À Davos, la Russie parie sur l’innovation et sur sa jeunesse

© AFP 2023 FABRICE COFFRINIDavos
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Russie, prochain carrefour de la production mondiale? Andrey Kuzyaev, Président de ER-Telecom, en est convaincu. Lors de la dernière journée de conférences à la Maison Russe de Davos, ce poids lourd de l’économie russe a souligné l’importance de l’innovation et du potentiel des jeunes entrepreneurs dans la mutation de l’économie russe.

«Je veux dire ceci à cette nouvelle génération de scientifiques russes, d'hommes d'affaires, de développeurs de logiciels: nous ne voulons pas qu'ils s'en aillent pour obtenir des fonds pour développer leurs idées. Accueillons les investissements, encourageons les investisseurs à venir, encourageons l'argent russe à travailler en Russie! Créons ces conditions, construisons cet environnement, n'ayons pas peur d'éventuels trous dans les lois et que quelqu'un fasse un jour de l'évasion fiscale. D'abord, construisons ces conditions favorables, le reste suivra.»

Lors d'une conférence, organisée jeudi 25 janvier à la Maison Russe de Davos sur les perspectives de développement du secteur manufacturier (63% du secteur industriel) en Russie et en présence du ministre du Développement économique, Maxim Oreshkin, Andrey Kuzyaev, Président d'ER-Telecom Holding a mis en avant le potentiel national en matière d'innovation.

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Pour cet ancien Vice-Président de Lukoil (2000 —2014), le temps où les observateurs étrangers se contentaient d'affirmer que l'économie russe se résumait à ses exportations d'hydrocarbures est révolu. Une page en passe de se tourner grâce, selon lui, à une nouvelle génération d'entrepreneurs, une génération «plus ambitieuse». Une jeunesse forte d'une bonne éducation, que la Russie se doit de conserver, saluant au passage les progrès réalisés par l'État en la matière, même si, inévitablement, des lourdeurs administratives persistent.

«Je voudrais aussi partager avec vous de bonnes nouvelles, des nouvelles positives. Plutôt que de dire que ce serait formidable ou ce serait merveilleux de faire ce qui suit, je voudrais dire que je suis profondément convaincu que la Russie a l'occasion de devenir l'une des plaques tournantes de production du monde,» a-t-il ajouté.

Pour illustrer l'idée que les Russes peuvent également innover sur des produits manufacturés et distribués à l'international, Andrey Kuzyaev n'hésite pas à s'adonner à une petite session d'autopromotion (images à l'appui), qui en surprendra plus d'un dans l'auditoire, en présentant l'un de ses produits, un bracelet connecté pour le suivi de son poids. Si celui-ci est fabriqué en Chine, ses concepteurs demeurent russes et sa distribution internationale (Allemagne, Inde, Japon, etc.) Un exemple sur lequel nous l'avons invité à revenir à notre micro.

«Je pense que ce type d'entreprise, ce type d'économie, peut changer la Russie. C'est n'est pas une grande compagnie, mais ils rêvent de prendre 2 à 3% du marché mondial et le marché des accessoires, dans 2 ou 3 ans, représentera environ 140 milliards de dollars, donc cela se comprend! Et en Russie, beaucoup d'entreprises travaillent pour le marché mondial, cela nous donne de l'espoir… et ce ne sont ni des sociétés pétrolières ou gazières!»

Des entreprises russes encore peu nombreuses, regrette Andrey Kuzyaev, qui croit dur comme fer aux retombées économiques de l'innovation ainsi qu'au potentiel du pays, tant en matière de cerveaux que de débouchés et d'opportunités. Il faut dire qu'il en est lui-même un pur produit. La cinquantaine à peine entamée, ce «post-oil serial entrepreneur»- tel qu'il a été présenté à l'ouverture de sa conférence, est aujourd'hui à la tête d'un petit empire.

