Qui la Corée du Nord arme-t-elle, et pourquoi?

© Sputnik . Ilya Pitalev / Accéder à la base multimédiaCorée du Nord
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Missiles balistiques, lance-roquettes multiples (LRM), artillerie, lance-roquettes, fusils d'assaut et munitions: en dépit des sanctions et des scandales «nucléaires» incessants, les experts s'accordent à dire que la Corée du Nord reste l'un des plus importants fabricants et fournisseurs d'armes dans le monde.

Suite aux restrictions internationales décrétées contre Pyongyang, ce marché est passé dans l'ombre mais n'a pas disparu pour autant. Bas coût, simplicité, fiabilité: les armements nord-coréens ont des atouts qui les rendent très populaires non seulement auprès des États, mais également des organisations comme le Hamas ou le Hezbollah. Qui la Corée du Nord arme-t-elle et comment les USA «contribuent» à ce marché?

Marché noir

Hormis le charbon et les fruits de mer, l'armement fait partie des principales ressources budgétaires de la Corée du Nord. Même si cette dernière n'a pas le droit d'exporter des armes officiellement, il existe toujours des canaux illégaux. D'autant que les armes nord-coréennes sont très demandées dans les pays dits du Tiers monde, notamment ceux qui sont eux-mêmes sous embargo et ne peuvent pas acheter légalement des missiles et des armes à d'autres fournisseurs.

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Ainsi, indiquent les experts, en enfermant le pays dans un blocus économique et en faisant sciemment de lui un État-voyou, les USA élargissent de facto la liste des clients potentiels de la Corée du Nord. Cela touche également la Corée du Nord elle-même: l'adoption de nouvelles sanctions contre elle et la coupure de ses sources de revenus légales (par exemple la vente de charbon en Chine) forceront le pays à chercher des échappatoires et à conquérir les marchés noirs, y compris de l'armement.

«Depuis l'adoption des sanctions il est devenu très difficile de retracer ces livraisons, indique l'expert militaire Iouri Liamine, spécialiste de la Corée du Nord et de l'Iran. La Corée du Nord n'a pas cessé de vendre des armes, et elle a également appris à bien camoufler tout ce processus. Bien évidemment, les acheteurs ne divulguent pas non plus ces informations. En fait, en décrétant des restrictions contre tel ou tel pays les Américains élargissent indirectement le marché de l'armement pour la Corée du Nord, qui est pratiquement illimité.»

Et bien que les exportations d'armement annuelles officieuses de la Corée du Nord ne soient estimées par les spécialistes qu'à 100 millions de dollars, on ignore l'ampleur réelle de ce commerce — toutes les transactions sont effectuées sur la base d'accords bilatéraux passés entre la Corée du Nord et les pays intéressés dans le secret le plus total.

«En 2017, des restrictions rigoureuses ont été décrétées contre la Corée du Nord, y compris sur la vente de plusieurs matières premières et l'envoi de sa main-d'œuvre à l'étranger. Cela devrait sérieusement impacter ses exportations et pourrait stimuler la vente illégale d'armes. Les autorités chercheront à gagner de l'argent par tous les moyens», analyse Iouri Liamine.

Copies de copies

«Les clients de la Corée du Nord sont attirés par le coût bas, la fiabilité et la quantité pratiquement illimitée de l'armement coréen, note Konstantin Makienko, directeur adjoint du Centre russe d'analyse des stratégies et des technologies. Ce pays vend pratiquement tout ce qu'il produit — des fusils d'assaut aux LRM. La plupart des armements sont des clones de Kalachnikov soviétiques ou des clones des clones chinois copiés sur les modèles soviétiques.»

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La Corée du Nord produit en abondance des armes d'infanterie, des LRM et des canons d'artillerie, des systèmes antichars, des fusils automatiques, des lance-roquettes et des munitions pour tout cela. On sait que la Syrie a acheté aux Coréens des munitions pour l'artillerie de calibre 130 mm.

Les technologies balistiques de la Corée du Nord lui font occuper une position unique sur le marché des armes. Dans les années 1980, les spécialistes nord-coréens ont réussi à copier le complexe opérationnel tactique R-17 Elbrous avec le missile balistique 8K14 (code Otan: Scud) dont les prototypes avaient été achetés en Égypte. Les missiles clonés ont été rapidement mis en vente, et des cas de fourniture de lignes d'assemblage entières pour les produire ont été dévoilés.

