Un président qui décide de ne pas se présenter pour un nouveau mandat. Un scrutin présidentiel qui se déroule, en novembre 2017, sans violence. Des résultats qui sont reconnus, en dépit d'irrégularités, par l'opposition. Le Somaliland est déjà désigné comme un bon élève dans cette région, la Corne de l'Afrique, où règnent des Etats autoritaires. Il est loin pour autant d'être «un Etat modèle » en matière de démocratie faute d'un petit détail qui lui manque. Ce n'est justement pas (encore) un Etat.
« Le Somaliland parie sur la stabilité et la démocratie pour arracher à la communauté internationale, à terme, une reconnaissance», analyse Amira Abdelhalim, chercheuse spécialiste de l'Afrique subsaharienne au Centre Al-Ahram des études politiques et stratégiques au Caire.
La « stratégie » du Somaliland est pourtant loin d'être partagée par d'autres entités animées par les mêmes velléités sécessionnistes. L'année 2017 a été ponctuée, entre autres perturbations politco-sécuritaires, par la crise du « Cameroun anglophone ». Dans ce pays d'Afrique centrale, l'agitation tourne depuis quelques mois à l'insurrection armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La simple contestation de la « franconisation » des systèmes éducatif et judiciaire s'était amplifiée crescendo, avec la domination d'une frange séparatiste de la zone anglophone qui entend obtenir l'indépendance de « l'Ambazonie », la « République » autoproclamée.
Les exemples sont légion, même si les revendications savent se mettre aussi en veilleuse. Aujourd'hui, la situation en Casamance, région du Sud du Sénégal, n'est pas inquiétante. Au Mali ou en Centrafrique, en revanche, pays où la paix reste fragile, on n'est jamais à l'abri du réveil des « vieux » démons sécessionnistes du Nord.
Aujourd'hui, il est inconcevable d'envisager, sous un même prisme, le sécessionnisme en Afrique. Il s'agit, d'ailleurs, d'une réalité qui dépasse le cadre africain. Le cas de la Catalogne, comme celui de dizaines de mouvements autonomistes ou indépendantistes à travers le monde, qu'ils soient en activité ou en veilleuse, sont suffisamment probants.
Toutefois, il demeure possible de pointer un facteur commun. Celui d'une crise des Etats nationaux. « Ces tendances s'analysent, le plus souvent, comme une réaction au défaut d'intégration de toutes les composantes, notamment ethniques, au sein d'un Etat central et national», relève la chercheuse égyptienne.
« Le jeu des intérêts et des rapports de force au niveau international est un élément à prendre en considération», explique à Sputnik Amira Abdelhalim, qui rajoute que la persistance des violences liées aux revendications peut rendre la sécession inévitable.
Pour le géopoliticien Hichem Ben Yaïche, le cas du Soudan du Sud est assez particulier dans la mesure où il y avait eu « une préparation psychologique (au niveau de l'opinion publique et de la communauté internationales, ndlr) de la naissance de cet Etat », au demeurant « artificiel et qui ne pourra survivre faute d'institutions étatiques et d'une culture d'Etat-nation »
« A travers ses erreurs, notamment en réprimant férocement sa population civile, Khartoum s'est mis à dos le monde entier. Par ailleurs, il y a cet antagonisme Islam/Chrétienté, qui a joué pour doter les Chrétiens de leur propre pays (ce paradigme se retrouve aussi dans les velléités séparatistes en Centrafrique, ndlr) Tout cela fait partie d'un tas d'ingrédients qui ont poussé, au niveau international, à la partition de 2011. La crise était à un tel point que l'ONU n'a pu qu'avaliser! », analyse Ben Yaïche, dans une déclaration à Sputnik.
Les Nations unies, ce « lieu de négociations par excellence », n'en demeure pas moins un acteur-clé pour déterminer l'issue de nombreuses crises, notamment celles liées aux séparatismes.
« Il y a plein de crises en Asie ou en Amérique latine dont personne n'entendra parler. C'est toujours en fonction des rapports de force et des intérêts de chaque Etat», explique encore Ben Yaïche.
A ce facteur, se rajoute ce que cet africaniste appelle « la géopolitique de l'information» laquelle, combinée aux discussions de couloirs à l'ONU, fera qu'une question accède, plus ou moins facilement, à une médiatisation internationale.
« Tout le monde savait depuis un moment pour les migrants réduits en esclavage en Libye. Mais à partir du moment où une grande agence internationale s'en est saisie, c'est devenu viral. Ce sont les grandes agences qui ont les moyens d'intensifier l'information qui donnent le tempo», affirme Ben Yaïche en référence au « marché aux esclaves » dans ce pays.
« Ambazonie », Biafra, « Nord-Centrafrique », République Sahraoui, Azawad ou Somaliland. L'Afrique entamera 2018 avec des sécessionnismes, en action ou en latence, chacun sa logique propre.
Auront-ils raison de l'intangibilité des frontières, dogme issu de la décolonisation, qui a cherché le vivre ensemble dans le légalisme international?