«Si la Syrie s’entend militairement avec les Émirats, Erdogan est fichu», selon Bassam Tahhan

© Sputnik . Maksim Blinov / Accéder à la base multimédiaRecep Tayyip Erdogan
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Alors que la crise du coronavirus fait rage, la situation en Syrie connaît des évolutions majeures. Un rapprochement s’opère entre Abou Dhabi et Damas. D’après Bassam Tahhan, politologue franco-syrien et spécialiste de la région, il pourrait s’agir d’un événement de nature à faire basculer l’avenir du conflit.
«Une grande victoire pour les diplomaties syrienne et émiratie.»

Voici comment le politologue franco-syrien Bassam Tahhan qualifie le rapprochement diplomatique entamé entre la Syrie et les Émirats arabes unis. Ce dernier connaît un coup d’accélérateur ces dernières semaines, notamment depuis fin mars, quand le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad ben Zayed Al Nahyane (MBZ) et le Président syrien Bachar el-Assad se sont entretenus par téléphone au sujet de la pandémie de coronavirus, désormais responsable de plus de 109.000 morts à travers la planète.

«Malgré la catastrophe sanitaire que représente le coronavirus, nous pouvons dire que la période actuelle est plutôt positive pour la Syrie. Le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed Al Nahyane (MBZ), homme fort des Émirats arabes unis, a récemment appelé Bachar el-Assad pour l’assurer de son soutien dans la lutte contre le coronavirus», analyse Bassam Tahhan.

Seulement un début?

Pourquoi est-ce si important pour l’avenir du conflit?

«Il faut comprendre que MBZ aspire à être un leader du monde arabe. Il est le digne héritier de son père qui était connu pour ses largesses envers les pays arabes tels que le Yémen, où il a aidé à construire un barrage, ou encore l’Égypte, où il a participé à l’agrandissement du Nil. MBZ a de grandes vues sur les plans économique et politique pour le monde arabe. Il aspire en quelque sorte à devenir le nouveau Nasser», explique Bassam Tahhan.

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D’après le politologue spécialiste de la Syrie et ex-maître de conférences d’arabe à l’École polytechnique, MBZ avance donc ses pions sur l’échiquier du Moyen-Orient avec Ankara en ligne de mire:

«Nous le voyons bien avec l’intervention de MBZ au Yémen ainsi qu’en Libye où il soutient le maréchal Haftar contre le gouvernement de Tripoli dirigé par Fayez el-Sarraj et soutenu par la Turquie. Il se dit tout simplement: l’ennemi de mon ennemi est mon ami. D’où cette volonté de rapprochement avec Bachar el-Assad, grand ennemi d’Ankara. Si la Syrie s’entend militairement avec les Émirats, Erdogan est fichu.»

D’après Bassam Tahhan, Moscou, soutient indéfectible du Président Assad, a poussé pour ce rapprochement syro-émirati. C’est également l’avis d’une source diplomatique citée par L’Orient-Le jour:

«Ce sont les Russes qui ont tout organisé.» «Les Occidentaux, Américains et Français en tête, étaient contre.»

Un début de rapprochement entre les Émirats arabes unis et la Syrie avait été amorcé en décembre 2018, quand les premiers ont rouvert leur ambassade à Damas.

«L’avenir des relations syro-émiraties est possiblement grand. MBZ pourrait très bien jouer un rôle de taille dans la reconstruction de la Syrie. Et c’est un gâteau de taille», explique Bassam Tahhan.

D’autant plus que les relations entre la Turquie et Damas sont loin d’être apaisées.

«La situation à Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, est toujours très tendue. Erdogan continue de soutenir des combattants islamistes dans la région alors même que les relations ne sont pas au beau fixe et que certains de ces combattants échappent au contrôle d’Ankara. Beaucoup n’ont pas du tout apprécié l’accord de cessez-le-feu signé entre la Russie et la Turquie le 5 mars», souligne Bassam Tahhan.

La crise du coronavirus a jeté de l’huile sur le feu. Déchirée par neuf années de guerre, la Syrie pourrait être un terreau fertile à la propagation du Covid-19, ce qui aurait pour effet d’aggraver la catastrophe sanitaire que vit le pays depuis plusieurs années à cause de la crise sécuritaire. L’Organisation mondiale de la santé a fourni du matériel à Damas, notamment des tests, afin de lutter contre l’épidémie. De quoi permettre à Ankara de s’en prendre à nouveau à la Syrie, à tort selon Bassam Tahhan:

«La Turquie accuse la Syrie d’instrumentaliser l’OMS et demande à Damas d’amener l’aide reçu dans la région d’Idlib alors même qu’Ankara est partie prenante des combats dans la région…»
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