Les pays comme l'Iran, la Syrie et le Yémen ont acheté des copies de Scud à la Corée du Nord. La portée des premiers modèles ne dépassait pas 300 km mais par la suite les Coréens ont réussi à la faire passer à 600 km, puis ont conçu le missile Nodon de moyenne portée — 1 300 km. Ces armes peuvent être dotées d'une ogive conventionnelle, nucléaire ou chimique.

Dans la guerre Iran-Irak, plus de 90% des missiles nord-coréens tirés par l'Iran atteignaient leur cible. Le pourcentage de défaillance est minimal, ce qui témoigne d'une qualité relativement élevée d'armements. Par la suite l'Iran a conçu sa propre copie du Scud nord-coréen: Chahab-3. Avec l'aide des Coréens, le pays a mis en place sa propre production et n'achète plus les missiles, se limitant à une coopération dans le domaine des technologies.

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Par ailleurs, en raison des accords internationaux les grands fabricants de missiles ne peuvent pas vendre de systèmes d'une portée supérieure à 300 km. Pyongyang, isolé, ne tombe pas sous le coup de ces accords et détient donc une sorte de monopole en la matière pour beaucoup de pays.

Des systèmes antinavires et d'artillerie supposés d'origine nord-coréenne ont été aperçus plusieurs fois sur des navires de guerre birmans. Rien n'a été officiellement annoncé concernant les fournitures mais ils sont identiques, en apparence, aux armements installés sur les vedettes nord-coréennes.

Le coût bas de l'armement nord-coréen s'explique par l'ampleur de la production pour sa propre armée. De facto, la Corée du Nord est toujours sur le pied de guerre. De plus, elle n'a pas de problèmes de ressources: le pays est riche en minerais et en charbon, ainsi qu'en métaux de terre rare nécessaires pour fabriquer l'électronique. C'est l'une des raisons du développement du programme nucléaire national — n'importe quel pays pourrait envier les réserves d'uranium de la Corée du Nord.

De l'Égypte à la Birmanie

Géographiquement, les principaux acheteurs d'armement nord-coréens sont les pays avec lesquels il est facile de s'entendre sans médiateurs ni ébruitement. La liste des partenaires traditionnels de la Corée du Nord inclut l'Iran, la Syrie, la Libye, le Yémen, l'Égypte, l'Ouganda, le Congo et d'autres pays. En outre, des armes ont été vendues aux ONG militarisées, notamment au Hamas et au Hezbollah.

«La Corée du Nord a cruellement besoin d'argent étranger. Or que peut-elle proposer au monde hormis le charbon pour la Chine et sa main d'œuvre bon marché? Seulement des armes. Leurs acheteurs sont les pays du Tiers monde, les États-voyous écrasés par les sanctions américaines et faisant l'objet d'un blocus économique. Ou encore des entités non gouvernementales comme l'opposition armée, les sociétés militaires privées et ainsi de suite», remarque Konstantin Makienko.

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Les armes sont essentiellement transportées par la mer. L'aviation n'est pas pratique car elle nécessite des escales pour se ravitailler dans des pays tiers, ce qui est dangereux car l'avion peut être fouillé et saisi. En ce sens, la situation est plus simple avec les navires naviguant notamment sous le pavillon de la Corée du Nord.

«Arrêter un navire sous pavillon nord-coréen en eaux neutres n'est pas une tâche des plus faciles, cette tentative pourrait causer bien des désagréments parce que les Coréens défendent rigoureusement leur souveraineté. Si le navire navigue directement en provenance de la Corée du Nord à destination d'un autre pays, son interpellation pour fouiller le chargement peut être jugée comme un acte d'agression contre la Corée du Nord avec tout ce que cela implique», explique Iouri Liamine.

Malgré toutes ces précautions, des incidents ont tout de même lieu. Par exemple, un grand scandale international avait éclaté dans les années 2000 quand une cargaison de missiles destinés au Yémen avait été interceptée dans l'océan Indien. L'interdiction d'exporter des armes n'était pas encore en vigueur contre Pyongyang, c'est pourquoi le commanditaire avait exigé de relâcher le navire et avait reçu sa cargaison. On sait aussi qu'un navire nord-coréen transportant des lance-roquettes avec des munitions à destination de l'Égypte a été arrêté en mer Rouge.

Parfois les autorités nord-coréennes font appel à des médiateurs de confiance — elles disposent de plusieurs représentants d'affaires au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.

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