Liban: les législatives au cœur de l’affrontement entre l’Arabie saoudite et l’Iran

© Sputnik . Zahraa Al AmirLiban: les législatives
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Les Libanais ont voté. Si la participation est faible, les premiers résultats font apparaître le Hezbollah en gagnant et le parti du Premier ministre Hariri en vaincu. Mais au-delà de la scène nationale, que révèle cette élection sur le plan régional et international? L’Arabie saoudite est-elle le grand perdant de ces législatives? Analyse.

«Ce n'est pas le Hezbollah qui a gagné, mais c'est le Hezbollah qui a gagné avec ses alliés. La chose n'est pas aussi simple. On dit que la moitié des sièges lui revient? Non. La moitié des sièges revient au Hezbollah, à Amal, à leurs alliés, principalement chrétiens.»

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François Costantini, professeur associé à l'université Saint Joseph de Beyrouth et auteur de Le Liban, histoire et destin d'une exception, pointe une erreur qui s'est répandue dans la presse française ces dernières heures, qui considérerait que le parti chiite Hezbollah «devrait remporter plus de la moitié des sièges du Parlement». Le Parti de Dieu gagnerait plusieurs sièges par rapport aux dernières élections de 2009 et il obtiendrait avec son allié Amal 26 des 27 sièges réservés aux chiites, qui lui conféreraient une forte légitimité dans cette communauté composant un tiers de la population libanaise. Et en effet, avec leurs alliés électoraux chrétiens, dont le parti du Président Michel Aoun, cette alliance obtiendrait plus de la moitié des sièges du Parlement.

Le chef du mouvement Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est d'ailleurs exprimé ce lundi 7 mai par ces mots:

«Il y a une grande victoire morale et politique pour le choix de la résistance.»

L'autre grande indication qui ressort de ce scrutin est la défaite du camp du Premier ministre Saad Hariri.

La liste de ce dernier n'a pas réussi son pari d'augmenter sa représentativité dans le pays, passant au contraire de 33 à 21 sièges. Saad Hariri s'est exprimé sombrement en ces termes:

«Nous avions parié sur un meilleur résultat et un bloc plus large.»

S'il devrait conserver son poste de Premier ministre en gardant le leadership du bloc sunnite, il n'apparaît pas moins comme le battu des élections. Mais, si l'on peut considérer que ces élections législatives n'ont pas véritablement déséquilibré le jeu politique au Liban, elles pourraient grandement affecter la géopolitique de la région:

«L'Arabie saoudite perd au Liban, parce qu'elle n'a plus de représentation. Saad Hariri n'est pas l'homme de MBS. […] L'Arabie saoudite n'a plus de clientèle sunnite au Liban et cela, c'est une première depuis l'indépendance du Liban. L'Arabie saoudite est en effet sur le reculoir au Liban et de manière assez importante, notamment par rapport à l'Iran.»

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À l'instar de nombreux spécialistes du pays du Cèdre et notamment du grand reporter du Figaro George Malbrunot, qui considère que «le Liban est prisonnier des conflits régionaux», François Costantini analyse que ce scrutin a dessiné un grand perdant: l'Arabie saoudite.

De plus, François Costantini rappelle, que si, durant des décennies, le royaume saoudien influençait la politique libanaise, la «détention» en novembre dernier, à Riyad, de Saad Hariri et le score de ce dernier ce dimanche 6 mai, confirme la faiblesse politique de l'Arabie saoudite dans un pays impliqué, d'une manière ou d'une autre, dans la guerre en Syrie et dans les tensions du Moyen-Orient.

«L'Arabie saoudite paye sa stratégie régionale tous azimuts. À la fois conciliante avec Israël, l'Arabie saoudite mène une guerre particulièrement atroce au Yémen et son investissement en Syrie ne s'avère pas du tout payant et où, stratégiquement, l'Arabie saoudite est même dépassée par la Turquie d'Erdogan.»

Pour autant, François Costantini, appelle à relativiser la lecture du scrutin sur un plan international: si l'Arabie saoudite est le grand perdant, l'Iran ne doit pas être pour autant considéré comme un vainqueur:

«L'Iran n'a pas conforté ses positions, mais elle ne les a pas perdues par rapport à l'Arabie saoudite.»

Cependant, il apparaît très clairement que le Hezbollah a consolidé son pouvoir au Liban. Même si son soutien n'est que partiel au Liban, à cause de ses méthodes et ses actions parfois brutales, sa progression politique s'explique notamment par l'implication du parti chiite dans la guerre en Syrie et son soutien manifeste aux forces loyalistes du pouvoir de Damas:

«L'attitude du Hezbollah en Syrie est perçue de façon plutôt positive par une partie significative des Libanais, parce que pour eux le danger absolu est Daesh, Al Qaïda, Al-Nosra, même si le régime syrien n'a pas laissé de bons souvenirs dans le pays.»

Si l'Iran n'est pas le grand vainqueur de ces élections législatives au Liban, la puissance confortée de son allié le Hezbollah valide la politique régionale de Téhéran, notamment dans le conflit syrien.
Les dernières déclarations d'un autre acteur de conflit, ennemi du Hezbollah et de l'Iran, confirment que ce scrutin a des répercussions sur la paix et la stabilité de toute la région. En effet, Naftali Bennet, ministre israélien de l'Éducation, a déclaré ce lundi 7 mai:

«L'État d'Israël ne fera pas de différence entre l'État souverain du Liban et le Hezbollah et considérera le Liban comme responsable de toute action en provenance de son territoire.»

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Mais est-ce que le Liban pourrait être un nouveau théâtre de guerre en 2018, après sept années de conflit Syrie? Cette déclaration laisse clairement apparaître que Tel-Aviv, farouchement opposé à la puissance géopolitique de Téhéran, n'hésitera pas à déclencher des actions militaires au Liban. François Costantini, qui considère qu'une «déstabilisation étrangère est envisageable», voit cependant comme menace principale, non pas le Hezbollah qui «fait la loi au plan politique, sécuritaire, économique, et qui est plus un État dans l'État», mais le dossier nucléaire iranien:

«La clé de voûte est l'Accord nucléaire avec l'Iran. […] Une remise en cause de l'accord nucléaire iranien, validé à Genève en 2015, remettrait en quelque sorte tous les ingrédients d'affrontements sur la table. Cette remise en cause pourrait ouvrir une boîte de Pandore dans la région, c'est certain.»

Le Président Macron a lui aussi déclaré ces derniers jours que si les Américains et Donald Trump décidaient de sortir de l'accord nucléaire iranien, «il pourrait y avoir une guerre», on se doute bien que le Liban ne sera pas épargné, voire serait le premier touché. Un premier élément de réponse sera par le Président des États-Unis, qui annoncera sa decision avant le 12 mai prochain.

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