Syrie–Émirats: une révolution géostratégique simple comme un coup de fil?

© Sputnik . Alexeï Nikolski / Accéder à la base multimédiaBachar el-Assad
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En pleine crise du coronavirus, les chefs d’État syrien et émirati se sont entretenus au téléphone pour la première fois depuis le début du conflit en Syrie. Un appel lourd de sens qui met en lumière la métamorphose du jeu d’alliance qui était en place depuis au moins dix ans. Analyse.

À l’inverse des diamants, les alliances ne sont pas éternelles, particulièrement au Moyen-Orient. Un simple coup de téléphone suffit parfois à les bouleverser: la politique étrangère des Émirats arabes unis en est un bon exemple. Viscéralement opposé au gouvernement de Bachar el-Assad, Abu Dhabi a été l’un des plus farouches adversaires de Damas durant les dix dernières années de guerre en Syrie, soutenant ouvertement les différentes oppositions sunnites au gouvernement syrien, y compris les plus radicales, et coupant tout lien diplomatique avec celui-ci.

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Pourtant, depuis plus d’un an, l’Émirat envoie de plus en plus de signaux montrant un changement de politique vis-à-vis de la Syrie. Ainsi, l’agence de presse syrienne SANA a-t-elle confirmé le 27 mars dernier un échange téléphonique entre les chefs d’État de ces deux pays. Une première depuis le début de la guerre en Syrie, qui confirme la tendance de rapprochement amorcée fin 2018 par la réouverture de l’ambassade émiratie à Damas.

«J’ai discuté avec le président syrien [...] des derniers développements liés au Covid-19. Je l’ai assuré du soutien des Émirats arabes unis et de la volonté d’aider le peuple syrien», a écrit Mohamed Ben Zayed, le prince héritier émirati, sur ses réseaux sociaux. «La solidarité humanitaire dans les temps difficiles l’emporte sur toutes les considérations et la Syrie et son peuple ne seront pas seuls», a-t-il ajouté.

Longtemps hostile au gouvernement de Damas, comme les autres monarchies du Golfe, l’Émirat profiterait de la crise du coronavirus pour revoir ses alliances au Moyen-Orient… et au-delà.

​C’est ce qu’affirme une source diplomatique proche du dossier cité par le quotidien libanais, L’Orient-Le Jour. Une volte-face qui ne plaît guère aux chancelleries occidentales: «les Occidentaux, Américains et Français en tête, étaient contre», ajoute cette source.

Refroidissement des relations entre les États-Unis et les monarchies du Golfe 

Surtout que ce réchauffement des relations s’inscrit dans un contexte géostratégique plus large, dont les enjeux dépassent largement la Syrie et les Émirats arabes unis. En effet, sur fond de conflit syrien, les monarchies du Golfe et la Russie ont longtemps entretenu des relations froides, pour ne pas dire hostiles. Depuis 2018, la situation a évolué. C’est ce que nous expliquait au micro de Sputnik Olivier Da Lage, l’un des rédacteurs en chef de RFI, auteur de nombreux ouvrages sur le Moyen-Orient et la péninsule arabique. Selon lui, les relations sont désormais

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«Plutôt bonnes, je dirais même pragmatiques. Ces monarchies ont pris acte que la Russie avait pris la main dans la région, notamment dans le dossier syrien. D’autre part, elles sont un peu inquiètes de l’inconstance de Donald Trump et se demandent si la garantie américaine jouera. J’ajoute qu’il y a des intérêts pétroliers et gaziers communs qui font que ces pays ont des choses à se dire.»

Au contraire, les relations entre les monarchies du Golfe et les États-Unis, allié traditionnel de celles-ci, se sont grandement détériorées ces dernières années. Le désengagement progressif des forces américaines de la région, mais surtout le manque de soutien de Washington lors de l’attaque par missile balistique d’un site d’Aramco, attribué aux Iraniens, ont fait perdre aux monarchies la confiance qu’elles avaient vis-à-vis des États-Unis.

Le coronavirus, une occasion de consolider d’autres relations

Selon cette même source diplomatique citée par L’Orient-Le Jour, Mohamed Ben Zayed (MBZ), essaye donc de se rapprocher des Pékin et de Moscou, et cet appel reconnu publiquement par le prince émirati en est une preuve flagrante. Dans la même logique, les relations avec l’Iran se sont détendues, plusieurs délégations émiraties se sont même rendues en Iran l’année dernière. Un changement de politique étrangère qui plaît du côté de Moscou. Ben Zayed le sait, et compte tirer un maximum de profit de cette relation avec la Russie:

«Il [Mohamed Ben Zayed, ndlr] a déjà gagné des dizaines de contrats, d’armements, de gaz, d’infrastructures, mais aussi de coopération spatiale», affirme la source diplomatique. 
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