L’Arabie saoudite abandonne le rachat de Newcastle, victoire diplomatique pour le Qatar?

© LINDSEY PARNABYNewcastle United
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Déterminée à racheter le club anglais de Newcastle il y a encore quelques mois, l’Arabie saoudite a fini par jeter l’éponge et a retiré son offre. Un échec que serait la conséquence directe du conflit qu’elle a initié avec le Qatar.

Annoncé en grande pompe, le projet d’acquisition par l’Arabie saoudite du mythique club de football anglais Newcastle United a fait pschitt. Le projet était pourtant au cœur de la nouvelle stratégie diplomatique saoudienne initiée par le prince Mohamed Ben Salmane (MBS). Pourtant, le fond public d’investissement saoudien (PIF) n’avait pas lésiné sur les moyens: une offre de 300 millions de livres sterling (332 millions d’euros) avait été mise sur la table. Un accord avait même été trouvé en avril avec le propriétaire du club, Mike Ashley. Mais les retombées économiques induites par la crise du Covid, et surtout la condamnation infligée au royaume par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour son piratage de la chaîne BeIN Sports, ont fini par faire par capoter la transaction.

​Le PIF a fini par publier un communiqué le 30 juillet indiquant qu'il renonçait à son projet de rachat des «Magpies». «Avec une profonde reconnaissance pour la communauté de Newcastle et l'importance de son club de football, nous avons pris la décision de retirer notre offre pour acquérir le Newcastle United Football Club. Nous le faisons avec regret, car nous étions enthousiastes et pleinement déterminés à investir dans la grande ville de Newcastle et pensions que nous aurions pu ramener le club à la hauteur de son histoire, de sa tradition et du mérite de ses fans», expose le communiqué.

Une rivalité régionale explosive

Un échec qui révèle les limites de la stratégie diplomatique saoudienne, et plus précisément de la guerre larvée qu’elle mène contre le Qatar?

Ainsi, le lancement en 2017 par l’Arabie saoudite d’un réseau de télévision pirate, dans le cadre de la campagne du royaume contre Doha, aurait été fatal au fond d’investissement (PIF) et à ses partenaires. Appelé BeoutQ, ce réseau de télévision retransmettait en direct aux téléspectateurs saoudiens des matchs diffusés par les chaines de BeIN Sports et masquait le logo violet du Qatar. Pis, BeoutQ est allé jusqu’à remplacer les publicités de BeIN par des productions locales qui se gaussaient de son rival. Le slogan du réseau pirate se voulait militant: «Non au monopole, non à la politisation du sport».

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Sommé de s’expliquer, le royaume wahhabite a dans un premier temps nié toute implication dans l’opération de piratage, bien qu’il ait maintenu l’interdiction de diffusion de BeIN Sports (le groupe qatari détient les droits de télévision exclusifs des principales compétitions internationales pour la région MENA). Mais en 2018, dans le cadre de la coupe du monde en Russie, le pouvoir saoudien a assumé sa stratégie de défiance au grand jour en installant des zones de diffusion publiques permettant aux saoudiens de regarder les matchs de leur équipe nationale en direct. Ces zones sponsorisées par le gouvernement ont ainsi utilisé le réseau officiel de BeIN Sports sans aucune autorisation.

Alertée par le groupe Al-Jazeera qui détient BeIN, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a sanctionné l’Arabie saoudite pour avoir enfreint les accords commerciaux internationaux.

BeIN Sports invoquera deux ans plus tard cette décision pour demander à la Premier League de bloquer la vente de Newcastle en raison des problèmes de piratage. En réaction, L’Autorité saoudienne contre le piratage a rétorqué qu’elle mettait tout en œuvre «pour bloquer 231 sites web qui violaient les régimes de propriété intellectuelle en vue de les fermer».

«La géopolitique de la dissimulation par l’art»

Contacté par Sputnik, Sébastien Boussois, Docteur en sciences politiques et spécialiste du Moyen-Orient et des relations euro-arabes, estime que si Riyad tenait tant à racheter le club de Newcastle, c’était pour «intégrer d’une part la prestigieuse Premier League, mais aussi pour rivaliser en termes d’image et de surface médiatique avec son voisin Qatari et le PSG, à l’approche de la coupe du Monde 2022 qui se tiendra à Doha».

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Mais encore faut-il relativiser cette rivalité, tant Riyad semble jouer dans la division inférieure: «Le Qatar détient le PSG depuis longtemps» et «avec la coupe du monde 2022 qui se déroulera au Qatar, Riyad ne peut pour l’instant pas rivaliser avec Doha». Ainsi, la première étape pour MBS est-elle le rachat d’un club européen: un «objectif clair pour Riyad» selon Sébastien Boussois qui reste dans l’expectative: «On verra ce que donne le projet de rachat de l'OM». Jusqu’ici, la stratégie plus globale de soft power du royaume saoudien ne ferait aucun doute :«L’Arabie saoudite cherche à redorer son image à tout prix par ce que l’on appelle en géopolitique de la "dissimulation par l’art". Elle investit en effet depuis plusieurs années dans de nombreux médias. Depuis le début de la crise du Covid-19, elle a investi pas moins de sept milliards de dollars dans des entreprises aussi prestigieuses que Disney, Boeing ou encore Facebook».

Avec un fond souverain de près de 2.000 milliards de dollars, le royaume wahhabite n’est pas dépourvu d’atouts. Cependant, pour Sébastien Boussois, l’échec du rachat du club de Newcastle pourraient marquer un tournant dans la «confiance sans faille du Prince héritier» en ses propres capacités.

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