Le moins que l'on puisse dire est que la «bromance» entre Donald Trump et Emmanuel Macron a du plomb dans l'aile. Pour dire les choses comme elles le sont, le Président de la République est désormais ciblé par le 45e locataire de la Maison-Blanche, qui n'a jamais épargné ses alliés.
Ce mardi, dans une salve de tweets, le Président américain, désireux de prouver au monde son statut de leader numéro 1, a attaqué frontalement le Français, rompant avec leurs relations amicales des débuts. Comment la rhétorique de Donald Trump a-t-elle pu changer en moins d'une année? Un regard en arrière sur la dégradation des relations, d'abord très amicales, puis en points de discorde.
Première rencontre, premières impressions
Elle s'est passée à l'ambassade des États-Unis à Bruxelles en marge du sommet de l'Otan le 25 mai 2017, peu après l'investiture d'Emmanuel Macron.
«Vous avez mené une campagne incroyable et remporté une formidable victoire. (…) Le monde entier en a parlé. On a un agenda extrêmement large à discuter au sujet de la lutte contre le terrorisme, l'économie, les sujets climatiques et énergétiques», a alors salué Donald Trump.
Un an et demi plus tard, il ne semble pas si ravi de l'exercice du pouvoir de M.Macron, lançant une pique à la côte de popularité de ce dernier…
The problem is that Emmanuel suffers from a very low Approval Rating in France, 26%, and an unemployment rate of almost 10%. He was just trying to get onto another subject. By the way, there is no country more Nationalist than France, very proud people-and rightfully so!……..
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 13 novembre 2018
La réorientation des intérêts
En juillet 2017, au sommet du G20, Emmanuel Macron avait affiché une proximité stratégique avec le locataire de la Maison-Blanche, scellée le 14 juillet, lorsque Donald Trump avait été convié au traditionnel défilé militaire de la Fête nationale, sur les Champs-Élysées.
President @EmmanuelMacron,
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 14 juillet 2017
Thank you for inviting Melania and myself to such a historic celebration in France. #BastilleDay #14juillet pic.twitter.com/KZjJQOo0H1
Toutefois, les visites de Donald Trump en France sont, évidemment, devenues si fréquentes qu'il décide de rater délibérément certains événements, comme l'a montré la commémoration de l'Armistice. D'abord, il ne s'est pas rendu à un cimetière américain en France, puis, dans une démonstration de force, n'a pas rejoint M.Macron et les autres chefs d'État à l'Élysée, bien qu'il soit arrivé quelques jours en avance, et a préféré se rendre directement à l'Arc de Triomphe, tout comme Vladimir Poutine.
Encore en juillet 2017, le Président américain tweetait à propos de sa visite à Paris: «Une rencontre bilatérale excellente au palais de l'Élysée avec le Président Emmanuel Macron. L'amitié entre nos nations et entre nous est incassable.»
Great bilateral meetings at Élysée Palace w/ President @EmmanuelMacron. The friendship between our two nations and ourselves is unbreakable. pic.twitter.com/IOSoC0MdPv
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 13 juillet 2017
Réuni avec Emmanuel Macron en marge du sommet de l'Otan en juillet 2018, M.Trump l'a qualifié d'ami et a pointé un partenariat réussi entre les États-Unis et la France. Pour sa part, le dirigeant français a rappelé dans sa langue maternelle qu'il y a à peu près un an, Trump et sa délégation avaient assisté à la Fête nationale et que depuis ils n'avaient pas cessé d'échanger de manière régulière. Bien que le Président américain ne comprenne pas le français, il a accueilli chaleureusement le discours de son homologue.
«Ça sonnait magnifiquement bien, mais je n'ai aucune idée de ce qu'il a dit», a alors répondu Trump, provoquant des éclats de rire.
