Saint-Denis: un arsenal de guerre découvert dans un local à vélos

© AP Photo / Michel EulerPolice
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Trois pains de tolite, deux fusils à pompe et un lance-roquette: c’est une partie du butin des enquêteurs de la PJ de Saint-Denis lors de la perquisition d’un local à vélos dans la cité Jacques-Duclos. Une découverte inquiétante au vu de l’intérêt des organisations terroristes pour les délinquants et criminels des «banlieues difficiles».

Alors que tous les regards sont plus que jamais tournés vers la menace terroriste, les extrémistes religieux ne semblent pas être les seuls à s'armer en France. Selon le quotidien Le Parisien, un lance-roquettes a été saisi lors d'une perquisition menée jeudi 17 août dans un local à vélos de la cité Jacques Duclos à Saint Denis. Une partie commune d'un immeuble, transformée en cache d'armes, qui comprenait également deux fusils à pompe, des munitions ainsi que des explosifs. Une trouvaille de taille, dans un quartier dit «difficile», miné par le trafic de stupéfiants, qui n'étonne pas le criminologue Xavier Raufer:

«Cela fait 20 ans ou 30 ans que l'on trouve dans les quartiers hors contrôles, en France métropolitaine où la police ne pénètre qu'exceptionnellement, des armes de guerre, des munitions. Une fois, il y a près d'une décennie, on a trouvé douze lance-roquettes d'un seul coup — vous voyez que ce n'est pas une nouveauté — Bien entendu, […] ces armes sont en priorité destinées au banditisme, au grand banditisme.»

Plus récemment, lors d'un coup de filet à l'échelle nationale- suite aux attentats de Paris- un lance-roquette et des kalachnikovs avaient été retrouvé dans l'agglomération lyonnaise. Nous étions alors en novembre 2015. Au mois de mars de la même année, un lance-roquettes avait déjà été signalé à la police par des habitants du vieux Saint-Ouen. Le quartier était alors en proie à une flambée de violence, sur fond de dispute des points de vente de cannabis entre groupes rivaux. Malgré des recherches poussées de la police l'arme de guerre était restée introuvable, un journaliste du quotidien Le Monde relate «On fouille les fourrés, les caves, les gaines techniques de la cité, même la pelouse synthétique du terrain de foot est inspectée. Sans résultat.» Pour Xavier Raufer, après les Kalachnikov, les gangs de dealers semblent avoir trouvé une nouvelle arme de dissuasion…

«A une toute petite échelle, cela fonctionne dans ces cités-là comme la bombe atomique, à savoir qu'à partir du moment où une bande de cité possède dans une ville donnée une kalachnikov, ceux qui n'en possèdent pas sont menacés d'être évincés parce qu'ils n'ont pas la puissance militaire nécéssaire. Donc une kalachnikov signifie une deuxième, une troisième, une quatrième… et puis on ne sait jamais, on peut avoir envie de passer en première division et donc d'attaquer le fourgon de transport de fonds, etc. auquel cas le lance-roquette est pas mal, donc on s'équipe!»

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Une montée en gamme de l'arsenal des trafiquants de drogue pour le moins inquiétante. En effet, le criminologue souligne que les terroristes islamistes ont de plus en plus tendance à se tourner vers ces quartiers jugés «difficiles» afin d'étoffer leur vivier de jeunes candidats au djihad — et pas seulement pour renforcer leurs rangs en Irak ou en Syrie. Xavier Raufer rappelle les profils des auteurs des attentats qui ont secoué la France ces dernières années, à commencer par Mohammed Merah, dont le casier judiciaire était étoffé de pas moins de 18 faits de violence. Vols et agressions caractérisées, des crimes qui — comme le souligne le criminologue — devraient conduire leurs auteurs derrière les barreaux.

«On a affaire à des criminels et nul ne sait — en 2017 — si des gens qui possèdent des armes aujourd'hui en tant que bandits ne vont pas basculer demain dans le terrorisme et s'en servir pour leurs nouvelles activités, c'est ça le risque.»

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Des individus, plus connus pour leurs faits de violence que des signes de radicalisation, difficile de ne pas en imaginer les avantages. Quoi qu'il en soit, découvrir une arme anti-char dans les parties communes d'un immeuble pourrait paraitre pour certains quelque peu surprenant au vu du contexte dans lequel nous vivons. En effet, alors que le pays est placé sous Etat d'Urgence, un panel de lois renforçant les prérogatives des forces de l'ordre en matière d'antiterrorisme et de renseignement a été voté ces dernières années. Pour autant, difficile de parler d'un «tour de vis sécuritaire» pour Xavier Raufer:

«Il est purement sur le papier, vous avez un très joli et très ancien proverbe chinois qui dit "le mot chien ne mord pas". […] Vous prononcez "répression", c'est bien, mais cela n'arrive pas jusqu'au terrain, à savoir que comme les zones en question sont hors contrôle et que de-facto la plupart du temps,- d'ordinaire et la plupart du temps- la police n'y est pas, […] les voyous en question, les bandits en question, se moquent d'une répression qui pour eux est purement rhétorique et qu'ils ne voient pas arriver jusqu'au sol, jusque chez eux: c'est de la répression irénique si vous voulez, c'est quelque part dans le ciel pour eux.». Lundi 21 août, dans un communiqué de presse, Laurent Russier, maire communiste de Saint-Denis, s'est «félicité de l'action de la police» tout en fustigeant le manque de moyens policiers déployés par le Ministère de l'intérieur sur sa commune afin de définitivement «faire cesser les trafics illégaux de toutes sortes qui nuisent gravement à la vie des habitants», estimant ainsi les moyens alloués sont en inadéquation avec les objectifs. Pour Xavier Raufer, la responsabilité de la situation actuelle à Saint-Denis n'est pas uniquement imputable à la place Beauvau:

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«Le gouvernement français s'égare trop souvent dans des problèmes secondaires. Je rappelle que la notion de gouvernement dans un pays comme la France n'a pas été inventé pour fixer le salaire de nuit des infirmières ou le jour d'ouverture des soldes, mais pour une mission claire: «respecté à l'extérieur, en paix à l'intérieur», tant qu'il ne fait pas ça, il n'a rien fait. C'est la faute des gouvernements entiers, il n'y a pas que le ministère de l'intérieur, il y a la justice, le premier ministre, le Président qui au sommet fait des arbitrages pour savoir où doit aller l'argent, tous sont responsables de cette absence de sécurité.». Reste donc à savoir quelle stratégie globale adopteront nos autorités, tant face aux individus radicalisés qu'aux trafiquants qui gangrènent nos «banlieues difficiles.»

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