En Algérie, un drapeau français descendu à boulets rouges… blancs et verts

CC0 / Pixabay / Alger
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Éviter les anachronismes cinématographiques n’est pas évident. L’enjeu est de ne pas se retrouver dans le collimateur des chasseurs d’erreurs et de leurs florilèges. Parfois, c’est dès le tournage que gaffes et anachronismes sévissent, comme lors de cette reconstitution historique, pendant un tournage en Algérie.

Depuis 1962, El Malah a succédé à Rio Salado. Cette commune du Nord-ouest algérien a troqué son nom colonial contre sa traduction en arabe. Le drapeau algérien flotte au fronton de l'hôtel de ville, dont l'architecture est restée intacte depuis l'époque coloniale, en remplacement du bleu blanc rouge.

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Plus de retour en arrière, désormais. Pas même en rêve, encore moins au cinéma.

C'est dans cette petite ville agricole et touristique que le réalisateur algérien Djâafar Gacem a choisi de tourner des séquences de son nouveau film «Heliopolis». Le cinéaste algérien y raconte les évènements du 8 mai 1945, une date correspondant au début des massacres de Sétif et Guelma, qui firent plusieurs milliers de morts parmi les nationalistes algériens.

Et parce qu'éviter les anachronismes ne se limitait pas à virer du plateau de tournage tablettes et téléphones portables, le drapeau algérien hissé sur la mairie, devait momentanément également céder sa place aux couleurs françaises. C'était sans compter sur la curiosité des badauds, qui s'est rapidement transformée en colère pour empêcher à tout prix ce «sacrilège».

Il a fallu qu'on mène une guerre sans relâche pour que le drapeau algérien soit hissé […]

Faîtes du trucage, appliquez des effets spéciaux [pour changer le drapeau dans le film], Dieu vous vienne en aide pour ça! Mais descendre le drapeau algérien, jamais de la vie!», se révolte l'un des habitants d'El Malah au micro de la télévision algérienne Al Nahar TV.

Pour ces manifestants, dont le nombre n'excédait pas quelques dizaines, le «timing» était d'autant plus inapproprié que l'Algérie est toujours endeuillée par la mort des 257 passagers et membres d'équipage d'un avion militaire.

«Tournez la scène ailleurs, où personne ne vous voit, il n'y a pas de problème! Mais là, c'est le siège de la mairie qui représente le peuple!» s'insurge un autre manifestant, la soixantaine.

Pour calmer les esprits, le maire de la ville, Mustapha Rahmouni, s'est adressé dans un message télévisé, diffusé sur la même chaîne Al Nahar, aux citoyens de sa commune, sollicitant leur compréhension.

«Les incidents que raconte le film, même moi, je ne les connais pas dans les détails! […] J'en appelle aux habitants d'El Malah, connus pour être des gens civilisés et hospitaliers, pour comprendre que c'est un film racontant les évènements du 8 mai 1945 que l'on doit connaître», a plaidé le maire algérien.

Le tournage du film a finalement pu reprendre, après que «le réalisateur Djaâfar Gacem a pu ruser pour tourner discrètement cette scène "controversée" sans provoquer l'hostilité d'une partie de la population locale», d'après le site Algeriepart.

Néanmoins, l'incident a laissé place à de nombreuses réactions réprobatrices dans les médias et sur les réseaux sociaux, d'autant plus que le film se proposait, justement, de raconter cet épisode historique douloureux d'une Algérie luttant pour son indépendance. Certaines personnes ont regretté «un problème de communication» auprès des populations de cette petite ville du littoral algérien. Pour d'autres, comme le dramaturge Mohamed Charchal, il s'agit d'une fierté mal placée, qui est le fait d'une poignée d'individus non représentatifs des habitants d'Aïn Temouchent, la région où s'est produit l'incident.

«Nous sommes en 2018 et certains Algériens ne font pas la différence entre le cinéma et la réalité.», commente amèrement le site Algeriepart, en relevant, derrière cette attitude, «l'immense vide culturel qui mine profondément notre société.»


«Un grand hommage aux habitants de Malah qui ont refusé la substitution du drapeau du pays d'un million et demi de martyrs par le drapeau français.»

Cet «acte isolé» a pourtant rencontré quelques approbations. Ceux qui préfèrent être dans la nuance, sans signer de chèque en blanc aux habitants d'El Malah, rappellent qu'en 2015 à Nice, «le déploiement d'un immense drapeau aux couleurs du troisième Reich a suscité un tollé immédiat, obligeant la préfecture à expliquer qu'il servait pour le tournage d'un film.»

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