Voitures-radar: jackpot pour le gouvernement, 6 fois plus de PV, de cash et… de mécontents

© AFP 2023 Sebastien BozonPeugeot 308
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Au grand dam de certains automobilistes, les voitures-radar privées débarquent sur les routes de l’Eure ce lundi 23. Si l’objectif annoncé est de faire diminuer le nombre d’accidents mortels, le recours à des sociétés privées inquiète, mais surtout les automobilistes craignent d’être, à nouveau, une machine à cash pour le gouvernement.

Les voitures-radar conduites par des entreprises privées débarquent sur les routes. Nouvelle polémique est en route, après celle déclenchée par la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes départementales: les automobilistes sont-ils à nouveau dans le collimateur du gouvernement?

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Le nouveau dispositif est expérimenté dès ce lundi 23 avril dans le département de l'Eure (27) avec cinq Peugeot 308 qui commencent à sillonner les routes. Ces radars embarqués dans des voitures privées devraient être étendus à toute la France métropolitaine à l'horizon 2020. Objectif affiché? Faire baisser le nombre de morts qui stagnent depuis 2013 (3.268 morts contre 3.456 en 2017).

Si les intentions affichées sont salutaires, des associations de défense des automobilistes dénoncent une logique financière qui animerait le gouvernement dans sa recherche constante d'efficacité. Un argument battu en brèche par le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel barbe, qui explique sur les ondes de RMC, ce lundi 23 avril, que «les radars sont beaucoup moins une vache à lait par rapport à ce que coûte la violence routière.»

​En effet, toujours selon le même Emmanuel Barbe, «le coût pour la collectivité des accidents de la route est évalué à 40 milliards d'euros d'argent public. Alors le débat sur les recettes de nos PV de 1.671 milliards d'euros, ce n'est que l'épaisseur du trait.» Il ajoutait: «restons sérieux, les amendes ne sont pas un impôt, mais une contravention pour des conducteurs en infraction et donc dangereux», expliquait-il dans les colonnes du Parisien en 2016.

Ces dispositifs sont pourtant déjà très rentables. D'après une annexe au projet de loi de finances 2018, ce rapport indiquait que pour l'année 2016, le montant cumulé d'amendes payées (amendes forfaitaires majorées incluses) provenant du contrôle automatisé avait atteint 920 millions d'euros. Ce qui représente une hausse de plus de 16% par rapport à l'année 2015 (789 millions d'euros). En outre, les autres amendes la police de circulation s'élevaient, elles en 2016, à 897,6 millions d'euros.

Comment donc ne pas voir une envie du gouvernement d'augmenter ces recettes grâce aux conducteurs? En effet, l'expérimentation de la limitation à 80 km/h est le symbole pour certaines associations de cette dérive gouvernementale. D'autant plus, que les tests menés en faveur de l'abaissement de la vitesse n'étaient pas forcément synonyme de moins d'accidents mortels. Or, le coût de cette mesure pourrait s'élever à 3,7 milliards d'euros en raison de l'augmentation du temps de transport, d'après une étude de Rémy Prud'homme, professeur d'économie.

Gestion des radars par des sociétés privées, risques de dérives?

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Les voitures-radar privées semblent obéir à cette logique financière. Actuellement, selon Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, les radars embarqués dans les voitures des forces de l'ordre ne fonctionnent que 1 h 13 par jour en moyenne. Avec la privatisation des radars, ceux-ci seront fonctionnels en moyenne 8 heures par jour. Cela signifie que le nombre de flashs pourrait potentiellement passer de 2 millions —les chiffres d'aujourd'hui- à 12 millions par an sur tout le territoire. Autrement dit, une augmentation de 500% de la rentabilité, à supposer que les voitures privées remplacent et ne se rajoutent pas à celles de la gendarmerie, et qui ne prend même pas en compte l'accroissement du nombre de PV dû au passage à 80 km/h.

Privatiser le constat des infractions, une affaire rentable, comme peut le confirmer la mairie de Paris, qui a confié à des prestataires extérieurs la gestion des contraventions pour mauvais stationnement. Rentable, mais facteur de dérives. En effet, le recours à des sociétés privées a montré les limites de ce système: certains employés de l'entreprise Streeteo, à cause d'objectifs très élevés, s'étaient mis à distribuer des PV fictifs, sans compter, la conduite sans permis ou sous stupéfiants. Cependant dans le cadre des voitures-radars privées, selon la sécurité routière, impossible de voir de telles dérives.

«La rémunération des sociétés privées se fait uniquement en fonction du nombre de kilomètres de contrôle effectif parcourus et en aucun cas en fonction du nombre de flashs effectués pendant le temps de la conduite […] La délégation à la sécurité routière détermine, avec les préfectures concernées, pour chaque prestataire, un nombre précis et limité d'itinéraires à effectuer chaque jour.»

Quid des préoccupations des automobilistes?

Julien Thibault, président de l'association Victimes et citoyens estimait que cette mesure était «une excellente nouvelle, alors que rouler trop vite reste la première cause de la mortalité sur les routes et que c'est un facteur aggravant dans tous les accidents.» Si le constat est implacable, il n'empêche que d'autres initiatives permettraient de faire également baisser le nombre de morts sur les routes, comme un meilleur entretien des infrastructures. On pense notamment aux motards qui sont les plus tributaires de l'état des routes et des autres dispositifs de sécurité notamment les glissières… Pourtant, sur ce point, les investissements sont en berne comme le déclarait Pierre Chasseray, délégué national de l'association 40 millions d'automobiliste, à L'Express. «Faute d'investissement, nous sommes arrivés au niveau national, sur l'ensemble du réseau, à un seuil d'à peine 45% de routes en bon état.» Il dénonçait également la baisse des crédits accordés par l'État et les collectivités pour l'entretien des routes qui «s'établissait à moins de 27% par an depuis 2011.»

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Selon radars-auto.com, sur les 920 millions d'euros émanant des radars automatiques cités plus haut, 72 millions sont reversés au titre du désendettement de l'État, 240 millions pour la Sécurité routière (campagne de sensibilisation, maintenance et ajout de radars), 350 millions à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (rénovation du réseau routier, aménagements de sécurité routière). Enfin, 255 millions ont été versés aux collectivités territoriales (circulation routière et transports en commun). Quant aux 898 millions d'euros liés aux contraventions de la police de la route, 388 millions sont destinés au désendettement de l'État et 438 millions d'euros aux collectivités.

Cette allocation des recettes est loin d'être satisfaisante pour les automobilistes. Dans un sondage réalisé par Mon auto assure sur les mesures qui pourraient être bénéfiques à la sécurité routière, 92% ont cité l'amélioration de l'état du réseau routier comme faisant partie de leurs préoccupations. 89% souhaiteraient une augmentation du nombre de rambardes de sécurité pour les motards. Quant aux mesures répressives, 59% des sondés souhaitent réduire les radars fixes pour encourager des contrôles physiques. Ils ne sont que 44% à soutenir la mesure des 80 km/h sur toutes les routes nationales…

Le gouvernement semble donc prendre le problème de la sécurité routière par le petit bout de la lorgnette, celui qui rapporte le plus et coûte le moins.

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