Référendum en Macédoine: un camouflet pour l’UE et l’Otan?

© REUTERS / Ognen TeofilovskiUn poster "La UE para ti" en Macedonia
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Pouvoir et opposition revendiquent la victoire au lendemain du référendum sur le changement de nom de la Macédoine, étape cruciale vers une possible adhésion à l’Union européenne et à l’Otan. Cette légitimité contestée complique les plans du gouvernement. Ce que regrette le général Dominique Trinquand pour qui le pays a son avenir en Europe.

«Êtes-vous pour l'adhésion à l'UE et à l'Otan, en acceptant l'accord avec la Grèce?». Voici la question à laquelle devait répondre les électeurs macédoniens le 30 septembre. Et si le camp du «oui» exultait au lendemain du scrutin avec plus de 91% de votes favorables, son enthousiasme était quelque peu refroidi par le très faible taux de participation. En effet, les 36,91% d'inscrits ne donnent pas la légitimité attendue au camp du «oui».

​En juin dernier, les Premiers ministres macédonien Zoran Zaev et grec Alexis Tsipras ont signé un accord prévoyant de changer le nom de la petite nation des Balkans en «République de Macédoine du nord». Source d'une brouille diplomatique qui dure depuis un quart de siècle, le nom de «République de Macédoine» irrite fortement Athènes qui considère qu'il s'agit d'une appropriation culturelle et patrimoniale. Pour les Grecs, la Macédoine reste la province septentrionale autour de Thessalonique. Un différend qui pousse les Hellènes, membres de l'UE et de l'Otan, à bloquer toute initiative macédonienne pour joindre l'Alliance ou l'Union européenne. Les opposants du social-démocrate Zoran Zaev voient dans cet accord un renoncement humiliant. «Nous n'avons pas de problèmes de nom ou d'identité ici… Nous avons un problème sur le fait que quelqu'un d'autre nous l'impose», a expliqué à l'AFP Ana Bobinkova Mijakovska, professeure de philosophie de 47 ans. De nombreux appels au boycott ont donc été lancés avant le scrutin. Pour le principal opposant et chef de file de la droite Hristijan Mickoski, «le gouvernement a perdu sa légitimité».

L'UE, l'Otan et Washington se félicitent

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Plus qu'une question relative à l'héritage d'Alexandre le Grand, c'est bien la fin du blocage grecque concernant l'adhésion macédonienne à l'UE et à l'Otan qui est au centre des débats. Pour preuve, la question posée lors du référendum ne faisait pas mention de la «République de Macédoine du nord». «Je pense que l'immense majorité des citoyens qui ont voté ont choisi la voie européenne», déclarait quant à lui le Premier ministre macédonien après le scrutin.

«L'enjeu numéro un est l'Union européenne. Le gouvernement met cela en avant car il aimerait beaucoup la rejoindre. Je ne pense pas que le fait que deux tiers des électeurs ne se soient pas déplacés traduise un refus de l'UE. Je pense au contraire que le peuple macédonien souhaite l'intégrer car elle représente pour lui l'avenir sur le plan du développement. Je rappelle que les élections qui touchent à l'Union européen ont du mal à mobiliser», analyse pour Sputnik France Dominique Trinquand, général à la retraite de l'armée française devenu consultant.

Les dirigeants bruxellois se sont d'ailleurs félicités de la victoire du «oui» malgré son manque d'assise électorale. Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l'UE et son collègue Johannes Hahn, commissaire en charge de l'Élargissement, se sont fendus d'un communiqué commun: «C'est une chance historique non seulement pour la réconciliation dans la région, mais aussi pour faire avancer de manière décisive le pays» sur la voie de son adhésion à l'UE. L'Otan et les États-Unis se sont également joints au concert de louanges. L'Alliance a appelé «tous les dirigeants politiques et les partis à saisir cette occasion historique».

​Du côté de Washington, le département d'État a publié un communiqué. Les États-Unis encouragent le pays «à s'élever au-dessus des divisions partisanes et saisir cette occasion historique d'assurer au pays un avenir plus radieux en tant que membre à part entière des institutions occidentales».

«J'aimerais une bonne fois pour toute qu'on arrête de parler de l'Otan quand le vrai sujet est l'Union européenne. Que les Américains ramènent à eux le fait que les Macédoniens veuillent devenir européens c'est leur problème. Ce qui me paraît le plus important au sujet de la Macédoine aujourd'hui ce n'est pas de rejoindre l'Otan. Qu'est-ce que la Macédoine va apporter à l'Otan comme force? Par contre, la participation de la Macédoine à l'Union européenne contribuerait à une certaine cohésion à la fois des territoires et des peuples européens. Ça c'est important. Pour l'Otan, cela ne présente aucun intérêt», explique pour sa part Dominique Trinquand.

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Commission électorale: le référendum en Macédoine n’est pas considéré valide
Ce dernier, qui a participé aux opérations militaires françaises lors des guerres d'ex-Yougoslavie, s'inquiète d'un possible regain de tensions dans la région. Pendant que le gouvernement macédonien lorgne vers Washington et Bruxelles, le leader d'un autre pays des Balkans penche plus à l'est. Alors qu'il répondait récemment aux questions des journalistes lors d'une conférence de presse, le Président serbe Aleksandar Vucic a dit vouloir demander l'avis et le soutien de Vladimir Poutine concernant les récents regains de tensions au Kosovo. «La Russie et les États-Unis jouent aujourd'hui à se faire peur. Les schémas qui se sont effondrés dans les années 90 sont simplistes et permettent de dresser un camp contre l'autre. Aujourd'hui, le monde dans lequel nous vivons n'est plus celui-là. Et il ne faut surtout pas y revenir», prévient Dominique Trinquand, avant de poursuivre:

«Cette espère de radicalisation qui se produit entre l'Otan et l'ex-pacte de Varsovie qui, aujourd'hui, n'est plus représenté que par la Russie, m'insupporte. On revient à des schémas que l'on a voulu fuir. Et les fautes sont partagées. Je ne dis que c'est la faute uniquement de la Russie. Il y aussi les Européens qui n'ont pas su ouvrir les bras au moment où il le fallait et les Américains qui veulent radicaliser leurs positions. Il faut dépasser tout cela. Je suis un militaire mais je suis diplomate.»

Concernant l'accord gréco-macédonien, c'est au parlement de Skopje que se jouera le prochain acte. En comptant ses alliés des partis de la minorité albanaise qui représente 20 à 25% des 2,1 millions d'habitants du pays, Zoran Zaev n'a toujours pas la majorité des deux-tiers requise. Il lui manque 11 élus de l'opposition. Même divisée, il est peu crédible qu'elle lui donne satisfaction. Le 1er octobre, la ministre de la Défense Radmila Sekerinska a annoncé que son gouvernement se donnait une semaine pour convaincre les 11 députés manquant. En cas d'échec, des élections parlementaires anticipées seront organisées. Pour le commentateur politique Aco Abranov, cité par l'AFP, c'est bien le chemin que l'on prend: «Zaev ne va pas réussir au parlement et nous aurons bientôt des élections.»

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