Loi Schiappa: le gouvernement souhaite-t-il décriminaliser le viol sur mineurs?

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Le viol doit rester un crime! Des associations dénoncent l’article 2 du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes. Il propose en effet de créer un nouveau délit: l’atteinte sexuelle avec pénétration. S’il cherche à alourdir les peines de prison, ses détracteurs craignent qu’il ne soit utilisé pour désengorger les Cours d’assises.

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Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes permettra-t-il aux violeurs d'échapper plus facilement à une condamnation pour crime? Actuellement débattue à l'Assemblée nationale, la loi Schiappa crée la polémique.

En effet, si certains points, comme l'allongement des délais de prescription pour les violences sur mineurs ou le dispositif anti-harcèlement de rue sont salués par certaines associations féministes, l'article 2 suscite, en revanche, de très vives réactions. En témoignent, la tribune de 250 personnalités qui demande le retrait pur et simple dudit article, une pétition qui a recueilli près de 91.000 signatures ou enfin une manifestation qui s'est tenue devant l'Assemblée nationale, ce mardi 15 mai, à l'initiative de l'Association Internationale des Victimes de l'Inceste (AIVA), militant également pour son retrait.

​Mais quels sont les reproches faits à ce fameux article 2? Pour les associations féministes telles que le Groupe F, le gouvernement souhaiterait «faire évoluer la loi sur les violences sexuelles et permettre que le viol d'un enfant, un crime, soit jugé comme un délit. L'article 2 du projet de loi sur les violences sexuelles change en effet la loi. Le gouvernement crée un nouveau délit, c'est "l'atteinte sexuelle avec pénétration". On parle donc d'un viol. Pour [le, ndlr] gouvernement, ce n'est pas un crime, c'est un délit.»

Néanmoins, le gouvernement s'inscrit en faux comme l'explique Christophe Castaner, porte-parole de LREM, dans son tweet:

​Ou encore Laetitia Avia, députée LREM, qui explique dans un post Facebook avoir «d'abord cru qu'il s'agissait de simples trolls sans grande portée, tant cette "fake news" est éloignée de la réalité.» Selon la députée, l'article 2, qui ajoute un nouveau délit d'atteinte sexuelle avec pénétration, «inscrit de manière claire et non équivoque l'âge de 15 ans, comme âge en dessous duquel le juge pourra déterminer qu'il y a eu viol, parce qu'un adulte aura abusé d'un enfant vulnérable […] Affirmer dans la loi la vulnérabilité du mineur de moins de 15 ans permet de mieux armer le juge et de lui donner les moyens d'établir un lien direct entre l'âge de l'enfant et la contrainte qu'il a subie. Le viol d'un mineur est donc un crime et il le restera, en toutes circonstances.»

Or, l'un des problèmes soulevés par les opposants à cet article de loi est la possibilité de correctionnalisation automatique du viol. Actuellement, environ 60 à 80% des viols qualifiés sont jugés en correctionnelle, donc requalifiés en délit et non en crime. En effet, le viol est défini par le Code pénal (article 222-23) comme:

«Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Les peines encourues sont de 15 ans de prison et 20 ans d'emprisonnement en cas de circonstances aggravantes.»

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Toutefois, il est difficile souvent pour la victime d'apporter la preuve de l'existence de l'un ou l'autre de ces quatre éléments lorsque les faits sont jugés devant une Cour d'assises. Faute de preuve, le doute profite bien souvent à l'accusé et augmente donc ses chances d'être acquitté.
Les juges préfèrent donc requalifier le viol en atteinte sexuelle, traitée par le tribunal correctionnel, qui est défini de la manière suivante:

«Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace, ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende», article 227-25 du Code pénal.

Volonté pour les juges de s'assurer qu'une peine soit prononcée en faveur de la victime? Une chose est sûre, cette procédure permet de désengorger les Cours d'assises, de raccourcir les délais de traitement des affaires, ce qui est positif pour le budget de la justice. Cette requalification reste problématique, car elle est souvent mal vécue par la victime qui considère, à juste titre, qu'il s'agit d'un crime et non pas d'un «simple» délit. Et l'article 2 de la loi pourrait étendre le champ d'application de cette correctionnalisation.

Néanmoins, l'article 2 du projet de loi durcit les peines pour atteinte sexuelle. En effet, si cet article est adopté, un majeur qui aurait une relation sexuelle consentie avec un mineur de moins de 15 ans écoperait d'une peine de 10 ans d'emprisonnement (contre 5 ans actuellement) en cas de pénétration. En outre, en cas d'absence de pénétration, la peine s'élèverait à 7 ans, contre 5 aujourd'hui.

Une notion aurait pu faire disparaître toute ambiguïté du texte de loi: la présomption irréfragable de non-consentement pour les mineurs. En effet, la proposition du gouvernement de vouloir mettre en place un seuil d'âge en dessous duquel tout rapport sexuel est considéré comme un viol est tombée aux oubliettes. La faute au Conseil d'État qui a retoqué cette mesure, estimant que cela risquait de porter atteinte à la présomption d'innocence de l'adulte mis en cause.

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