Et puis, cette «amitié» s'est dégradée jusqu'à des reproches mutuels. Pendant le discours de M.Macron, le 11 novembre, devant près de 70 chefs d'État, le Président Trump ne s'est pas montré aussi attentif et cordial. Pendant qu'Emmanuel Macron critiquait le nationalisme, les expressions qu'on pouvait observer sur le visage de Donald Trump parlaient d'elles-mêmes:
Avec conviction ou insolence devant #Trump… Le Président Macron parle sans détour contre le nationalisme #visages de l'instant pic.twitter.com/RrIceI4nIG
— Maitha Lobjois (@Maithalobjois) 11 novembre 2018
Sans surprise, le Président américain a vu dans ce discours une pique lancée contre lui: lors d'un rassemblement à Houston en octobre dernier, il s'est déclaré nationaliste, en défendant l'économie américaine contre l'UE.
Lors du même long discours de son homologue français, il a préféré entre autres détourner son attention vers le roi du Maroc, qui n'a pas pu résister au sommeil…
#Centenaire1918
— Alex (@AlexLeroy90) 12 novembre 2018
Le roi du Maroc dort pendant le discours de Macron pour le #11novembre.
Regardez le regard de Trump 😂 pic.twitter.com/4fYfqXWfg1
L'Otan, pomme de discorde
Presque depuis son installation à la Maison-Blanche, Donald Trump a commencé à reprocher aux pays européens de ne pas contribuer suffisamment aux finances de l'Otan. L'Allemagne et la France se sont retrouvées notamment dans le viseur du Président américain.
Le Président Macron se montrait clément face aux exigences de son homologue américain dans un premier temps, prônant une Otan forte.
Mais récemment, il a défendu l'idée de créer «une vraie armée européenne» pour avoir une Europe «qui se défend davantage seule, sans dépendre seulement des États-Unis et de manière plus souveraine», ce qui a ébranlé l'importance de l'Otan aux yeux du monde. Le tollé du côté américain a été ainsi assuré: M.Trump s'est fendu d'une véritable diatribe contre son homologue français pour défendre le rôle de l'Otan et faire sauter l'idée d'une armée européenne.
President Macron of France has just suggested that Europe build its own military in order to protect itself from the U.S., China and Russia. Very insulting, but perhaps Europe should first pay its fair share of NATO, which the U.S. subsidizes greatly!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 9 novembre 2018
Les touchers intimes
Une place particulière des relations entre le Français et l'Américain appartient au contact physique. Lors des premières rencontres, les deux chefs d'État se montraient ravis de se tenir par la main, de se faire des accolades, et même de s'occuper des pellicules de l'autre…
.@RealDonaldTrump & French President @EmmanuelMacron can't keep their hands off each other pic.twitter.com/mKR3VYtFGL
— Jimmy Kimmel (@jimmykimmel) 25 avril 2018
Mais aucune idylle ne peut durer éternellement. Car Donald Trump a mal vécu le souhait d'Emmanuel Macron de créer une «armée européenne», ce 10 novembre à l'Élysée, le Président français a tenté, par les mots et par les gestes, de l'apaiser.
Hélas, sans résultat. La main sur le genou du Président américain, puis sur la cuisse avec l'air ému et un regard attendri n'ont pas porté leurs fruits: l'Américain restait imperméable aux avances du Français.
Mais une chose n'a pas changé depuis leur première rencontre: le duel des poignées de main, visant à démontrer le pouvoir et la domination de chacun.
Incontestablement maître des poignées de main, #Trump a été cette fois-ci surpassé lors du «duel» par #Macronhttps://t.co/kGAhWfrRHU pic.twitter.com/jdlXC8m9Xn
— Sputnik France (@sputnik_fr) 25 mai 2017
Ainsi, la série de tweets de Donald Trump contre la France et son Président est un énième coup de sang qui s'ajoute à une longue liste d'attaques contre d'autres dirigeants internationaux, dont Angela Merkel, Justin Trudeau et Theresa May.