Angela Merkel durcit le ton vis-à-vis du projet d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne en appelant les autres pays-membres à s'accorder sur un arrêt des discussions menées avec Ankara depuis 2005. Dans la perspective de nouvelles sanctions économiques de la part de l'Allemagne, la Turquie, cherchera-t-elle une alternative géopolitique à l'adhésion à l'Union européenne et qui claquera la porte le premier? Sputnik a interrogé le professeur au département d'Etudes turques de l'Université Marc Bloch de Strasbourg, Samim Akgonul, sur le sujet.
Quant à l'accord avec l'Europe sur les migrants, il a été conclu contre les principes démocratiques de l'Union européenne, contre les droits de l'homme, du Conseil de l'Europe, contre l'ensemble des principes qui sont à l'origine de l'Union européenne, a-t-il poursuivi. Or, c'était clair que «cet accord n'allait pas marcher». Il y a alors une haute probabilité que l'accord devienne «caduc».
«Ankara a voulu utiliser la crise syrienne comme un moyen de pression sur l'UE à la fois pour obtenir des concessions politiques mais aussi financières. De l'autre côté, en Europe de l'Ouest, il y avait et il y a toujours la montée de l'extrême droite et il y avait une peur d'un afflux de réfugiés. Les deux côtés ont vendu leur âme si j'ose dire pour signer cet accord.»
En cela, pour la Turquie, la question des réfugiés, ou plutôt des migrants forcés, est toujours utilisée comme un levier de pression. Selon M.Akgonul, il peut y avoir «une instrumentalisation de ces milliers de gens, voir des millions de gens pour pousser l'UE à la concession».
«Ni l'Allemagne, ni la France ni d'autres pays ne devraient céder à ce chantage», a-t-il affirmé.
Une recherche d'une alternative géopolitique a commencé depuis plusieurs années, la Turquie a voulu se rapprocher de la Russie, la Russie devenant un acteur au Proche-Orient, a expliqué l'interlocuteur de Sputnik. Dans ce contexte, la Turquie a voulu adhérer à l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui est sous la direction de la Russie et de la Chine. Mais d'aucune manière ces recherches de nouveaux partenariats ne peuvent remplacer la place de l'UE qui est «le fruit d'un projet de civilisation de plus d'un siècle et le premier partenaire économique de la Turquie», a-t-il insisté. Par conséquent, il sera très difficile de nouer d'autres relations aussi solides qu'avec l'UE.
«Maintenant, la Turquie et l'UE aimeraient pouvoir pousser l'autre à claquer la porte pour ne pas être responsable de la rupture de relations. C'est un jeu d'échecs. Mais tôt ou tard, soit la Turquie va devoir revenir à des principes qu'elle avait respecté entre 2002 et 2007 avec le soutien de l'UE, soit l'UE va continuer à faire des concessions sur ses principes fondateurs.»
«L'ensemble des principes démocratiques et politiques étant instrumentalisés par des positions populistes en Europe aussi. Autrement dit, en France et en Allemagne également. La droite populiste et l'extrême droite utilisent des questions identitaires, ethniques et religieuses pour rejeter la Turquie», a résumé M.Akgonul. «Les positions à la fois de la France et de l'Allemagne devraient être uniquement sur les questions politiques et de principes.»