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Perm Financial and Industrial Group (PFIG), le groupe dont il est le principal actionnaire, rassemble une cinquantaine d'entreprises dans des secteurs variés (industrie pétrolière, finance, immobilier) et emploie plus de 20.000 personnes. Au début des années 2000, lorsqu'il devient vice-président de Lukoil et qu'il décide se séparer de ses actions dans cette société, il fait le choix d'investir dans un secteur au fort potentiel de croissance et d'y développer sa propre technologie. Fondé en 2001 par un opérateur téléphonique et un fournisseur d'accès Internet, ER-Telecom a été l'un de tous premiers fournisseurs d'accès Internet bas débit de la région.

«À l'époque, en Russie, il n'existait pas d'opérateur Internet filaire fédéral, basé sur la ligne optique, et il n'y avait pas de marché de la télévision payante. Nous avons étudié le marché et nous avons décidé d'investir dans le développement d'ER-Telecom. Au total, nous avons investi quelque 700 millions de dollars américains.»

Si ER-Telecom est rapidement devenu le principal actif de PFIG, ils furent peu nombreux à croire dans le succès de cet investissement, comme nous le relate Andrey Kuzyaev

«Beaucoup de gens ont prédit que nous échouerions. Mais malgré tout, nous avons réussi à construire des réseaux optiques dans 50 villes et nous sommes maintenant le numéro 2 des opérateurs de téléphonie fixe en Russie. Nous avons 7 millions clients et 300.000 clients B to B. Nous avons construit le plus grand réseau câblé géré.»

Même s'il n'exclut pas d'investir à l'international, l'homme d'affaires entend se concentrer sur le marché local russe qui lui assuré le succès:

«Actuellement, il y a beaucoup de possibilités de croissance en Russie et nous nous concentrons sur la croissance en Russie. Évidemment, l'Internet des objets est une opportunité pour tout le monde, mais nous nous concentrons sur la croissance domestique.»

Au premier chef de ses préoccupations, l'augmentation du débit moyen fourni à ses clients. Avec ses 48 Mbit/s (pas très éloigné des 44 Mbit/s des quatre fournisseurs hexagonaux) il reste pour l'heure loin derrière China Télécom (71 Mbit/s) et le Japonais NTT (97 Mbit/s), mais il ambitionne de faire d'ER-Telecom le leader mondial en la matière.

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Pour cela, il croit en l'innovation: s'il espère doubler ses revenus d'ici 5 ans, il escompte retirer de l'innovation pas moins de 50% de sa future croissance. Des objectifs ambitieux qui tranchent avec la vision que l'on donne habituellement des grands groupes russes en Europe, leur poids dans l'économie du pays étant souvent présenté comme néfaste au développement de structures plus petites, mais plus innovantes.

«Le pourcentage moyen dans les entreprises russes qui investissent dans l'informatique et les télécommunications est d'environ 1,5%. La moyenne européenne est de 3% et de 5,5% aux États-Unis. Nous avons donc un objectif à atteindre! Mais la Russie est en train de changer et la modernisation de l'industrie, de l'économie, est l'une des questions clés du pays.»

Andrey Kuzyaev évoque ainsi le discours de Vladimir Poutine, au forum économique de Saint-Pétersbourg, en juin 2016. Le Président russe avait alors annoncé que l'innovation et l'attrait d'investisseurs étrangers seraient la principale orientation dans le développement économique du pays:

«Il existe une particularité russe, selon laquelle nos concitoyens écouteraient très attentivement ce que dit leur dirigeant et je pense que Vladimir Poutine a obtenu des résultats impensables. Il a fait de l'innovation un mot à la mode. Dans mon entreprise, nous fournissons beaucoup de services numériques à de nombreuses entreprises et je suis surpris qu'elles commencent à parler d'innovation.»

Un brin lyrique, il conclut en faisant un clin d'œil au slogan du Forum, assurant qu'il faut «associer nos efforts pour améliorer ce monde», tout en pointant du doigt les répercussions de phénomènes globaux, tels que les cyberattaques ou encore le terrorisme, sur l'état de confiance dans le monde, tant politique que des affaires.

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