Joe Biden: la fin du «America first» et le retour de l’interventionnisme américain?

© AP Photo / Matt RourkeJoe Biden
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Candidat à la Maison-Blanche, humaniste autoproclamé, Joe Biden appelle à «un retour à la normale» sur le plan géopolitique. Mais que veut dire «la normale» pour ce dinosaure de la politique américaine? Retour avec Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis, sur le projet de politique étrangère de l’ex-vice-Président d’Obama.

Joe Biden se pose comme un opposant frontal à tout ce qu’a fait Donald Trump, tant sur le plan de la politique intérieure qu’extérieure. Mais est-ce encore possible? Durant les quatre ans de la présidence Trump, les équilibres géostratégiques ont été considérablement bousculés.

Au cours de cette période, la Chine a confirmé son émergence comme superpuissance, la Russie a également pris du galon sur la scène internationale –notamment au Moyen-Orient où elle s’affirme désormais comme une des puissances médiatrices de référence–, l’Iran a perdu le peu de confiance qu’il avait vis-à-vis de Washington et l’Europe s’en est également distancée.

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En quoi consiste donc ce «retour à la normale» si cher au candidat Démocrate? L’auteur de Joe Biden (Nouveau Monde Éditions, 2020), Jean-Éric Branna, livre au micro de Sputnik les dessous de la stratégie d’un Joe Biden qui compte redonner ses lettres de noblesse à une Amérique qui «mène le monde par son exemple.» Celui-ci propose d’ailleurs, s’il est élu, d’organiser un «sommet global pour la démocratie» lors de la première année de son mandat.

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Pour l’universitaire, la posture de base de l’ex-vice-Président d’Obama consiste surtout à s’inscrire en faux par rapport à la politique Trump, sauf sur les dossiers qui ont été salués par l’opinion publique internationale. Une stratégie de contorsionniste qui pourrait s’avérer inopérante, compte tenu de l’état actuel du monde.

Revigorer l’Alliance atlantique

Sur l’Iran par exemple, Joe Biden promet de revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien, en prolongeant la date butoir. Ce que réfute catégoriquement l’Iran, mais de toute façon, pour Téhéran, la parole américaine a perdu toute crédibilité. Comme le souligne Jean-Éric Branaa, «pour eux, Trump ou Biden, c’est pareil.»

La logique de revenir sur des bases pré-Trump vaut également pour l’Europe. Joe Biden se dit déterminé à «réparer» une relation endommagée entre les États-Unis et ses partenaires européens.

«Vis-à-vis de l’Europe, il y aura une main tendue, puisque les relations ne sont plus très bonnes. On sait qu’il souhaite augmenter le nombre de soldats en Allemagne pour repartir sur de bonnes bases avec les Européens et parce qu’il a ce lien difficile avec la Russie», analyse l’auteur de la biographie de Joe Biden.

Trop tard? C’est déjà peut-être le cas. Même si la relation n’est pas morte, loin de là, le mandat Trump a convaincu nombre de dirigeants européens, en particulier à l’ouest du continent, de consolider une Europe politique et de la Défense, moins dépendante des États-Unis.

Défiance vis-à-vis de la Russie et de Poutine

Peu importe, la relation transatlantique figure au rang des chantiers prioritaires du candidat Démocrate. Car aux portes de l’Europe il y a la Russie et son Président Vladimir Poutine, qui est l’un des rares dirigeants internationaux avec qui Joe Biden a une mauvaise relation, affirme Jean-Éric Branaa. Ce dernier rappelle que Joe Biden a rencontré de nombreux chefs d’État et que le candidat Démocrate a «une plutôt bonne relation avec la plupart des dirigeants, et même certains adversaires.» À l’exception de Poutine, avec qui «il ne s’entend pas». À moins qu’il ne veuille jouer jusqu’au bout la carte de la fameuse «ingérence russe» dans les élections américaines?

​Le vice-Président américain aurait d’ailleurs eu des mots durs à l’égard du chef de l’État russe lors d’une réunion bilatérale, à en croire une interview qu’il a donnée au New Yorker, que cite Branaa. À l’occasion de cette réunion, Biden aurait lancé à Poutine: «je vous le dis les yeux dans les yeux, je pense que vous n’avez pas d’âme.» Ce à quoi le Président russe aurait répondu en souriant, toujours selon Biden, «nous nous sommes compris».

Un épisode qui donne le ton des possibles futures relations américano-russes en cas d’élection de Biden. Un retour donc à une Amérique encore plus hostile à la Russie, aussi bien dans le discours que dans les actes. Une position qui pourrait s’avérer être une réelle menace pour la sécurité internationale.

Retour d’un multilatéralisme institutionnel

Le fidèle compagnon d’Obama, s’il est élu, entend également réintégrer et rétablir la place centrale des États-Unis dans les grands organismes internationaux tels que l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation mondiale du commerce, signe de l’attachement de Joe Biden au multilatéralisme institutionnel.

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Sur Israël et le Proche-Orient, «pas grand-chose ne va changer. Il a déjà expliqué devant l’AIPAC [lobby américain visant à promouvoir les intérêts d’Israël, ndlr] que les choses resteraient comme Trump les a mises en place», explique l’auteur de «Joe Biden».

Pas de changement donc au niveau de la reconnaissance de Jérusalem ou du déplacement de l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem. De même pour les accords signés récemment entre Israël et les Émirats arabes unis et Bahreïn.

«La seule chose qui pourrait changer sur ce dossier en cas d’élection de Joe Biden est le fait qu’il parlera aux Palestiniens, alors que le dialogue est, pour le moment, rompu», selon Jean-Éric Branaa.

Le calcul est le même concernant la Chine, que l’opinion américaine voit désormais de manière plus négative. En 2011, 51% des Américains avaient une opinion favorable de la Chine, contre seulement 26% en 2020, indique une étude du Pew research center. Comme l’explique Jean-Éric Branaa, sur ce dossier «Joe Biden est plus ou moins sur la même ligne que Donald Trump.»

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À cela près qu’il appuiera plus sur l’aspect humanitaire que ne l’a fait Trump, notamment à propos des Ouïghours. Car, il ne faut pas l’oublier, précise l’universitaire, la doctrine géopolitique de Biden est avant tout motivée, sur la forme en tout cas, par l’humanisme.

«Les droits de l’homme et le respect des minorités sont quelque chose de très important pour Biden», conclut Jean-Éric Branaa. 

Comme tant de Présidents américains avant lui…

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