Pandémie du Covid-19 et l'équilibre d'une présence militaire: «Ça peut rendre nerveux au Pentagone»

© AP Photo / Mary AltafferConseil de sécurité de l'Onu
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Silencieux sur la crise du Covid-19 et ses conséquences, le Conseil de sécurité n’arrive pas à élaborer une position commune. Le général Trinquand et le politologue suisse Arnaud Dotézac aident Sputnik à décrypter les blocages au sein de la plus haute instance de l’Onu.

Pas un mot sur le Covid-19 de la part du Conseil de sécurité (CS) de l’Onu. L’organe principal de maintien de la paix n’arrive pas à définir de position sur la pandémie, pourtant débattue depuis plusieurs semaines. Le CS télétravaille sur un projet de déclaration proposé par l’Estonie, qui fait le tour des représentations des pays membres. Elle souligne «la préoccupation croissante» des quinze membres du Conseil de sécurité face à la pandémie «qui pourrait constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales».

«“Menace sur le monde” possible, mais sur la paix, non!»

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Pour le général (2 S) Dominique Trinquand, ex-chef de mission militaire auprès de l’Onu, spécialiste de la gestion de crise et des opérations de maintien de la paix, ce silence est compréhensible, puisque «le Conseil de sécurité a autorité d’agir lorsqu’il y a menace sur la paix dans le monde».

«Aujourd’hui, les 15 membres [du Conseil de sécurité, ndlr] ne sont pas d’accord que le coronavirus soit une menace sur la paix. Une “menace sur le monde”, c’est possible, mais sur la paix, non», détaille Dominique Trinquand.

Le général cite l’article 24 de la Charte de l’Onu, qui indique que «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales» est conférée au Conseil de sécurité et souligne que «même si on mène une “guerre” contre le coronavirus, il n’y a pas de menace pour la paix.»

«Pour intervenir, même verbalement, il faut qu’ils se saisissent eux-mêmes, il faut que les quinze soient d’accord pour se saisir. Apparemment, ils ne sont pas d’accord», martèle Dominique Trinquand.

Guerre sanitaire, guerre sémantique, guerre politique? Les médias mentionnent un désaccord sur la rédaction du document en préparation. Le CS ressemble en effet de plus en plus à une pétaudière.

La discorde au sein des 15 sur le contenu d’une résolution

Les États-Unis demandent que l’origine du virus, la ville chinoise de Wuhan, soit absolument citée, les diplomates chinois se mettent en colère et les dix membres élus ne voient pas d’un bon œil la proposition de la France «de reprendre une négociation en petit comité, entre les cinq membres permanents». Derrière ces bisbilles, se cachent pourtant des préoccupations bien concrètes:

«Par exemple, la Russie et la Chine ne veulent pas que le Conseil de sécurité puisse avoir des chances de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays», souligne l’ex-chef de mission militaire auprès de l’Onu.

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«Voter une résolution du Conseil de sécurité, c’est comme créer une recette, plaisante Arnaud Dotézac, il faut que ça plaise à tout le monde.» Ex-directeur des rédactions de Market magazine, basé à Genève, et versé sur les questions de géopolitique, de conflits et sur l’Otan, il ajoute que chacun des membres permanents peut exercer son veto et dire «on ne mangera pas de ce plat».

«Les bruits de couloir disent que les Chinois n’ont pas apprécié que les Américains appellent le coronavirus “chinois”. Ça sous-entendrait qu’il a peut-être une origine belliqueuse. Pour la Chine, qui présidait le Conseil de sécurité, il est hors de question d’accepter une résolution qui désignerait l’origine du virus comme le résultat d’une faute, d’un test biologique ou militaire», assure Arnaud Dotézac.

Le journaliste suisse rappelle également que «si on regardait les précédents importants, le Sida ou le virus Ebola, les prises de position du Conseil de sécurité ont été toujours en relation avec la sécurité des pays en conflit».

Le Covid-19 affaiblira-t-il les USA au point de menacer leur suprématie?

Ainsi, avec Ebola, on craignait que dans les pays en guerre, les affrontements n’augmentent la pandémie. Le CS a évoqué le Sida, sous l’angle des viols…

«Il y a une limite entre “s’occuper des menaces sur la paix” et “s’occuper des interférences entre l’épidémie et les zones des conflits”. Ce n’est pas du ressort du Conseil de sécurité», confirme Dominique Trinquand.

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Le général ne voit pas non plus les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France «être moteur sur le sujet de la pandémie de coronavirus». Par contre, pour Arnaud Dotézac, les pays membres peuvent encore se mettre d’accord sur «le danger pour la sécurité» que représente la pandémie. Il présage un affaiblissement des forces armées des États-Unis qui pourrait créer «l’occasion pour d’autres troupes de s’installer [dans les points cardinaux, ndlr] suite au retrait des troupes de l’Otan»: «L’armée américaine, qui aiguisait ses couteaux et montrait ses muscles, est extrêmement affaiblie en ce moment. L’exercice Defender 2020, destiné à faire peur à la Russie, c’est cuit.»

«Il y a une telle épidémie dans les navires américains que non seulement ils sont à quai en quarantaine, mais que le Pentagone a interdit à l’ensemble des Armes de diffuser des statistiques sur la pandémie. L’activité militaire se maintient, mais il y a des retraits et une fragilisation de la troupe américaine. Ça peut rendre nerveux au Pentagone», conclut Arnaud Dotézac.

Outre-Atlantique, le Conseil de sécurité ne chôme pour autant pas face au Covid-19: le 31 mars, il a adopté à l’unanimité la Résolution 2518, la première de ce type, promettant de prendre des mesures sur tous les plans afin de garantir la sécurité des 95.000 Casques bleus en service actif dans treize zones de mission.

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