. Être fidèle à Erdogan, c'est être fidèle à la Turquie. Cela s'est vu particulièrement lors du référendum sur la refonte constitutionnelle au mois d'avril dernier, où les Turcs d'Europe ont, entre 60 et 80%, accordé leurs suffrages à ce projet. C'est ce qui a sans doute fait basculer le vote puisqu'en Turquie le résultat était beaucoup plus serré.»
L'AKP continue donc de séduire la grande majorité des Turcs d'Europe, ceux-ci étant particulièrement sensibles à l'idéologie du parti de Recep Tayyip Erdogan. Pour Tancrède Josseran, cela s'explique par les particularités sociales de cette diaspora:
«L'immigration turque depuis les années 60, 70, est une immigration qui vient principalement du plateau anatolien. C'est-à-dire, ceux que l'on appelle en Turquie, les Turcs noirs, qui sont plus conservateurs, plus nombreux, plus croyants et qui constituent le socle de tous les partis islamistes ou conservateurs en Turquie.»