En Syrie, «tout ce qu’il reste aux Européens, c’est l’humanitaire», selon Christian Chesnot

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Ce 30 juin se tient la conférence Bruxelles IV, lors de laquelle les Européens entendent lever plusieurs milliards de dollars pour venir en aide au peuple syrien. Et ce, peu de temps après que les États-Unis aient imposé le plus lourd régime de sanctions contre Damas à ce jour. Cette stratégie peut-elle redonner du poids aux Européens en Syrie?

3,8 milliards de dollars pour les Syriens vivant en Syrie et 6,04 milliards de dollars pour ceux qui sont réfugiés dans les pays voisins, soit respectivement 3,38 et 537 milliards d’euros. Voilà les sommes que l’Onu et l’Union européenne espèrent lever ce mardi, avec des bailleurs de fonds publics et privés, lors de «Bruxelles IV», la quatrième conférence internationale des donateurs pour le peuple syrien.

Cette conférence fait suite à celle qui s’est tenue en mars 2019, qui avait réuni des intervenants de 57 pays et 20 organisations internationales et agences des Nations unies. La troisième édition avait permis de lever pas moins de sept milliards de dollars (6,2 milliards d’euros) pour 2019, et approchait –par des engagements pluriannuels– les 2,4 milliards de dollars (2,1 milliards d’euros) pour 2020 et au-delà.

​​Aujourd’hui, même si les combats se sont calmés et la fin du conflit semble proche, la situation humanitaire est plus catastrophique que jamais en Syrie. Près de dix ans de guerre ont laissé le pays en ruines et dépourvu de la plupart de ses infrastructures. À cela s’ajoutent des famines et les conséquences socio-économiques de la pandémie de Covid-19.

Une pression économique américaine toujours plus importante sur la Syrie

Le pays connaît actuellement une inflation monstre: la monnaie syrienne, qui s’échangeait au cours de 45 livres pour un dollar avant la guerre, a atteint 3.000 livres pour un dollar la semaine dernière. Et pour ne rien arranger, la crise économique touche également les voisins et premiers partenaires commerciaux de la Syrie.

«Actuellement, quelque 9,3 millions de Syriens se couchent en ayant faim, tandis que plus de 2 millions [supplémentaires, ndlr] risquent de connaître le même sort», ont averti dans un communiqué commun plusieurs ONG internationales.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, c’est dans ce contexte terrible que les États-Unis ont unilatéralement décidé d’imposer une pression économique maximale en renforçant le régime de sanctions à l’égard de Damas.

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Le texte de loi américain baptisé «Caesar Syria Civilian Protection Act», entré en vigueur le 17 juin, entend asphyxier économiquement le pouvoir syrien. Néanmoins, de nombreux observateurs et acteurs politiques dénoncent ce régime de sanctions qui va surtout pénaliser les populations, voire l’aide humanitaire, et non le gouvernement, qui sera capable de les contourner.

​Face à cette situation, les Européens qui, par le passé, se sont souvent alignés sur les sanctions américaines vis-à-vis de Damas ont cette fois-ci refusé de renchérir sur Washington.

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Au contraire, les chancelleries européennes voient surtout dans le désarroi syrien un moyen de marquer leur différence avec l’approche agressive des États-Unis, sans pour autant donner de blanc-seing à Damas. En effet, les Européens ont toujours leur propre régime de sanctions, imposé contre Bachar el-Assad et son entourage.

«Depuis le début du conflit, la politique européenne en Syrie a toujours été de sanctionner le pouvoir et son cercle rapproché tout en fournissant une aide humanitaire importante au pays. Dix ans plus tard, cette stratégie est loin d’avoir accompli ses objectifs, au contraire», souligne au micro de Sputnik Christian Chesnot, auteur de plusieurs ouvrages sur la géopolitique de la région.

Cela pourrait tout de même changer. «Les Européens sont divisés sur la Syrie», poursuit-il, et d’autres voix espèrent une approche alternative. Compte tenu des circonstances actuelles, et notamment des difficultés de plusieurs pays implantés en Syrie, certains en Europe y voient une fenêtre d’ouverture pour remettre un pied en Syrie.

Près de 500.000 morts depuis le début du conflit en Syrie

C’est par exemple le cas d’Hannah Neumann, eurodéputée les Verts, qui suggère qu’il faudrait profiter d’initiatives similaires à Bruxelles IV pour envoyer un message fort aux parties prenantes en Syrie: 

«À cause de la pandémie, ceux qui tirent les ficelles en Syrie, en particulier l’Iran, sont à court d’argent. Ils ont donc besoin de quelqu’un pour payer l’aide humanitaire. Ils ont besoin de quelqu’un pour payer la reconstruction. Et je pense que l’Union européenne devrait utiliser cette situation pour retourner à la table des discussions et influencer la situation en Syrie», souligne-t-elle au micro d’Euronews.

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Cette ligne, qui semble être en rupture avec l’approche européenne actuelle, semble tout de même être «illusoire, voire incantatoire» selon Christian Chesnot, car elle ne remet pas en cause le tandem sanctions/humanitaire, qui est condamné à l’échec.

«En Syrie, ce sont les Russes, les Turcs, les Iraniens et les Américains qui contrôlent le jeu. Tout ce qu’il reste aux Européens, c’est l’humanitaire», constate Christian Chesnot, dépité.

Même si l’approche diplomatique européenne semble tenir une ligne plus modérée sur le celle des Américains, sans réelle rupture avec la politique en place jusqu’à ce jour, il sera difficile pour les Européens de peser à nouveau dans le dossier syrien, conclut Christian Chesnot.

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