Méfiance envers les médias US: les Américains «écoutent le média qui colle à leurs idées»

© AFP 2023 L.E. BaskowCNN-Studio während TV-Debatte der Präsidentschaftskandidaten von Republikanischer Partei (Archivbild)
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«Il y a toujours un angle, surtout aujourd’hui, donc garder un œil critique, c’est plutôt une chose positive», a déclaré le journaliste Gérald Olivier, commentant au micro de Sputnik les résultats d’un sondage effectué par l’Ifop sur la méfiance croissante des Américains envers les médias.

Les médias de masse américains refléteraient «les opinions des politiques et du monde des affaires». C'est l'avis exprimé par 59% des Américains contre seulement 27% qui les jugent «impartiaux» et 14% sans opinion, a révélé un sondage Ifop pour Sputnik. Une large majorité donc, et un chiffre en augmentation qui plus est, puisqu'une étude d'opinion similaire donnait en 2015 53% des Américains d'accord avec cette idée, soit 6 points de moins. Méfiance envers les grands médias et les élites ou bien esprit critique de la part de la population?

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Selon Gérald Olivier, journaliste, consultant et blogueur spécialiste des États-Unis, ces chiffres révèlent surtout une évolution du rapport au journalisme. Si la conception américaine du journalisme a longtemps distingué les faits «objectifs» et les analyses subjectives, les gens se tournent aujourd'hui vers des médias d'opinion dont les vues leur correspondent, quitte à ce que leurs contenus s'affranchissent parfois de l'idée de vérité absolue:

«Le fait nouveau qui est apparu avec la campagne présidentielle de l'année dernière et la candidature de Donald Trump, c'est l'expression "fake news", qui n'existait pas avant. Cela montre qu'aujourd'hui, les Américains dans leur grande majorité, ce n'est pas tant qu'ils ne font pas confiance aux médias, mais surtout qu'ils écoutent le média qui colle à leurs idées. On n'a plus la conception de l'information qui a dominé le journalisme aux États-Unis pendant 150 ou 200 ans, à savoir que le journaliste est un intermédiaire objectif», explique-t-il au micro de Sputnik.

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Dans les quotidiens américains, il existe toujours une distinction entre «d'un côté les récits d'information, les reportages, qui relatent les événements de façon aussi impartiale que possible, et de l'autre les pages d'opinion, qui apportent un éclairage particulier sur ces événements, et qui sont placées à part, plutôt à la fin du journal», note l'expert. «Aujourd'hui, notamment à la télévision et sur les réseaux sociaux, cette conception n'a plus lieu d'être: les gens font confiance à un certain organe et c'est celui-là qu'ils écoutent, Fox News pour les conservateurs, CNN ou NSNBC pour les libéraux. Donc ils y trouvent un son de cloche qui leur correspond mais qui n'est pas forcément en rapport avec la réalité», précise-t-il.

La perception des médias comme vecteurs de l'idéologie des élites viendrait donc, selon Gérald Olivier, du fait que les idées qui y sont exprimées ne correspondent pas à ce que vivent beaucoup d'Américains.

«Quand les médias vont dans le sens d'une certaine pensée dominante, par exemple celle de la globalisation, alors que pour l'Américain moyen cette globalisation se concrétise par une perte de statut et un recul de son niveau économique, il se rend bien compte qu'il y a un décalage par rapport aux gens qui l'informent et qui ne cessent de lui dire que c'est bien pour lui. Donald Trump, en dénonçant cet état de fait, n'est donc que le reflet de cette réalité. Néanmoins, il a réussi à imposer cette vision puisque jusqu'à lui, les médias n'avaient jamais été remis en cause à ce point. La perte d'audience de CNN au cours des 24 derniers mois est énorme, ça dénote ce phénomène qui est relativement nouveau», déclare M.Olivier.

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En définitive, Gérald Olivier ne trouve pas qu'il faille s'inquiéter du résultat de ce sondage et de la méfiance des Américains à l'égard des médias de masse: il s'agit, selon lui, de la manifestation d'un esprit critique.

«Le fait qu'il y ait un certain nombre de gens qui prennent ce qu'ils lisent avec un grain de sel, ça me paraît la moindre des choses lorsqu'on aborde l'actualité et l'information. Il y a toujours un angle, surtout aujourd'hui, donc garder un œil critique, c'est plutôt une chose positive», a-t-il conclu.

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