MH17: retour sur une tragédie au cœur d’une «Guerre froide 2.0»

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Débris du vol MH17 - Sputnik Afrique
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Le MH17 aurait été abattu par l’armée russe. Sur la base du rapport des enquêteurs internationaux, les autorités néerlandaises accusent sans détour Moscou d’être à l’origine de la catastrophe et entendent porter l’affaire devant la Justice. Pourtant, quatre ans après la tragédie, des interrogations essentielles demeurent. Revue de détail.

Moscou de nouveau pointé du doigt dans la tragédie du MH17. Ce Boeing triple 7 de la Malaysia Airlines, reliant Amsterdam à Kuala Lumpur, avait été abattu le 17 juillet 2014 au-dessus de l'Est séparatiste, prorusse, de l'Ukraine. Une catastrophe qui avait causé la mort des 298 passagers et membres d'équipage, ouvrant la voie aux sanctions occidentales contre la Russie qui fut immédiatement accusée. Des accusations que le rapport des enquêteurs internationaux (JIT) tend à confirmer:

«En se basant sur les conclusions de la JIT, il est maintenant évident pour les Pays-Bas et l'Australie que la Russie est responsable du déploiement du système de missiles Bouk utilisé pour abattre l'avion»,

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Souligne ainsi le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Stef Blok, ajoutant que «le gouvernement agit ainsi pour rendre la Russie officiellement responsable». Un gouvernement, néerlandais, dont le Premier ministre Mark Rutte a confirmé la décision d'accuser formellement l'armée russe, d'autant plus que cette déclaration pourrait ouvrir la voie à des poursuites judiciaires devant une cour internationale.

Des conclusions d'enquête et des accusations qui —hasard du calendrier- sont intervenues le jour même de l'ouverture du forum économique de Saint-Pétersbourg. «Cette information peut-elle compliquer les tentatives de rapprochement avec la Russie?» avait d'ailleurs directement demandé un journaliste de RTL à Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse commune avec Vladimir Poutine en marge du forum.

Du côté de Moscou, les réactions ne se sont pas fait attendre, évoquant principalement des spéculations. Tout d'abord de la part de Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, qui a accusé La Haye de «spéculer» sur la catastrophe du MH17 «à des fins politiques». Le chef de la diplomatie russe se faisant insistant sur le fait que les Pays-Bas n'auraient présenté «aucun fait» permettant d'accuser la Russie.

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Le lendemain, ce fut au tour du ministère russe de la Défense d'évoquer des «spéculations stupides», cette fois-ci en réponse au collectif de journalistes Bellingcat qui lors d'une conférence de presse le 25 mai affirmait avoir identifié l'un des principaux responsables de la catastrophe: Oleg Ivannikov, une personne «occupant une haute fonction au sein de l'armée russe» et aurait également agi en Syrie. Le Ministère s'étonnait que les enquêteurs néerlandais puissent prêter attention aux éléments avancés par Bellingcat, notamment une communication qui aurait été interceptée par le SBU.

«Les objectifs des auteurs de cette attaque propagandiste coordonnée sont bien au-delà de la recherche de la vérité et des tentatives d'aider les familles des victimes du Boeing MH17 mortes en Ukraine,» concluait le Ministère russe de la Défense.

Depuis le forum de Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine répondait à la question de RTL «je le répète, il n'y a rien qui puisse nous inspirer confiance en tant que conclusions définitives, et il n'y en aura pas sans notre pleine participation à l'enquête.»

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Un non-accès au dossier ainsi qu'un manque d'impartialité de l'enquête, deux points que met en avant Moscou depuis le début de l'instruction et sur lesquels revient l'auteur franco-Serbe Nikola Mirkovic, également président fondateur de l'association humanitaire Ouest-Est, active dans les zones du Donbass contrôlées par les rebelles.

«Vu qui est derrière cette équipe d'enquête, je ne crois pas du tout à la neutralité. Peut-être ont-ils raison, peut-être ont-ils tort, en tout cas je ne crois pas qu'ils soient neutres.»

Celui-ci revient sur cette enquête qui dure depuis plus de trois ans ainsi que, notamment, sur le statut de membre de l'OTAN des Pays-Bas ou encore de la participation des autorités ukrainiennes à l'enquête alors même que Kiev est également accusée d'avoir abattu l'avion.

Cela montre que ce tribunal n'est pas forcément objectif et c'est la conclusion que je tire, moi, de cette annonce aujourd'hui. Et je signale en plus qu'ils n'ont pas montré de preuves. Il y a une Guerre froide 2.0 entre pays membres de l'OTAN et la Russie, complète Nikola Mirkovic.

Des informations «quand même assez neutres» estime pour sa part Xavier Tytelman, ancien pilote, aujourd'hui spécialiste de la sécurité aérienne auprès du Centre de traitement de la peur de l'avion. Comme il le souligne, la présence de l'Ukraine fait partie de la procédure habituelle lors d'une enquête lors d'une catastrophe aérienne. Il souligne par ailleurs que «la Russie avait refusé qu'une commission d'enquête internationale soit menée par l'ONU» et aurait fait «de la rétention d'informations sur les données des contrôles aériens,» lui valant d'être «pointée du doigt comme n'ayant pas totalement collaboré.»

«On a une volonté russe de vouloir rentrer dans le dossier pour participer à l'enquête. Néanmoins, les réglementations internationales sont claires: les pays qui sont dans une enquête sont soit les pays du constructeur de l'avion —donc là, c'est Boeing, c'est les Américains-, les pays de décollage et d'atterrissage de l'avion et les pays dans lesquels on a des morts.»

Cependant, Xavier Tytelman s'inquiète de la contribution —directe ou indirecte- de Bellingcat à l'enquête.

«On se souvient de l'association Bellingcat qui est tout à fait pro-ukrainienne et donc évidemment, quand vous avez un parti qui est pro-ukrainien et qui s'immisce d'une enquête, c'est problématique.»

Élément particulièrement mis en avant depuis le 24 mai: selon le rapport d'enquête, le missile Bouk qui aurait abattu l'avion de Malaysia Airlines proviendrait de la 53e brigade antiaérienne russe basée à Koursk.
Reste cependant l'inconnue de l'origine du tir. En effet, le Bouk est un système de missiles antiaériens de fabrication russe, mais en dotation dans les armées d'autres pays, dont l'Ukraine. Un argument que rappellent d'ailleurs fréquemment les autorités russes.

«Le lance-missile en question, le Bouk, est de fabrication russe et donc, du coup, que les missiles tirés par cet appareil soient de fabrication russe est tout à fait possible. Maintenant, ce qui compte n'est pas qui a fabriqué le matériel, mais qui l'a utilisé. Or, ce matériel est répandu à travers l'ex-Union soviétique,» souligne Nikola Mirkovic.

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Pour autant, si «dans l'absolu, on peut imaginer que vous ayez des militaires ukrainiens qui soient formés à l'utilisation de ces missiles,» comme l'évoque Xavier Tytelman, cela reste pour lui «assez compliqué d'imaginer qu'on puisse avoir d'autres personnels que les Russes», soulignant le besoin de formation que l'équipe de servants doit avoir pour opérer correctement les différents éléments d'une batterie Bouk (module de visée, de conduite de tir et la plateforme de tir elle-même.)

«On imagine difficilement que des rebelles qui savent se servir uniquement d'une kalachnikov puissent tirer un missile aussi complexe,» ajoute l'ancien pilote.

Un avis que partagent finalement tant les experts que les autorités ukrainiennes, russes et occidentales.

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