Économie au Kurdistan irakien: la France en retard?

© AFP 2023 AHMAD AL-RUBAYE An Iraqi oil employee checks pipelines at the Bai Hassan oil field, west of the multi-ethnic northern Iraqi city of Kirkuk, on October 19, 2017.
An Iraqi oil employee checks pipelines at the Bai Hassan oil field, west of the multi-ethnic northern Iraqi city of Kirkuk, on October 19, 2017. - Sputnik Afrique
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Il y a quelques jours, Bagdad aurait expressément demandé à la British Petroleum de prendre en main les gisements pétroliers de Kirkouk, au Kurdistan irakien. Qu’en est-il des entreprises françaises dans cette région autonome? Peuvent-elles jouer un rôle économique de premier ordre dans la reconstruction de ce territoire au statut contesté?

«Il n'y a pas de communiqué officiel ni de la part du gouvernement irakien ni du gouvernement britannique»,

pointe Ali Dolamari, le représentant du Gouvernement régional du Kurdistan en France. Pourtant, d'après les informations de Sputnik Turquie, il existerait bien un accord entre la société britannique et le ministère irakien du Pétrole pour prendre en charge les puits de Kirkouk dans la région du Kurdistan irakien.

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Alors que le Kurdistan possède plus d'un quart des réserves pétrolières du pays, les forces gouvernementales ont repris les célèbres puits de Kirkouk situés au sud de la région autonome. Ces puits avaient été conquis en 2014 par les peshmergas et représentaient la moitié des exportations kurdes en 2016. Après cette perte importante pour Erbil, Ali Dolamari rappelait cependant que l'autonomie du Kurdistan ne signifiait pas une appropriation totale de la région sur les ventes de pétroles de la région:

«Selon la Constitution irakienne, le Kurdistan est une région fédérale au sein de l'Irak. […] Donc on a le droit aussi de travailler de notre côté, d'explorer, d'exploiter et de vendre du pétrole, mais les recettes pétrolières doivent partir dans les caisses centrales irakiennes, mais par contre l'Irak doit payer le budget du Kurdistan.»

La reprise en main militaire de Kirkouk par l'armée irakienne met cependant en évidence les incertitudes qui persistent autour du pouvoir politique et juridique entre Bagdad et Erbil. Si la répartition des bénéfices est le centre du problème, la légitimité pour passer des accords commerciaux en est la cause.

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L'indécision qui règne autour du respect des accords internes (répartition des richesses et budget) entre l'État central et la région autonome et les possibles luttes entre factions politiques kurdes compliquent la tâche des investisseurs. En effet, les entreprises étrangères, à l'instar de BP, souhaitent conquérir des parts de marché dans la reconstruction et le développement de cette région, mais les conditions locales pourraient les décourager, craint Ali Dolamari:

«Avec tous ces évènements-là, cela va tarder, peut-être que des sociétés vont partir à l'avenir de la région parce que c'est inquiétant. Les sociétés préféreront une région calme et stable, sans aucun problème.»

La réception du Premier ministre irakien à Paris a soulevé la question du futur partenariat entre la France et la région autonome du Kurdistan. La situation politique et diplomatique à ce sujet est délicate. Alors que Paris a laissé entendre que la problématique kurde avait été évoquée lors de cette rencontre, Bagdad a signifié le contraire. Ainsi, le positionnement de l'État français sur la question kurde sera probablement déterminant dans les enjeux économiques commerciaux du Kurdistan. Ingérence dans les affaires internes de l'Irak, à l'instar d'Israël, qui a ouvertement soutenu le processus d'indépendance du Kurdistan, de l'Iran qui soutient Bagdad, ou équilibre entre les deux parties? Ali Dolamari prend position sur la réaction française:

«Ce que fait le gouvernement français est une bonne politique, parce qu'il demande la stabilité et la négociation entre le gouvernement du Kurdistan et celui de Bagdad. […] On salue vraiment les actions françaises sur place, qui mettent la pression sur les deux gouvernements —du Kurdistan et de l'Irak- [pour] cesser la guerre, donc c'est très important, ce que la France fait.»

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Conscient des enjeux économiques, la France possède à Erbil, capitale du Kurdistan, un consulat et une antenne du service économique, qui permettent de favoriser les liens diplomatiques et d'assurer un travail essentiel pour les investissements et les échanges commerciaux. Confirmant les bonnes relations historiques entre le Kurdistan et la France, le représentant du Gouvernement régional du Kurdistan estime que la France est un partenaire de premier ordre:

«Au sein du consulat français, il y a un attaché commercial qui travaille pour la coopération entre la région du Kurdistan et la France et on a fait une conférence avec le Medef. […] La France fait partie des cinq premiers pays qui travaillent activement dans le secteur économique du Kurdistan. […] Trente entreprises françaises (France Telecom, Lafarge, Total, Carrefour, etc.) sont présentes. C'est énorme pour une région de 6 millions d'habitants.»

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Cependant, après avoir souligné le poids significatif de l'État et des entreprises françaises, Ali Dolamari reconnaît certaines faiblesses du partenaire français pour devenir incontournable dans la reconstruction de la région autonome du Kurdistan:

«Les sociétés françaises sont prudentes par rapport à d'autres pays, puisqu'elles ont le besoin d'avoir des garanties bancaires et des garanties internationales. […] La région est plutôt anglophone et pas francophone, c'est un obstacle pour les sociétés de trouver vraiment des gens qui peuvent travailler sur place et c'est important parce que la majorité des populations kurdes parlent anglais et pas français. De plus, la France n'a pas participé à la libération de l'Irak de 2003, donc il y a beaucoup de sociétés américaines qui en ont profité de conquérir des appels d'offres du gouvernement du Kurdistan».

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