Game of Thrones au sein de l’Unesco: comment l’organisation a échappé au Qatar

© AP Photo / Jacques BrinonL'emblème de l'UNESCO
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Le Qatari Hamad bin Abdoulaziz Al-Kawari a vu la direction de l’Unesco lui échapper de justesse au profit de la Française Audrey Azoulay. Tant la candidature en pole position de ce personnage controversé que sa défaite ont surpris les observateurs. Retour sur les jeux de pouvoir impitoyables dans les couloirs feutrés de l’Unesco.

In extremis et contre toute attente, la Française Audrey Azoulay a finalement été élue à la tête de l'Unesco, devançant de deux petites voix le Qatari Hamad bin Abdoulaziz Al-Kawari à 30 voix contre 28. Une élection sous haute tension, sur fond de crise après le retrait des États-Unis et d'Israël de l'organisation internationale, notamment accusée par Washington de «partis pris anti-israéliens persistants».

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Tout donnait le Qatar vainqueur: son candidat était en tête durant les quatre premiers tours de vote et la présidence de l'organisation internationale était censée revenir à un pays du «bloc arabe». Enfin, la candidature française allait contre l'usage qui veut que le pays qui abrite le siège d'une organisation multilatérale ne présente pas de prétendant à sa présidence; rappelons que l'Unesco est basée à Paris.

Pourtant, le comité exécutif a, dans un dernier sursaut, écarté l'émirat, un accroc dans ce qui ressemble par ailleurs à une irrésistible montée en puissance des pays arabes au sein des organisations onusiennes. Entre les soupçons d'antisémitisme qui ont ressurgi à l'occasion de sa candidature et la crise diplomatique entre les pays arabes et Doha, la candidature qatarie à la tête de l'organisation chargée de l'éducation, la culture et de la science en a dérouté plus d'un, à commencer par Emmanuel Dupuy, directeur de l'Institut Prospective & Sécurité en Europe (IPSE):

«Tout le monde est assez étonné de la remontée du Qatar puisque dans le contexte international, on aurait pu penser que le "Qatar bashing" allait fonctionner au sein du système onusien. C'est un fait assez exceptionnel, le Qatar a été en tête sur les quatre premiers tours.»

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Pourtant, cette présence qatarie peut notamment s'expliquer par la composition du conseil exécutif. En effet, de nombreux pays qui partagent les mêmes objectifs et aspirations s'allient afin d'influer sur l'Unesco. Notons par exemple que 16 pays sont musulmans sur 58 États présents dans cette instance, ce qui crée des solidarités qui vont au-delà des crises passagères. Un point sur lequel revient le géopolitologue Alexandre Del Valle:

«Les structures onusiennes sont de plus en plus des haut-parleurs, soit du tiers-mondisme, soit de l'islamisme. Par exemple, l'Arabie saoudite a pris le contrôle de la commission des droits des femmes au sein du conseil des droits de l'homme. L'Unesco est tout à fait influencée par l'organisation de la coopération islamique, qui est un super lobby intergouvernemental mondial qui exerce des pressions, notamment sur le terrain symbolique.»

Un point que confirmePour David Khalfa, spécialiste des questions de politique étrangère et de sécurité et du conflit israélo-palestinien à IPSE:

«En réalité, depuis toujours, y compris pendant la Guerre froide, c'est une institution qui a été instrumentalisée par des États qui se sont livré une guerre diplomatique.»

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Au milieu de ces jeux de pouvoir, Audrey Azoulay aura la lourde de tâche de perpétuer les valeurs historiques de l'UNESCO pour ces quatre prochaines années. Néanmoins, avec la montée en puissance de pays comme le Qatar au sein des instances onusiennes, pourrait-on craindre un changement de philosophie de l'UNESCO à l'occasion d'un prochain scrutin? David Khalfa n'écarte pas l'hypothèse:

«Les valeurs de l'Unesco d'après-guerre sont connues: c'est la promotion de la Science, de la Culture, du Partage, de la Paix. La question qui se posera sera: est-ce que ces valeurs, qui sont le fondement de l'Unesco, pourront continuer à être défendues par un pays qui sur tous ces sujets, c'est le moins que l'on puisse dire, n'est pas considéré comme un modèle de défense des droits de l'homme, de droits des femmes ou de la modernité?»

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